[Flash #34] Maude Audet, Little Misty, Étienne Dufresne, les Hay Babies et Gab Bouchard

Ces chansons et ces artistes-là, on les fera jouer avec bas de laine, odeur de feu de bois, tisane verveine et vue sur notre jardin enneigé. Ils nous accompagneront aussi toute l’année parce qu’ils nous rappellent qu’il est important de prendre soin de nous et de tous ceux qui nous entourent, de notre famille proche à ceux dont on ne sait pas s’ils traverseront notre vie l’espace de quelques ou multiples nuits.  

[LP] Maude Audet – Tu ne mourras pas

7 février 2020 (Grosse boîte)

On le confesse : avant l’annonce de la sortie de son nouvel album « Tu ne mourras pas », Maude Audet restait l’une de ses nombreuses artistes québécoises que nous devions encore découvrir. On savait juste qu’elle donnait dans le folk un brin romantique et mélancolique. Pourquoi donc vous parler d’une autrice-compositrice-interprète dont nous venons tout juste de faire la connaissance ? Parce que la simple écoute des singles déjà sortis, « Demande-moi » et « Nos bras lâches », l’impose tout naturellement comme le premier album de février qu’il nous tarde d’écouter en intégralité. La singularité de sa voix nous séduit dès les premières paroles. La musique est douce à nos oreilles et nous fait du bien au cœur. Maude Audet habite ses chansons, si bien qu’elle se tient tout près de nous lorsqu’elles jouent. Sa présence nous rassure alors même que ses textes, sûrement très personnels, nous renvoient à nos propres histoires. Ces premières chansons parlent plus précisément de ces rêves trop souvent inaccomplis et de la complexité des diverses relations qui nous entourent. On a comme l’envie instinctive de passer un bout de temps avec elle… et cette flûte traversière. Peut-être parce qu’une lueur d’espoir de changement et de meilleur se maintient toujours dans ces textes plutôt sombres. Ce n’est qu’après qu’on a découvert que Maude Audet était entourée et appréciée par tout un tas de beau monde : Saratoga, les sœurs Boulay, Navet confit, Antoine Corriveau, Marie-Pierre Arthur, Joe Grass, Ariane Moffatt, Émilie Proulx. Les coups de cœur et les humeurs, ça ne se commande pas. On avait tout simplement envie que vous puissiez l’écouter à votre tour, sans attendre. Estimons-nous chanceux de pouvoir découvrir d’un coup trois albums de Maude Audet.


[LP] Little Misty – Little Misty

14 février 2020

« Keeper », la première chanson de la toute nouvelle formation montréalaise Little Misty, nous a immédiatement fait penser à certains morceaux de Timber Timbre. Elle nous a aussi transportés au Bang Bang Bar, club situé dans la petite ville de Twin Peaks, quelque part au nord-ouest de l’État de Washington aux États-Unis. Si David Lynch avait entendu le band, il n’aurait sans doute pas hésité une seule seconde avant de les programmer dans son club très réputé pour la qualité des musiques indé jouées. Une telle impression de voyage n’est d’ailleurs pas éloignée du but recherché par les deux initiateurs du groupe, la chanteuse Kathryn Samman (Bellflower, Van Carton) et le guitariste François Jalbert (Matt Holubowski, John Jacob Magistery, Tunnel). En effet, ces deux-là souhaitaient avant tout à chaque chanson « amener l’auditeur dans un monde qui lui est propre » tout en se promenant dans un amalgame de styles, du folk au rock progressif jusqu’au bluegrass. Pour ce faire, ils se sont plus que bien entourés : Kieran Poile est au violon et au banjo (Sarah Dufour), Simon Pagé à la basse (Bernard Adamus), Jérôme Beaulieu au piano et aux claviers (Misc) et Mark Nelson à la batterie (Ian Kelly). L’album est réalisé par Joe Grass (Patrick Watson, Elisapie). On continue en tout cas ce voyage ébloui avec « Old Ghosts », la dernière et impressionnante chanson sortie avant l’intégralité de leur album éponyme. Tout ce qui entoure le nouveau groupe est d’une délicatesse et d’une élégance qui frôlent la perfection. D’abord, la pochette du vinyle exposant un simple, mais magnifique collage qui juxtapose pétale de coquelicot, bambin et flamand rose. Ensuite, l’équilibre entre les différents styles musicaux mobilisés pour le projet et les arrangements entre les instruments. Aussi, la poésie dans la manière d’aborder les thèmes des chansons dévoilées, la maternité et les voyages de jeunesse. Enfin, et évidemment, la voix au timbre vintage et jazzy de Kathryn Samman, qu’on se garderait bien de comparer, mais qui nous envoûte tout comme les plus grandes. Décidément, tous les ingrédients sont là pour faire du voyage Little Misty le plus attendu, et sûrement le plus réussi, de ce mois de février.


[EP] Étienne Dufresne – Sainte-Colère

21 février 2020 (Chivi Chivi)

On ne peut même pas lui souhaiter la bienvenue dans le monde infernal de la musique québécoise. Il était déjà là, en catimini, derrière des clichés de concert, des pochettes d’album, des vidéo-clips. Etienne Dufresne aime évoquer son passé de duc et ses projets ratés. Il doit les avoir laissés du côté des villes de son enfance, Magog et Victoriaville, car, de notre côté, on les cherche encore ces échecs. Tout comme la très bonne étiquette Chivi Chivi (Nicolet, Lydia Képinski, Helena Deland), on se délecte de ses photographies, de ses illustrations et des deux chansons déjà parues de son premier EP « Sainte-Colère ». Cette fois-ci, l’autodidacte dit qu’il est très fier de son « épopée rock de chambre à coucher » composée de 7 titres « aux croisements de Mac DeMarco, Genesis, Beau Dommage ou encore BadBadNotGood ». Il y a de quoi car l’élégance kétaine d’Étienne Dufresne, tout comme les visuels du vinyle et les deux clips qu’il a lui-même réalisés, c’est déjà très réussi. Dans une atmosphère qui rappelle aussi l’album « Jassbusters » de Connan Mockasin, Étienne peint sur « rodage » et « copains » de laborieux débuts de relation, entre hésitations, angoisse de l’engagement et peur du rejet. Cerise sur le gâteau, derrière cet enregistrement, se cachent aussi pour la prise de son, le mixage et le mastering Jean-Bruno Pinard (Les Louanges, Laurence-Anne) et Josh Bonati (Mac DeMarco, Homeshake). La prochaine fois que Miel de Montagne passe par Montréal, avec Étienne, ils devraient louer un bateau, jaser de leurs peines de cœur et composer une ou deux chansons sur le Saint-Laurent. Bref, promis, on va pas t’ghoster tout de suite. Et puis, bienvenue quand même.


[LP] Les Hay Babies – Boîte aux lettres

28 février 2020 (Simone records)

Ici on se permettra d’écourter les présentations de ces trois néo-brunswickoises acadiennes qui ont déjà tourné en France avec leur trois précédents excellents opus « Folio » (2012), « Mon Homestick Heart » (2014) et « La 4ième dimension » (2016). Si vous les avez déjà entendues sans fondre pour leur indie folk « comme un cidre de pomme chaud », on ne sait vraiment pas ce qu’il vous faut. On est obligé de vous parler de l’album qui s’en vient tant leur démarche de création a encore démultiplié notre amour inconditionnel du groupe. Dans ce LP intitulé « Boîte aux lettres », Julie Aube, Vivianne Roy et Katrine Noël sont parties de vieilles lettres d’anonymes chinées pour trouver l’inspiration. Sur la magnifique « Same Old, Same Old », elles pallient avec leur créativité la perte d’une partie de la correspondance entre une mère, quelque peu inquiète, et sa fille, Jackie, partie à Montréal. L’auditeur est laissé à son tour à son imagination pour reconstituer l’autre partie, conservée (mais non révélée encore) par les Hay Babies. On se prend aussi à rêver d’un vinyle comme un bijou de brocante avec une partie de ces lettres matérialisées on ne sait comment. Côté musique, une telle entreprise artistique appelle pour l’instant des sonorités rock sixties déjà domptées sur « La 4ième dimension » … et un très beau retour au folk sur une cover en français de la chanson « Play with Fire » des Rolling Stones. Dans l’attente de la sortie de l’album, vous pouvez aussi partir à la découverte d’autres œuvres magnifiant le vintage et les archives, avec par exemple les Québécois Michel Campeau et Luc Bourdon dans le domaine de la photographie et du cinéma.


