[Live] Matthew Caws (Nada Surf) à la Péniche

L’air de rien, cela fait presque 20 ans que Matthew Caws et Nada Surf sont dans le paysage de la pop-rock indé internationale. Sans coup férir, album après album, le groupe a empilé mélodies et textes imparables, à la fois simples et d’une grande profondeur, et s’est imposé naturellement comme une des entités incontournables de son époque. Et c’est toujours l’air de rien, comme si le fait de se présenter seul sur scène avec une simple guitare acoustique n’avait rien de l’exercice casse-gueule, que Matthew Caws a décidé de s’offrir une petite tournée solo en Europe.

Matthew Caws © David Tabary

Pour quiconque suit Nada Surf depuis un moment, le goût de Matthew Caws pour les anecdotes racontées entre deux morceaux est bien connu. C’est donc à la fois afin de découvrir les versions acoustiques des morceaux de Nada Surf que l’on se rend ce vendredi 23 janvier à la Péniche de Lille, mais aussi dans l’espoir d’un moment de proximité et d’échange privilégié.

Et le chanteur ne décevra pas. Très vite, Matthew Caws se sent obligé de donner des nouvelles de Nada Surf : non, cette tournée solo faisant suite à la sortie du premier album de son nouveau projet, Minor Alps, n’est pas mauvais signe. Nada Surf va bien et l’enregistrement d’un nouveau disque est presque terminé (on peut donc l’espérer pour un peu plus tard dans l’année). Cette tournée, ce sont des vacances en forme de road trip pour Matthew Caws. Il expliquera à quelques fans après le concert que Daniel Lorca et Ira Elliott aiment moins tourner que lui, et donc qu’il en a profité pour imaginer celle-ci.

Puis Matthew nous raconte qu’il a un problème avec sa guitare depuis quelques jours. Il joue un accord et fléchit les genoux avant de se redresser, et le son de sa guitare se met à produire une oscillation étrange. Ce son, il en jouera parfois pendant le concert, le subira à d’autres moments, mais cette particularité contribuera à rendre le set singulier et unique.

Plus tard, Matthew Caws fait appel à son MacBook pour lancer un sample de la partie électro du « Buried Plans » de Minor Alps. Il s’empresse de vérifier que le wi-fi est désactivé et nous raconte qu’un jour il n’avait pas fait cette vérification et avait reçu un appel Skype pendant le concert, faisant à l’époque rire toute la salle. Mais pas lui. À la fin du morceau, il laisse s’échapper un sample de bruit du vent et nous raconte sa fascination pour la scène de Interstellar pendant la laquelle Matthew Mc Conaughey écoute ce même bruit du vent en guise de musique, et qu’il a voulu s’acheter un morceau contenant ce son de vent à 1$ sur iTunes. Et Matthew Caws de le laisser souffler pendant qu’il interprète Your Legs Grow, livrant ainsi une version encore plus poétique de ce superbe titre, comme si le bruit du vent était une évidence depuis le début pour accompagner cette chanson.

À un autre moment, Matthew s’arrête alors qu’il a tout juste commencé « Are You Lightning? » Il vient de réaliser qu’il a écrit la moitié du morceau à Lille lors du dernier passage de Nada Surf au Splendid. Plus tard, il s’interrompt encore : il ne sait plus où il en est de sa setlist. Il a laissé son sac à une personne de la Péniche et la feuille sur laquelle elle était rédigée était dedans. Il sourit et explique que c’est la première fois de sa vie qu’il joue en solo en France et que c’est donc normal qu’il y ait quelques erreurs, déclenchant un tonnerre d’applaudissements de la part du public.

Point culminant du concert : Matthew Caws nous explique que depuis 15 ans, Daniel Lorca joue toujours une ligne de basse pendant les tournées et le met au défi d’écrire un texte sur cette musique. C’est ce qu’il a fait pour le nouvel album. Sauf qu’il lui fallait des paroles épiques et que ce n’est pas son fort. Alors quand il a retrouvé dans un carton (tandis qu’il procrastinait chez lui) un texte de quatre pages plutôt philosophique écrit par son père, il a décidé de l’utiliser pour illustrer la musique de Daniel. À découvrir sur le prochain album de Nada Surf donc. Mais Matthew Caws souhaite lire une traduction française du texte de son père que des fans l’ont aidé à faire sur Facebook.

Matthew nous expliquera encore que « See These Bones » lui a été inspiré par la visite d’une église à Rome où un ossuaire de moines capucins portait la mention en latin « Ce que vous êtes, nous avons été. Ce que nous sommes, vous serez. » Et que bizarrement cela l’avait empli d’énergie à la sortie de l’église.

Au final, Matthew Caws aura passé près de deux heures sur scène à puiser dans tout le répertoire de Nada Surf. Quel plaisir d’entendre un « Zen Brain » datant de presque 20 ans ! Quelle joie également de découvrir « Friends Hospital », un morceau tiré du nouvel album, sublime en acoustique, et que Matthew Caws promet comme un titre à la Neil Young & Crazy Horse, « mais pas aussi bon » selon ses dires. Une humilité pas du tout feinte, qui aura rendu le concert touchant, unique, et même un peu sublime, comme ce « Blizzard of 77 » joué sur la dernière marche de la montée de scène de la Péniche, de l’autre côté du micro, à quelques centimètres d’un public dont tous les membres avaient le sourire aux lèvres.

Matthew Caws restera longtemps à discuter avec les uns et les autres après le concert, ayant un mot gentil pour chacun. Pour ma part, je me décidai à lui acheter un CD de « The Proximity Effect » pour lui demander de le signer. En 1999, j’avais eu la chance, grâce à une radio, de passer toute une après-midi avec les Nada Surf à Reims, où j’étudiais. Le groupe m’avait offert une copie dédicacée de l’album. Quelques semaines plus tard, mon appartement était cambriolé et toute ma collection de CDs envolée. À l’évocation de cette histoire, Matthew Caws a décidé de m’offrir le disque. Il y est écrit : « David, if anyone takes you this one, I’ll give you another one. »


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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures