[Entourage #106] Mezzanine

Depuis trois ans et un déménagement au Québec, j’ai presque complètement délaissé la scène française pour découvrir de tous nouveaux territoires musicaux. La plongée dans une scène locale quasiment inconnue n’est pas de tout repos, si bien que c’est grâce à une très bonne playlist d’un bar québécois que j’ai entendu pour la première fois cette année Juniore ! La récente fermeture des frontières m’a toutefois donné le goût de prendre seule quelques nouvelles de ce pays qui fait toujours autant partie de moi. « Toutes les voiles dehors, mais dès que je change de décor, je repense à toi » (merci Séverin pour les mots justes).

Beaucoup d’heures à m’aventurer de disque en disque et deux, trois clics plus tard, je tombais, dans la sélection hebdomadaire de Rolling Stone France, sur un clip et une chanson hautement irrésistibles : « I Need You So » de Mezzanine ; de la pop à l’eau avec du sirop signée Maxime Liberge, un gars de chez moi que j’ai pu croiser deux ou trois fois durant mon adolescence. Son deuxième EP sort ce vendredi et on vous en parlera plus en détail la semaine prochaine pour participer très modestement au mouvement #scenefrançaise.

Surtout, je voulais profiter de la sortie de son deuxième EP pour présenter une scène qui me tient particulièrement à cœur et sûrement encore trop méconnue : celle du Havre. Pendant longtemps, je dois avouer que j’ai été envieuse des gens pour qui l’amour de la musique est venue d’un transistor ou des disques des Doors et des Beatles qui traînaient chez leurs parents. Je crois que mes regrets se sont envolés pour de bon quand j’ai (re)découvert les projets sélectionnés par Maxime pour nous parler de son entourage havrais. Mon besoin quasi vital de musique est né parce que les artistes que vous allez découvrir animaient déjà, du haut de leurs 14 ans, la vie culturelle du port salé et bétonné qui m’a vu grandir. Ils m’ont été et me sont toujours, comme tous les artistes qui ont traversé ou non ma route, essentiels.

Mais c’est aussi parce qu’ils m’ont certainement beaucoup trop donné le goût de la musique indépendante locale et des petites salles de spectacle que je n’ai pas pu m’empêcher de leur suggérer à chacun quelques pépites de mon nouveau chez moi. Comme quoi, même quand on apporte son soutien à la #scenefrancaise, on peut encore trouver des subterfuges pour faire découvrir la belle #musiquebleue. Et ce n’est peut-être qu’un heureux hasard mais la salle la plus mythique du Québec s’appelle le Quai des Brumes comme un film très célèbre qui a, justement, été tourné… au Havre. Ce que les gens qui l’ont baptisé ne savaient peut-être pas, c’est à quel point la musique indépendante et les shows étaient essentiels dans la ville de ce film. Au fond, c’est peut-être tout naturel que tous ces univers musicaux (et tous ceux qui ne sont pas nommés) se rencontrent. Article à double voix donc : Maxime vous fait visiter Le Havre, je vous emmène au Quai.

White Velvet et Bon Enfant

Une très jolie voix servant de très bonnes chansons pop baroque. C’est un projet mené par Juliette Richards qui fait de la musique depuis longtemps et qui le fait très bien. Dès le lancement de White Velvet, Juliette m’a embauché en tant que bassiste, place que je ne connaissais pas vraiment, mais que j’apprends à dompter humblement et que j’aime de plus en plus. Quelques coups de mains sur des détails de composition m’ont permis d’intégrer, même si c’est léger, ma « patte » dans le disque « Adulthood » qu’elle a sorti il y a peu. On l’a d’ailleurs « réalisé » en grande partie en binôme avec Gaétan Le Calvez (N U I T). Et mine de rien, elle a fait partie de Mezzanine pendant un temps au synthé/chœurs. C’est elle qu’on entend sur les premiers titres que j’ai sortis. Vous pourrez la découvrir au Crossroads Festival qui se tiendra cette année en ligne, du 8 au 11 septembre 2020.

