[LP] Manolo Redondo – Helmet On

Mariant le folk le plus aérien et des mélodies élaborées, ciselées et caractéristiques de son propre langage musical, Manolo Redondo signe, avec « Helmet On », un disque à la fois poignant et aux intentions proches du voyage initiatique autant que de la découverte de nouveaux horizons, aussi bien géographiques que psychiques. Une œuvre attachante et naturelle, fluide comme le ruisseau sonore qui envoûte nos âmes, un soir d’abandon et d’infortune, afin de mieux les reposer.

Au fil des disques, l’art de Manolo Redondo demeure en constante évolution. Imaginez un créateur sans cesse à l’affût du comportement de ses semblables, au fil des rencontres et des promenades, et cherchant soit à les analyser harmoniquement, comme s’ils étaient faits de notes et de mesures, soit à se comparer à leurs façons de bouger, de regarder, d’avancer coûte que coûte. Une expérience de plusieurs années, patiente, méditée et contemplative, que le compositeur illustre à la perfection à travers son nouvel opus, « Helmet On », chevauchée aussi fantastique que délicieuse vers un soleil couchant et la promesse de vivre des instants bouleversants, dans la pénombre, qui seront autant de révélations toutes plus marquantes les unes que les autres.

Dès « Stains Remain », marques à vif du voyage que Manolo Redondo a entrepris et auquel il se livre, corps et âme, au fil des chansons, le ton est donné : soit on sera en terre inconnue, mêlant sonorités synthétiques et organiques avec une sincérité et une simplicité folles, soit il faudra passer son chemin. Mais la voix nous prend d’ores et déjà aux tripes, confidente et sûre d’elle, ce qu’elle confirmera de la plus belle des manières sur le sublime « Lo Is The New Hi (Lisbon) », ballade nocturne chargée d’émerveillement et de solitude, où les contretemps sont aussi significatifs que les pas qui trébuchent puis reprennent leur course, ou à travers l’intensité dramatique poignante de « Ten Thousand Days », période d’enfermement pour mieux se sentir exister, alors que les fantômes viennent danser en notre compagnie. Mais c’est surtout lorsque la langue française s’invite au bal que la dimension intérieure de « Helmet On » prend tout son sens : « Alpinisme », montée lente et difficile vers les sommets, où plus dure sera la chute, ne faillit à aucun moment ; de même que « Des Incas et des Khmers », liant deux visions paradoxales d’une liberté étouffée par la modernité et l’évolution humaine (l’une forcée, l’autre révolutionnaire et sanglante), prouve, grâce au sincère « Je ne serai pas toujours là », que la faiblesse de l’individu confronté à une Histoire qui le dépasse ne cesse de remettre en question l’importance capitale de la réflexion et de l’expérience. Diptyque passionnant et exposant à la perfection la démarche de son auteur, « Waves Men Ocean » et « Conquête spatiale » étend ses ailes, entre le sol confortable sur lequel on aime se sentir exister et l’infinité galactique de tous les possibles, s’achevant sur quelques mesures aussi emplies de désirs que de visions chimériques et idylliques.

Carnet de voyages imprévus et d’une infaillible curiosité, « Helmet On » s’impose rapidement comme le guide spirituel et initiatique de la franchise d’une démarche n’ayant aucune limite, tant qu’elle est gravée dans la pierre du souvenir et de ses conséquences. Un opus formidable, une collection d’histoires et d’anecdotes poétiques donnant à celui qui nous la dessine un pouvoir de séduction et de fascination irréprochable. À ne manquer sous aucun prétexte ; et on ne saurait exprimer tous les remerciements que l’on doit à Manolo Redondo pour ces précieuses minutes de délicatesse et de songé éveillé. « Donner mon nom au sommet » ; c’est chose faite, et de la plus belle des manières.

crédit : Renaud Monfourny

« Helmet On » de Manolo Redondo, sortie le 27 octobre 2017 chez Microcultures.


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Raphaël Duprez

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