[Interview] Moodoïd

Pablo Padovani, chanteur, guitariste et leader du projet pop Moodoïd nous a accueilli en backstage, avant son concert sur la scène indie du festival We Love Green. Un moment d’échange passionnant et agréable avec le talentueux musicien parisien, amoureux des voyages et de l’imaginaire musical et visuel, jusque dans les textes. L’occasion aussi d’en savoir un peu plus sur « Le Monde Möö », son premier album à paraitre à la mi-août sur le label Entreprise.

Moodoid par Fred Lombard

  • Hello Pablo, pour commencer, pourrais-tu me dire ce qu’est Moodoïd ?

Moodoïd, c’est une sorte de matière molle, qui est multiforme et qui est sucrée, colorée, et… un peu sexuelle aussi. Voilà ! (rires)

  • Moodoïd, c’est ton projet à la base, tu l’as créé, et tu as ensuite été rejoint par des musiciennes…

Oui, exactement. À la base, j’ai écrit tout un répertoire et je me suis dit : « Mais il faut que je joue ces chansons un jour quand même ! ».
J’ai cherché des filles parce que je voulais absolument jouer ces chansons avec des filles, et j’ai réussi… au bout d’un an et demi. Ça a mis du temps !

  • Un an et demi ?

Ce qui a été long, c’est que j’ai eu plusieurs formations et entre temps, j’ai trouvé mon label Entreprise, avec qui on a fait cet EP. Entre temps, je suis entré dans Melody Echo’s Chamber, projet par lequel j’ai rencontré Kevin Parker, qui a mixé le disque, aussi sur beaucoup de temps.
J’ai aussi réalisé des clips. Il y a eu toute une période qui a été très longue avant que ça sorte.

  • Les musiciennes qui t’ont rejointe, comment les as-tu trouvées ? Et quelle place ont-elles aujourd’hui dans le projet ?

Alors, je les ai toutes rencontrées de manière différente. Il y en a une que j’ai rencontrée sur un site de rencontre de musiciens en ligne, une autre que j’ai rencontrée, car elle avait joué dans la même soirée que nous dans un autre groupe…

  • D’ailleurs, comment se créent les affinités sur ce genre de concerts ?

Là, en l’occurrence, c’était en backstage, mais c’est assez rare dans les festivals. Souvent les groupes restent un peu entre eux, et c’est pas toujours évident d’aller parler avec d’autres, à part si c’est deux groupes qui ont vraiment des affinités, et qui vont aller se retrouver.
En fait, si les groupes ne se connaissent pas, je ne trouve pas qu’ils sont hyper curieux des autres, enfin nous les premiers. Il y a un peu un truc où tu viens faire ton concert, où tu es un peu dans ta petite bulle.
Mais là, en l’occurrence, quand j’ai rencontré Lucie Droga, qui est aux claviers, c’était dans une soirée en appartement, et du coup, c’était plus intimiste, et pas du tout dans un cadre professionnel.

  • Il y a un an sortait ton premier EP.

Oui, l’EP est sorti en septembre 2013, mais un premier clip a été dévoilé en juin.

  • Un EP mixé par Kevin Parker. Comment as-tu travaillé avec lui ?

Ça a été une relation à la fois hyper excitante et en même temps, hyper compliquée à gérer, car avec Tame Impala, il sortait son deuxième disque, qui a connu un énorme succès. Il était en Australie, j’étais à Paris. Je lui envoyais toutes mes sessions de musique là-bas, et j’attendais…
J’attendais parfois trois mois avant qu’il m’envoie une chanson, et je sautais de joie quand je la recevais.

  • Cet EP fait quatre titres, donc si mes calculs sont bons, ça a duré un an ?

Ça a pris un peu moins de temps en réalité, huit mois pour les quatre chansons. Et je ne savais pas s’il allait mixer toutes les chansons ou juste une ou deux. C’était un peu vague et il est finalement venu à Paris et là, je l’ai attrapé, je lui ai dit « on finit le boulot ! ». Et on a passé deux jours ensemble comme ça, lui il mixait sur son ordinateur dans le studio du label Entreprise, et on vérifiait sur les baffles que ça marchait bien.

  • Et toi, tu as des compétences en mixage ?

Disons que non. En fait moi, j’ai fait des études de cinéma, et mes compétences techniques sont plus liées à l’image. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai réalisé certains clips pour Moodoïd.
Après, en faisait ce deuxième disque (Le Monde Möö), en travaillant avec un autre producteur, je commence quand même, à force de pratiquer le studio, à avoir un peu plus de connaissances et j’apprends de mes erreurs aussi. Et j’ai maintenant le désir de commencer m’y mettre.

  • Je vais rebondir sur ce que tu as dit. Tu as fait des études de cinéma, il y a un côté dépaysant dans tes clips, où vas-tu trouver toutes tes idées ?