[Si je devais conseiller la chanteuse de White Velvet en musique bleue, je lui ferais écouter…] Bon Enfant assurément. J’aime croire que l’introduction de leur premier opus est un clin d’œil au premier titre du classique « Skylarking » de XTC : ces premières secondes seraient là pour nous annoncer qu’ils ne sont pas là pour niaiser. Mais peu importe, un album pop psyché que je prescris systématiquement pour traverser toutes les tempêtes (et ça arrive au Havre). Mais surtout parce que Juliette Richards, c’est un peu la fille dont la voix, qui frôle parfois celle de Patti Smith, ne laisse personne indifférent, comme celle de Daphné Brisette, la chanteuse de Bon Enfant.


Denize et Mélanie Venditti

De la très jolie et touchante pop francophone ! Une belle expérience que d’avoir mis ma guitare au service de Denize pendant un temps. Guitariste side étant une place que je n’avais jamais vraiment occupé avant, mais que j’ai adoré explorer. Surtout quand le but est de faire ressortir une si belle voix se baladant sur de si jolies paroles. Aux côtés qui plus est de Gaétan Le Calvez à la batterie (oui, le revoilà) et de Guillaume « Redzol » Zolnierowski, un boss local de la prod’ en tout genre. Un EP à la rentrée, mais chut c’est un secret !

[Si je devais conseiller la chanteuse Denize en musique bleue, je lui dirais d’écouter…] Une évidence ici : l’album « Épitaphe » de Mélanie Venditti, qui va sûrement rester longtemps mon top 1 indétrônable en musique québécoise. Une évidence pour la formation classique, leur amour respectif pour le violon et l’alto, le goût des beaux textes, la grande sensibilité. Aussi parce qu’au Havre, il y a de beaux oiseaux de nuit qui arpentent de vrais quais. Cet album, il mérite tout un décor. Pour sa première écoute, je dirais à Pauline d’aller seule tôt un matin jusqu’à la plage du bout du monde et de se laisser emporter sur la route et dans le vent marin par la musique de Mélanie. Pas mal sûre que ça va devenir l’une de ses artistes préférées à la fin de la balade et que quelques larmes d’émotion face à la beauté pure qui jaillit vont être échappées. Je vous donne une mission en tout cas : la chanson « Les oiseaux de nuit » dédiée au Quai montréalais doit s’envoler absolument jusqu’aux quais du Havre.


Dead Myth et Les Shirley

Le rock, enfin le rock avec Dead Myth. Du rock-garage psyché précisément. C’est mon Babi qui tape sur les tambours dans ce groupe. Babi aka Baptiste Ollivier était le batteur de Mezzanine fut un temps. Et c’était super ! Mais là, il est top dans ce groupe de copains qui dépote. Toujours un plaisir à voir en live, des chouettes chansons, de belles mélodies chantées par François Sement, des riffs de guitare canons, mais aussi de synthé et de basse joués par Clément Mehenni, un son bien bossé et puis zou : ça défoule et ça fait danser des genoux. Après leur EP sorti il y a peu chez Le Cèpe Records, ils sont en préparation d’un premier LP.

[Si je devais conseiller les gars du groupe Dead Myth en musique bleue, je leur dirais…] De ne pas se ruer trop vite sur les titres des Shirley. Pas trop vite parce que sinon ils vont avoir du mal à accepter que les artistes ne puissent pas immédiatement faire des tournées à l’étranger. Si ces filles-là passaient par la cave du Mc Daid’s, ça serait assurément le show de rock le plus malade de l’année au Havre. Et puis, vous devriez ne pas passer non plus à côté des filles de Nobro : elles mettraient sens dessus dessous le Quai havrais.

PS : Ça serait un peu cracher sur le Havre que de ne pas rappeler que le rock, comme partout ailleurs et depuis toujours, s’écrit aussi au féminin. Tous les Havrais de mon âge le savent très bien grâce aux filles badass des Tinun’s qui ont officié pendant très longtemps sur la scène havraise. Ne nous privons pas, tout est permis on a dit et puis ça a quand même été la première formation de Juliette Richards (White Velvet).


N U I T et La Fièvre

Superbe groupe bien havrais d’électro alternative. Aussi beau en disque que sur scène, c’est la claque assurée à chaque fois. Il n’y a que de très bons musiciens dans ce groupe, mais si je dois parler de l’un d’eux, je choisis Gaétan Le Calvez. C’est le batteur, mais pas que ! Parce qu’il est très fort dans un studio aussi et c’est lui qui a enregistré/réalisé tous les morceaux de Mezzanine. C’est d’ailleurs avec lui que les premiers titres de Pallanza ont été enregistrés, ainsi que les titres de White Velvet sur lesquelles on a bossé ensemble. Bref du bon boulot qu’on aime à rythmer de quelques parties de consoles un poil endiablées (pour être franc, je hais son Ness sur SSMB (Super Smash Bros. Melee)). En vrai, je ne peux pas m’arrêter là parce qu’il y a aussi Julien Burel dans ce groupe. Et Juju, il a un son bien à lui, il est top. On a envie de faire de la musique ensemble et il monte des baths de projets comme quand il apporte sa collaboration pour l’organisation du festival Béton qui a vu le jour au Havre l’été 2019 et qu’on a hâte de voir revenir. Et puis tant qu’on y est, on peut finir avec William Karayan et sa voix d’ange ainsi que Sébastien Rault et ses doigts de fée : il faut aller écouter le mélange que cela donne. Au fait, j’ai fait un remix du dernier titre sorti par N U I T et ils sont en préparation d’un premier album!

[Si je devais conseiller les membres de N U I T en musique bleue, je leur dirais…] Un tantinet moins évident, mais je commencerais par le nouveau duo La Fièvre qui partage avec eux le goût des sons électro dark et dont les développements sont parmi les plus suivis de ce côté-ci de l’océan. Je crois que vous allez aimer ça.


Pallanza et Sara-Danielle

Projet musical indie pop au nom qui sent bon l’huile d’olive. Il est mené par Jean-Denis Fanello, un ami que je peux qualifier de « très longue date » (vu qu’on commence à vieillir mine de rien). On a commencé à faire de la musique ensemble dès la fin du collège, on a continué au lycée et même après la vie étudiante à travers différents projets amateurs, mais très sincères. Aujourd’hui, on ne joue plus tous les deux directement. En revanche, dès que l’un fomente un projet musical, l’autre n’est jamais loin. La preuve, c’est qu’aujourd’hui, JD me file un gros coup de main pour gérer correctement ce que je fais de mon projet Mezzanine vu qu’il s’est spécialisé dans le music business (Baveno Entertainement). En échange, je traîne dans les parages quand il est en studio pour Pallanza et jouer une basse sur un titre ou une guitare sur un autre jusqu’à carrément réaliser le nouveau morceau et le clip qu’il va sortir très bientôt. On a enregistré cette chanson en quelques jours dans un « studio » de fortune monté dans le garage de la maison de mes parents. Si tout se passe bien, quand on reste quelques heures d’affilée ensemble, on finit les phrases l’un de l’autre et on se bidonne de blagues que personne ne comprend.

[Si je devais conseiller le chanteur de Pallanza en musique bleue, je lancerais…] Une chanson au hasard de Sara-Danielle/strong> : elles sont toutes très belles alors, peu importe. C’est probable qu’à cause du petit crush avec sa proposition électro-pop désarmante et à fleur de peau, ce sensible Havrais écoute cette artiste montréalaise de nombreuses fois pendant l’été.

Et comme j’ai évoqué le Quai, je suis obligée de vous préciser que demain soir, si vous ne parvenez pas à trouver le sommeil vers deux heures du matin heure de France, y’a une soirée retransmise sur internet avec le groupe de rock Valse Fréquence qui jouera de la rue Saint-Denis. Un chapeau passe toute la semaine pour aider la salle, indispensable, qui m’a presque tout appris de la musique bleue (Le Havre s’était déjà chargé des brumes). Toutes les infos par ici. Et surtout une belle Saint-Jeanne !

« Mezzanine II » de Mezzanine, sortie le 26 juin 2020.


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Lise Brun

En quête perpétuelle d’émotions dans les salles de la ville aux cent clochers