Nouvelle émanation flamboyante du rock indé parisien assumant son franc-parler, exposant ses cicatrices et ses sentiments sans fard, Nathalie ok exprime sa fureur de vivre et ses débâcles romantiques dans son premier EP autoproduit, « L’enfant sauvage ». En quête de sens, de reconnaissance et de nouvelles connexions, son chanteur Pablo Saguez, ingé-son autrefois musicien pour d’autres formations françaises, porte cette jeune aventure à bras le corps, la rage au ventre souvent, au bord des larmes parfois quand l’émotion devient trop vive. De l’enfance à la douleur de proches disparus en passant par ses amours passés… c’est toute la nouvelle vie trépidante et mordante du musicien qui se raconte dans ce premier disque presque autobiographique. Cet habitué des scènes rock de la capitale, du No.Pi à L’International en passant par L’Espace B, le Hard Rock Café et le feu-Bus Palladium, revient pour indiemusic sur les premiers mois et émois de Nathalie ok, à l’occasion de la sortie ce jour de ce premier EP, complété du « Goût du goudron », clip artisanal noir et fracassant, tourné en solitaire.
Nathalie ok ?
Nathalie ok, c’est le projet que je porte en tant qu’auteur-compositeur et multi-instrumentiste. C’est ma première aventure en autoproduction, étant aussi ingé-son. Après avoir joué longtemps dans deux projets à succès (Zéro et Loading Data), j’ai décidé à mon tour de monter le mien et d’écrire mes chansons. J’ai alors demandé un coup de main à l’ami Fred Radepont, avec qui je faisais des courts métrages à l’époque de me joindre et de prendre la basse. Un batteur nous rejoint et très vite, malgré les défauts inhérents aux débuts, nous nous sentons prêts à jouer et défendre notre projet sur scène. Les premiers concerts étaient bien rock. Je n’avais pas encore développé de technique vocale mais j’y croyais fort ! J’ai toujours tout enregistré et fais filmer. J’avais besoin de documenter mon processus de création et aussi de voir comment m’améliorer encore et encore.
Mon clip « Le goût du goudron »
« Le goût du goudron » a été écrit et composé pendant le confinement. À cette époque, des amis ont vécu la mort de leurs proches. J’ai écrit cette chanson d’une traite, en pensant à ces personnes qui étaient parties, mais aussi en pensant à ma propre mort. Un rendez-vous que je n’aurais l’occasion de rater. Je suis allé pendant une semaine chaque jour au studio pour enregistrer cinq ou six versions du morceau. La Gibson Les Paul dans mon Marshall JCM 800 de 1983. Le son est tranchant, rock, sans concession. Le tournage du clip s’est fait en trois nuits et seul dans ce studio blanc de 60m², j’ai tourné les images de 11h du soir jusqu’à 3 ou 4 heures du matin. J’ai la chance d’avoir depuis 5 ans mon studio collé à mon logement. Je peux y enregistrer jour et nuit. J’ai tourné environ quinze fois le morceau entier pour finalement m’apercevoir qu’il y avait une prise qui sortait indéniablement du lot. J’avais en tête, dès le début de faire un clip noir et blanc au format carré en m’inspirant de souvenirs des clips de Bashung, Bowie et Rita Mitsouko. La simplicité s’est révélée être le meilleur des choix. Un clip sobre et sans artifice, une cigarette à la main.
« L’enfant sauvage », mon premier EP
La pochette
Pour illustrer mon disque, je cherchais une photo en noir et blanc. Il semblait évident de commencer par demander à mes proches. Et parmi eux, il y a Sarah Cohen-Hadria, alias Camoun_a, qui fait partie de ma vie. Nous nous sommes rencontrés dès mon arrivé sur Paris.
Issue de sa série « Ma gueule », j’avais flashé sur cette photo en autoportrait, où elle se met en scène avec son fils Marlow qui avait alors un an. Cette photo, les jambes en l’air et son fils dans les bras incarne pour moi l’idée même de la famille. Et par dessus tout, le texte qui l’accompagnait alors me parlait beaucoup : « Je ne voulais rien perdre. Cœur à corps. Le cadre s’est invité. Comme un membre de la famille ».
L’enregistrement
Ce premier EP, « L’enfant sauvage », a été enregistré en plusieurs parties dû aux confinements, dans mon studio, le Studio Blow, situé au Ventre de la Baleine ; un collectif d’artistes qui réunit des peintres, des photographes et des musiciens à Pantin. Nous avons enregistré la basse et batterie ensemble avec Roman Blanchard et Alexandre Grolée. Puis j’ai fait mes guitares. J’avais besoin de temps pour trouver les bons arrangements et le son. Roman et moi sommes allés enregistrer le chant du titre « Je vois » au studio We Tailor Sound, car je n’arrivais pas à produire correctement ces voix criées, seul dans mon studio. Un microphone à ruban ainsi qu’un préamplificateur plus vintage étaient nécessaires.