[LP] Gab Bouchard – Triste pareil

28 février 2020 (Grosse boîte)

Si des connaisseurs de la musique de Gab Bouchard (avant Gabriel Bouchard), en particulier ceux de sa ville d’origine Saint-Prime au Lac-Saint-Jean, tombaient malencontreusement sur cet article, ils se demanderaient comment il est possible d’inclure son premier album « Triste pareil » dans une sélection de chansons tranquilles. En effet, le blond moustachu donne plutôt dans un rock très énergique, brut, urgent, mais pensé au millimètre, et qui amène toujours à parler de The Strokes. Sa guitare s’emballe souvent, tout comme la batterie, forte et impitoyable. Mais on s’adresse principalement à un lectorat français qui ne le connaît pas pantoute encore. Continuons, donc. Ce premier album, annoncé un peu plus pop, va tourner tout entier autour de ce qu’on a tous dû affronter un jour : une rupture amoureuse. On est prévenus : « 10 tounes aussi tristes les unes que les autres ». Outre Pierre Girard, Olivier Langevin, Fred Fortin (oui, rien que ça, la gang de Galaxie et Fred), on retrouvera sur cet opus la seule chanson calme de Gab à date : « yé passé où l’soleil ? ». Cette toune, déjà sur son EP de 2017, finit parfaitement cette sélection de février : tellement glaciale et rude (pour le cœur, pas pour les oreilles), cette berceuse nous donne envie de faire attention à ne pas laisser la lumière s’éclipser de nos vies. Et dès que vous serez prêts à sortir du lit où vous êtes confortablement installés, on vous invite à lancer ses autres chansons ainsi que sa dernière nouveauté « Tu m’connais trop bien ». Vous retrouverez toute votre énergie. Attention, contrairement à l’intitulé de son premier enregistrement, Gab a tout sauf un « Cerveau-Lent ». Il nous parle exclusivement d’amour aujourd’hui, mais, avec le titre « journaux » et la puissante « poisson-volant », on lui fait confiance pour qu’il s’envole bien plus loin au cours des prochaines années.


On prendra aussi le temps d’écouter : Penny Diving – Big Inhale (7 février) ; Julie Blanche – Le grand spectacle (7 février) ; Les chercheurs d’or – Caballero (7 février) ; Ludo Pin – Nos jours ne sont plus les mêmes (7 février) ; Mononc’ Serge – Réchauffé II (7 février) ; Flavie – Ce chapeau est trop grand pour moi (7 février) ; Massicotte – Comment ça file à Valleyfile (7 février) ; Orloge Simard – A chacun son Waterloo (14 février) ; Eli Doyen et la Tempête – Caresser la bête (14 février) ; Elephant Stone – Hollow (14 février) ; Grand Fanal – J’me dompte pas (21 février) ; Meursvult – In Between Friends (21 février) ; Le grand dam – Après-midi (21 février) ; Matt Holubowski – Weird Ones (21 février) ; Rebecca Foon – Waxing Moon (21 février) ; Karolan Boily – Les éclats de verre en résistance (28 février) ; Rosie Valland – Blue (28 février); Forever – Close to the Flame (28 février) ; Doude – titre inconnu (28 février) ; Luis Clavis – Homme objet (28 février) ; Les Deuxluxes – Lighter Fluid (28 février) et Zoo baby – Zoo baby (28 février).

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Lise Brun

En quête perpétuelle d’émotions dans les salles de la ville aux cent clochers