Je réalise également des clips pour d’autres groupes. Et au début, j’avais un peu peur de faire des clips pour mon groupe à moi. Mes chansons m’inspiraient déjà des choses, mais je me demandais si j’allais pouvoir trouver des idées pour les mettre en image, en vidéo.
Et en fait, avec Jérôme Walter qui a réalisé le clip de « Je suis la montagne », on a commencé à travailler ensemble, et on est un peu parti dans cette idée là de l’encyclopédie, de prendre le thème de la chanson et le décliner en encyclopédie.

  • Et du coup, ça se passe comment ?

Pour « Je suis la montagne », on nous voulait jamais qu’une montagne apparaisse, mais tout ce qui nous y fait penser va apparaître : de la gourde pour aller faire une randonnée, les œufs en neige, ce qui nous faisait penser de près ou de loin à la montagne donc.

  • Mais il y a quand même un homme montagne dedans !

Oui, il y a en effet un homme montagne. Je ne voulais pas apparaître clairement dans le clip, mais je voulais qu’une montagne chante la chanson.
Le défi derrière ça, c’était de réussir à faire les idées les plus compliquées de la manière la plus simple possible. C’est un peu notre grande technique (rires) !

  • Il y a également cet autre clip, que je trouve personnellement génial, « De folie pure » avec ce côté Bollywood couplé à des influences françaises…

J’ai réalisé ce clip avec ce même concept de l’encyclopédie, autour cette fois-ci de la « folie pure ». Je voulais faire, c’est sûr, une référence à Bollywood, mais surtout explorer l’exotisme en tout genre. Et surtout défendre une vision française de l’exotisme, parce que je trouve qu’en France, beaucoup de gens ne sont pas allés en Inde, moi-même je suis très peu allé dans les pays d’Orient, et du coup, je fantasme vachement les choses.

Et quand j’ai fait écouter le morceau à des amis, un me disait « Tiens, cet instrument, c’est un truc chinois », et un autre « Ah non, on dirait un truc africain »… ce qui en fait est très marrant, car j’ai juste écrit cette chanson sur mon scooter à Toulouse. Et je ne pensais pas à l’Afrique ou à l’Inde…
Et je me suis donc dit qu’il fallait faire un clip hyper maladroit où on mélange toutes les visions de l’exotisme dedans, et je voulais que ça soit au final très français !

  • Et toi, Pablo, tu es voyageur ?

J’adore voyager. J’ai vécu un moment aux Philippines, et j’ai fait beaucoup de tournées  avec Melody’s Echo Chamber qui m’ont amené à jouer aux États-Unis et en Europe.
De mon côté, je suis également allé en Afrique du Nord. Mais ça s’est un peu résumé à ça, ce qui est déjà super. Je suis super heureux.

  • Quels lieux t’attirent aujourd’hui, si tu devais tourner avec Moodoïd ?

Moi, mon rêve, c’est l’Asie. J’aimerais beaucoup aller en Inde, au Cambodge, au Vietnam, dans ces pays-là.
C’est en projet, mais j’aimerais bien faire une création là-bas, avec des musiciens locaux.
Et sinon, peut-être l’Amérique du Sud, que je ne connais pas du tout. J’ai déjà côtoyé des musiciens chiliens et ça me plairait bien d’aller au Chili aussi.

  • Et y a-t-il des lieux qui t’inspirent des chansons ?

En ce moment, je consacre la plupart de mes chansons à décrire un endroit qui s’appelle le Monde Möö, et j’aime bien inventer les paysages. Le disque qui sortira s’appelle donc « Le Monde Möö », ça se passe sur une planète molle faite de montagnes de crème chantilly…

  • J’ai l’impression qu’il y a un mélange de Philémon et de Roald Dahl dans l’imagerie de ton projet…

En fait, je m’en suis rendu compte avec les clips. Avant, ce n’était pas conscient, mais ça plait beaucoup aux enfants. Il y a des enfants de 4-5 ans qui s’éclatent avec les clips parce qu’il y a plein de couleurs, qu’on est déguisés.
On a joué à Rennes pour des enfants, et ça a été hyper magique. Et je me suis rendu compte que j’adorais ça ! Et les clips, j’ai envie que ça soit un peu un mélange de contes pour enfants hyper déglingués : à la fois coloré, pour les enfants et hyper sexuel et adulte quoi ; un truc qui peut avoir plusieurs lectures.
Les enfants vont adorer et les adultes peuvent apprécier tout autant. Et c’est vrai que moi, je suis hyper attiré par Claude Ponti, par tous ces illustrateurs qui ont fait des mondes pour les enfants avec des monstres terribles !

  • On parle d’illustrations. Le teaser de ton album a été réalisé par Marion Dupas, comment as-tu travaillé avec elle et qui est-elle ?

Il s’avère que j’ai rencontré Marion Dupas très récemment, car je réalise un clip pour le disque qui va sortir et je cherchais quelqu’un pour faire un truc avec de la gelée alimentaire. Et on m’a parlé de cette fille incroyable, spécialisée dans la gelée alimentaire, qui fait des sculptures en gelée, tout ça… (rires).
Je me suis dit « C’est fou, il faut que je rencontre cette fille ! », on m’a donné le contact de cette nana, et j’ai fixé un rendez-vous avec elle. Et avant d’aller au rendez-vous, j’ai quand même tapé son nom sur internet pour voir un peu son boulot, et j’ai vu qu’elle avait réalisé un clip pour un rappeur ultraviolent, qui fait des textes hyper durs, mais hyper coloré. Je me suis « Putain, mais c’est incroyable, mais c’est qui cette fille ! ».

Je suis allé au rendez-vous et c’est le genre de fille avec qui tu t’assoies, et tu as 30 000 idées en dix secondes. Et on s’est ainsi retrouvés à faire un dessin animé, il y a un mois.

  • Le dessin animé est donc tout récent ?

Oui, ça remonte à un mois et demi notre rencontre. Et elle a fini le boulot y’a une semaine et demie.

  • Une aventure que tu souhaites, j’imagine, poursuivre avec Marion Dupas ?

Je pense qu’elle va continuer. Au final, depuis les débuts de Moodoïd, beaucoup de gens ont travaillé de manière un peu bénévole sur le premier EP, c’était système débrouille, tout ça… et j’ai également envie de poursuivre ces rapports qui ont commencé. On va refaire un clip avec Jérôme Walter qui a fait le clip « Je suis la montagne », moi je vais en faire un autre, Marion Dupas, j’aimerais en effet qu’elle bosse aussi sur un clip. Et on va également travailler avec la même photographe, Fiona Torre qui a fait nos photos de presse. On va continuer à travailler dans cette petite équipe, tous des jeunes de 25 balais. Je veux qu’on soit tous ensemble réunis sur ce disque.

crédit : Fiona Torre
crédit : Fiona Torre
  • Tous les textes de ton projet sont en français. Ce choix du français est-il venu naturellement ?

Depuis que je suis jeune, depuis mes 15 ans, j’ai toujours eu des groupes qui chantaient en anglais et en français. Et sur le label Entreprise, j’avais sorti une sorte de petit EP avec déjà « Je suis la montagne », et c’est ce titre qui les a attirés, car ils avaient pour projet de monter un label exclusivement francophone.
J’avais déjà deux chansons en français, ils avaient donc pris celles-là, et il y avait deux chansons en anglais que j’ai retravaillé en français. Et il s’avère que je suis ultra nul en anglais (rires), et du coup, pour moi, c’est plus naturel pour moi.

  • Ça t’offre plus d’aisance pour t’exprimer ?

Oui, c’est ça, et même par rapport au style de musique que l’on fait, ça prend du sens, il y a un côté magique, et même pour les étrangers j’ai l’impression. Un truc exotique et frais, différent et nouveau surtout, que les groupes anglais ne peuvent pas leur proposer.

  • Sur scène, tu es maquillé, costumé. Tu es un personnage sur scène ?

C’est ça ! Beaucoup de groupes actuels utilisent vachement de vidéos en arrière-plan, et je pense qu’on a un univers visuel assez fort, assez glam en fait, et je trouve que le meilleur moyen de le retranscrire pour le concert c’est ça : de nous même devenir des personnages. Et de créer le petit univers magique à travers des costumes. On veut créer une sorte de petite bulle, un petit moment d’intimité avec les gens de cette manière-là.

  • Il n’y aurait pas une volonté aussi de maquiller le public pour faire une tribu du monde Möö ?

Figure toi que ça arrive. On a joué dans un festival il n’y a pas très longtemps à Reims, et les organisateurs avaient fait un petit stand de maquillage à l’entrée. Et de temps en temps, on voit deux trois personnes dans le public avec des masques dorés. C’est trop bien, car on y croit !

  • Ces masques-là me font d’ailleurs penser à Arcade Fire, aujourd’hui. Ouvrir pour eux, ça serait un rêve ?

Ça serait totalement fou ! En fait, à la base, je ne suis pas fasciné par Arcade Fire, mais c’est vrai que j’ai vu ça récemment sur un concert avec les musiciens masqués, et j’ai regardé leur live à Coachella à la télé, et on partage ce truc en commun : de faire de la musique live pour de vrai, tout est joué vraiment. C’est très humain et très chaleureux ce qu’ils font. C’est un trait dans lequel je me reconnais chez eux.

  • Et avec qui aimerais-tu partager la scène aujourd’hui à l’occasion d’une tournée ?

Disons que j’adorerais faire des choses avec Conan Mocassin ou peut-être Tame Impala. Qui font parties de mes influences, et MGMT également, ça serait incroyable !

  • Un dernier mot par rapport au festival, par rapport à l’environnement, par rapport à la programmation de We Love Green ?

Je crois qu’on est le seul groupe programmé qui chante en français (rires). Non, mais il me tarde de voir Lorde, j’en ai tant entendu parler. Je crois que j’aime bien la Nouvelle-Zélande, il faudrait que j’aille y faire un tour !


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques