Se sentir possédé pendant une heure qui semble durer une vie entière ; une vie de rêves éveillés, de regrets, de passions amoureuses et charnelles que l’on revoit défiler devant ses yeux, alors que la brume se lève et que tout devient clair. Le premier album de Mt. Wolf est un soleil éclatant, une herbe que l’on frôle, un champ de blé que le vent fait frémir. Un voyage entre l’étincelante beauté du moment et l’éternel désir du bonheur.
Beaucoup d’entre nous, depuis quelque temps, se détachent du virtuel et essaient, alors que cela semblait perdu d’avance, de renouer le contact avec le réel. De simples gestes, des rencontres, des paroles. Un verre de vin dans un bar à moitié désert, des cris de joie au milieu d’une foule, des rassemblements pour avouer, haut et fort, sa liberté. Et, dans cette démarche de plus en plus prisée mais difficile, certains disques nous motivent, nous poussent à dépasser les clivages pour marcher, aller de l’avant, joindre nos mains et éprouver. Avec « Aetherlight », les Londoniens de Mt. Wolf clament leurs encouragements, tracent les lignes de routes à suivre pour ne plus subir mais, au contraire, pour agir. Entre électronique, rock et, plus que tout, une douceur mélancolique et bienheureuse, le trio perçoit nos désarrois et nous aide à les chasser, offrant ce qui résonne comme le disque parfait pour savoir, enfin, que l’on est bel et bien sur cette terre pour une raison qu’il faut encore et toujours chercher en notre for intérieur. On n’aurait pu souhaiter meilleur appui que celui-ci…
Dès les premiers accords d’une introduction dont le spectre sonore se voit métamorphosé par de subtiles perles cristallines et une nappe qui poursuivra sa quête tout au long de l’opus, l’auditeur s’imprègne des fluides régénérateurs que constituent les musiciens, palettes de couleurs indélébiles et rayonnantes. Les mouvements peuvent alors s’enchaîner, entre délicatesse de pistes où cordes et guitares s’enlacent tendrement (« Heavenbound », « Bohemia ») ou explosions dantesques et aveuglantes (« Soteria », « Hex »). À lui seul, Mt. Wolf synthétise ce que l’art musical émotionnel a tenté, à de nombreuses reprises, de transmettre ces vingt dernières années, faisant des progrès techniques les instruments d’une musique vivante, volatile et exponentielle tout en offrant au chant une dimension humaine et versatile trop rare pour ne pas être soulignée, comme en témoigne la lente ascension vers des sommets éblouissants que représente le sublime « Starliner II ». Chaque note, chaque impulsion électrique et synthétique se livre corps et âme au spleen et à l’espoir, qui trouvent tous deux leur vision la plus onirique dans l’inoubliable « Anacrusis » et les paysages acoustiques de « The Electric ». Avant de clore ce premier chapitre – ou plutôt roman, de par sa densité – sur « Exit (With Brugs »), reprenant le thème de départ accompagné d’un monologue qui nous interrogera de nombreuses heures sur notre condition humaine, tout en nous apportant quelques éléments de réponses.
Jamais la dérive n’aura été aussi bienfaisante et chargée d’oxygène. Entrer dans « Aetherlight », dans cette lueur céleste, c’est s’allonger en plein milieu de l’océan et regarder les astres nocturnes, les couleurs surréalistes d’une aube nouvelle qui laissera pour longtemps sur nous les marques de son passage. C’est renaître, respirer, sentir, goûter. Laisser nos sens redevenir ce pour quoi nous en avons tant besoin : être, avoir été et devenir. Mt. Wolf signe un opus poignant et impossible à oublier, nous rappelant constamment à lui, à sa fragilité autant qu’à a sa force d’évocation. Un monument devant lequel on s’incline avec respect et humilité, les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres.
« Aetherlight » de Mt. Wolf est disponible depuis le 26 mai 2017 chez CRC Music.
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