Pas la peine
Ce titre, au départ voulu comme single, a été composé il y a trois ans. J’étais en couple avec mon amoureuse de l’époque et il s’est avéré que j’ai ajusté et terminé les paroles après notre rupture. Le titre a été enregistré avec Alexandre Grolée et Roman Blanchard en basse-batterie en même temps, sans click. Je me souviens bien de cette journée, car nous nous étions un peu plantés de tempo sur les premières prises. Le morceau manquait de jus, de patate. Il s’avère que le tempo était en dessous, ce qui rendait la chanson molle. À l’époque, j’étais complément fou des batteries dead (très étouffées, sans sustain). Nous avions mis plein de tissus et de couvertures sur les différentes parties de la batterie. Je me souviens aussi demander à un ami de venir faire un solo sur ce morceau. Finalement au mix, nous n’avons pas gardé son solo. Mais nous avons conservé les essais de son qui se sont transformés en noise sur le second couplet.
La petite fille perdue
C’est un morceau très important pour moi. Je ne me souviens pas vraiment comment me sont apparues les paroles. Je crois que j’ai beaucoup pensé à une fille. Celle qui m’a hanté. Miguel Randrianasolo a fait une proposition de mixage qui semblait être la bonne avec la basse bien devant. Je me rappelle enregistrer les guitares tard une nuit. Une fois le son trouvé avec cette reverb, les choses sont allées très vite. Au matin, le morceau était terminé.
Santé basse
Là, c’est un morceau assez complexe avec un jeu de mots entre « santé basse » et « synthé basse ». L’histoire est celle d’un homme qui se sent partir. Sa santé est faible, basse. Il finit par mourir et la fin en trop résonne pour moi comme l’enfer.
Il a un côté fusion entre rock, électro et reggae, tout en ayant aussi un côté chanson française, pas vraiment évident à la première écoute. Certaines personnes accrochent seulement après 3-4 écoutes. La fin avec de la trap est partie d’une envie d’intégrer des sons plus modernes au morceau. C’est le morceau qui m’a demandé le plus de temps de mixage. C’était éprouvant. J’y ai laissé une partie de ma santé. Je le voyais aussi comme un long voyage vers l’enfer.
Le goût du goudron
Enregistré seul lors du confinement, je me souviens d’avoir pleuré pour le chanter. Dans mes souvenirs, nous étions entre avril et mai, il faisait chaud à Pantin pour la saison. Entre deux prises, j’allais faire une pause sur le toit du Ventre de la Baleine. Puis je retournais dans le studio et je recommençais à pleurer. J’ai dû faire cinq ou six versions du morceau, sur différents amplis et guitares. Finalement j’ai joué sur ma Les Paul dans un vieux Marshall. La prise de chant est faite en une fois. Pas de correction, pas d’édit. Pas de correction. Brut. J’avais envie de vivre la chanson à chaque fois en entier. La version clip est raccourcie d’un couplet. La version sur l’EP en compte trois.
Je vois
C’est grâce à mon ami Corentin que ce morceau a cette patate. Il est venu nous voir jouer un jour en répétition, nous commencions à travailler sur ce titre. À la fin du morceau, il a dit « Vous pouvez essayer de le jouer plus rapide, mais genre vraiment plus vite… ». Nous nous sommes exécutés et le tempo est resté, rapide. Soudain, le morceau donnait envie de bouger, de sauter ! Heureusement qu’il est passé nous donner ce conseil. J’ai toujours été très ouvert à ceux de mes amis. Souvent quand quelqu’un d’extérieur écoute, c’est plus facile pour lui d’apporter un regard frais frais. « Je vois » parle du choix de rester encore et encore dans la musique, dans l’art, dans la création. Quitte à souffrir ou détruire certaines histoires.
Le live comme exutoire
Sur scène, Nathalie ok se défend en bande. Elle a besoin de sonner fort, que le moteur se mette en route. Nous avons joué longtemps en power trio tel que Nirvana ou The Jimi Hendrix Experience. J’ai toujours aimé cette formule Power Trio pour le son que ça procure. Simple, efficace. Une guitare, une basse, une batterie. Chaque élément y est à sa place.
Le futur
Nathalie ok cherche toujours son label après plusieurs propositions peu convaincantes. Une résidence de cinq jours nous attends prochainement au Studio des Variétés et nous nous produirons le 17 mars dans l’Anti-club du Cirque Électrique à Paris dans le 19e, avec La Billy et Total Léopard.
« L’enfant sauvage », le 1er EP de Nathalie ok est disponible depuis le 10 mars 2023.