[Live] Motorama et Emily Jane White à la Maroquinerie

Du 9 au 12 novembre, la maison de disque bordelaise Talitres a fêté ses 15 ans au cours d’une tournée française en Gironde et à Paris. Nous avons ainsi pu voir Emily Jane White et Motorama, figures de proue actuelles du label, se produire sur la scène de la Maroquinerie pour la toute première nuit de l’événement.

Motorama © Charles Binick
Motorama – crédit : Charles Binick

C’est Emily Jane White qui a ouvert le festival dans la petite salle parisienne. L’Américaine aux cinq albums est venue accompagnée de son trio de scène, comme lors de son précédent concert dans la capitale au Klub, au printemps. La prêtresse du dark-folk nous a joué ses nouvelles compositions extraites de son dernier long-format, « They Moved in Shadow All Together » aux textes sombres et bouleversants. Les arrangements sublimes du disque sont fidèlement réintroduits sur scène, notamment grâce à l’aide d’un violoniste présent dans le groupe, pour faire ressentir toute l’intensité dramatique des compositions de la Californienne. Assistée d’une choriste, Emily Jane White pose sa voix ténébreuse en alternant clavier et guitare, et jette ainsi ses sorts sur une fosse envoûtée.

Elle atteint des profondeurs d’une noirceur sans égale, si ce n’est peut-être chez Marika Hackman ou de Marissa Nadler. Un set finalement très intimiste et glaçant au point de nous faire frissonner sur les refrains du bien nommé « Frozen Garden », mais la singer/songwriter parvient également à décliner une atmosphère plus chaleureuse en interprétant des titres plus anciens remontant parfois jusqu’à « Dark Undercoat » premier disque sorti en 2008. Avant de quitter la scène, elle n’oublie pas le contexte du concert et prend le temps de glisser une dédicace à Talitres et à son fondateur, Sean Bouchard.

Peu après, Motorama a eu de quoi alimenter sa setlist d’une ambiance tout aussi froide avec les quatre albums cold-wave de sa discographie. Le groupe ne s’en est pas privé, au point d’offrir un concert de près d’une heure et demie compilant plusieurs dizaines de leurs courtes chansons à la signature mélodique à laquelle la formation nous habitue depuis presque dix ans. Le chanteur Vladislav Parshin, à la basse ou à la guitare, a parfaitement su donner de sa voix grave sur les nouvelles et plus anciennes compositions du groupe russe qui a sorti son premier album chez Talitres en 2010 avec « Alps ». Le set a évidemment fait la part belle à « Dialogues », dernier essai de la formation arrivé dans les bacs fin octobre, avec « By Your Side » ou « Holy Day ». Entre surf-music et post-punk, Motorama enchante et fait machinalement remuer nos nuques avec des sonorités mélodieuses toutes trouvées, à la fois graves et dansantes, glaciales et addictives.

Le public se composait de nombreux connaisseurs à en juger par ses réactions pour chaque première note d’un single entendu, ou par ses interpellations répétées pour guider le groupe de Rostov dans le choix de la prochaine chanson à interpréter. Timide, le regard fuyant, Vladislav ne cache pas sa gêne quand il faut prendre la parole devant la salle à guichet fermé, et enchaîne donc sans temps mort la liste quasi infinie de titres qui permet de revisiter toute la discographie de ce quintet attachant – réduit à un quatuor ce soir-là du fait de l’absence de la bassiste Airin Marchenko. Notes de synthés et lignes de basse collent indéfiniment aux oreilles tandis que le rythme impulsé par le batteur s’ancre sur nos pulsations, pour un concert jouissif de bout en bout.

Et comme Motorama n’a pas oublié le contexte festif de l’événement, faute de gâteau et de bougies, il profite d’une minute – destinée à reprendre son souffle et changer quelques cordes à ses instruments – pour aller chercher un petit stock de pommes à partager avec le public, en plus de bouteilles de bières fraîches. Puis le groupe redémarre de plus belle, avec cette fois-ci quelques parenthèses notamment accordées au très bon « Poverty », troisième album et peut-être le plus abouti sur le plan mélodique, à l’image de ses magiques « Corona » ou « Heavy Wave ». Il ne manquait plus que le génial « Red Drop » extrait du même long-format pour que la soirée soit parfaite.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens