[Live] MaMA 2016, jour 3

Notre dernière journée du MaMA – édition 2016 – ne s’annonçait pas foncièrement idéale sous un temps gris, voire carrément pluvieux, pour tracer notre itinéraire musical d’une salle à l’autre. Et pourtant les très bonnes surprises (et quelques déceptions relatives) furent bien au programme de ce vendredi 14 octobre. Du Petit Moulin au Backstage by the Mills, retour, sans temps morts, sur les concerts d’Axel Flóvent, Séverin, Anna B Savage, Samba de la Muerte, Buvette, Amber Arcades, Talisco et Wall of Death.

Talisco
Talisco

Article écrit par Etienne Poiarez, Charles BinickFred Lombard et Cédric Oberlin

Nous nous dirigeons vers le petit Moulin pour assister au premier concert en France du jeune talent islandais Axel Flóvent venu tout droit d’un petit village de pêcheurs et auteur d’un premier EP majestueux et frissonnant, « Forest Fires », un an auparavant. Rapidement, nous sommes emportés par sa voix enchanteresse qui nous fait oublier quelques instants que nous étions dans une petite cave parisienne. Sa maîtrise de la guitare sèche et du « picking » est impressionnante, ce qui laissait presque deviner un groupe entier l’accompagnant dans un si petit lieu. Le songwriter islandais se produira fin novembre à Caen dans le cadre du festival culturel nordique Les Boréales, une belle occasion de (re)découvrir ses compositions sensibles entre pop et folk.

crédit : Cédric Oberlin
crédit : Cédric Oberlin

Nous poursuivons notre début de soirée chez Madame Arthur en la bonne compagnie de Séverin, auteur de l’album « Ça ira tu verras », formidable disque réhabilitant avec intelligence, sensibilité et humour la chanson sinon la pop française. Nous redécouvrons avec plaisir sinon une certaine délectation ses chansons aux doux parfums de Brésil et de samba dans ce format showcase d’une demi-heure qui ne laisse pas beaucoup de temps à l’improvisation, en duo avec Jérémie Arcache, violoncelliste très énergique et parfaitement complice. Une prestation très détendue qui filera à toute allure, de sa déclaration d’amour universelle et apolitique à la « France » en ouverture à « Ça ira tu verras », tendre conclusion chantée pour donner un peu d’espoir aux cœurs brisés. C’est peu dire qu’elle est là toute la magie de Séverin, celle de transformer notre quotidien, parfois grisonnant en quelque chose de plus léger sinon de magnifiquement universel. Nous ne pourrons pas nous retenir d’accompagner les deux artistes en nous improvisant choristes dans le public sur le génial « Contrôle ta samba », car « la samba, ça n’se contrôle pas », ni d’être touchés par l’émouvant « Ton ADN », hommage délicat et intime à un parent défunt, et retiendrons « Máxima Depressão », chanson joviale sur la dépression, sa douce reprise de « Samba Saravah » de Pierre Barouh et le nouveau single « Margarita » sur le quotidien d’un barman au bout du rouleau.

Séverin

Quand beaucoup de projets ont su nous séduire par leurs productions déchaînées, Anna B Savage est, elle, parvenue à nous surprendre avec un concert d’une simplicité et d’une pureté fascinante. Seule sur scène, avec une simple guitare électrique, la chanteuse et compositrice anglaise éblouit par sa voix qui alterne les piques et les caresses. Une façon de transmettre des émotions à fleur de peau, avec une noirceur saisissante et presque oppressante dans le contexte très intimiste offert par le Bus Palladium où s’est réuni un public clairsemé. Les quelques curieux présents ont ainsi fait le choix de s’asseoir pour finalement rester fixés comme hypnotisés face à la scène dominée par cette artiste au visage ténébreux. Difficile alors de rester indifférent à cette performance d’une beauté certes assez froide, mais pour le moins déroutante.

crédit : Thomas Saminada
crédit : Thomas Saminada

Adrien Leprêtre, échappé des Concrete Knives, pour donner vie à Samba de la Muerte, était ce soir sur la scène du Divan du Monde, pour nous inspirer des rêves intenses et enivrants. En à peine quelques titres extraits de son premier album « Colors », ou de ses deux EPs, le chanteur caennais a pris d’assaut la foule, avec sa folle joie de vivre, son corps sautant dans tous les sens, armé de son sourire et de ses claviers tonitruants. S’immisçant dans la folktronica, l’électro-pop ou la synth pop, Samba de la Muerte a peu à peu conçu une chapelle musicale où se combinent organique et synthétique, affublée d’une myriade de couleurs et de tonalités, « You’ll Never Know When I Lie » et « Fire » se révélant particulièrement réussis et incarnés sur scène par les quatre musiciens. Les instrumentations riches et intenses, se terminant par d’impressionnantes envolées, procuraient de véritables vagues émotionnelles et sensitives, qui risquent de faire encore de nombreux remous sur la scène musicale indé française.

Samba de la Muerte

Nouvelle figure du label Pan European Recording (Judah Warsky, Flavien Berger…), Buvette est venu nous déclamer sur la scène du Bus Palladium ses mélodies pop-rock baignant dans la nostalgie, les jeunes années et le son des années 90. Au sein d’une formation classique, guitare, basse (Clémence Lasme, membre de Moodoïd) et batterie, avec quelques synthés çà et là, l’artiste nous a révélé les pistes de son premier album, « Elasticity », paru le mois dernier. Si les instrumentations sont de bonne facture, le tout manque encore un peu d’impact et d’interaction avec le public, du moins au début du set que nous sommes forcés de quitter pour ne pas manquer le début d’un autre concert. Nous noterons néanmoins la maîtrise et l’efficacité de toutes ses compositions, qu’il confectionne déjà avec passion et ferveur, le propre d’un musicien accompli. À surveiller de près.

Buvette

Parmi tous les artistes présents au MaMA cette année, Amber Arcades est l’une des rares à avoir eu la possibilité de se produire deux fois dans la même journée. Au Carmen d’abord en tout début d’après-midi, puis au Théâtre de l’Atalante où la chanteuse et guitariste Annelotte de Graaf – de son vrai prénom – a pu présenter son premier album « Fading Lines », l’une des plus belles surprises indie pop internationale de l’année. La Néerlandaise l’a enregistré à New York bien entourée par des membres de Real Estate, du groupe de Kevin Morby et de Quilt. Désormais à la tête de son propre live-band, la blonde platine signée sur le label Heavenly Recordings (Temples, Stealing Sheep, The Wytches) est venue délivrer au public parisien une décharge de guitares mélodiques et de jangle-pop à la fraîcheur bienvenue. Son chant onirique et nonchalant transporte ainsi malicieusement quelques décennies en arrière avec ses autoproductions DIY. Une belle collection de tubes au psychédélisme entêtant que nous espère revoir au plus vite dans la capitale.

crédit : Cédric Oberlin
crédit : Cédric Oberlin

Le temps de traverser quelques rues de Pigalle sous une pluie battante, et nous accédons par une porte dérobée au Backstage by the Mill, nos verres de lunettes embuées par la température du lieu. Nous y retrouvons avec enthousiasme le projet pop-rock Talisco (que nous avions découvert en live trois ans plus tôt lors de ce même festival dans une galerie d’art) emmené par son charismatique et chaleureux chanteur et guitariste bordelais Jérôme Amandi et complété par ses fidèles complices, Thomas Pirot à la guitare et aux machines et Gautier Vexlard à la batterie et aux machines, tous deux souvent amenés à donner également de leur voix sur scène. Pendant trois quarts d’heure d’un set, assuré avec une énergie et une générosité incomparable, et construit autant autour des tubes de « Run », leur premier album que des nouveaux singles du second, « Capitol Vision », à paraître le 27 janvier prochain, Talisco va séduire individuellement les (très) nombreux spectateurs venus le voir. Les compositions à l’efficacité redoutable du trio sont délivrées avec chaleur, classe et sans économie, ce qui avouons-le fait un bien fou ! Parfois endiablée, toujours habitée et généreuse, la prestation des trois musiciens, allant du western folk à l’électronique nous accroche du regard pour ne plus nous lâcher avec ses mélodies immédiates à l’instar des célèbres tubes « Your Wish » et « The Keys » et des nouveaux succès « Stay » et « A Kiss From LA » promis à la même destinée. Un concert sensationnel qui nous donne envie de revoir très (très) vite le groupe, et pourquoi pas à la Cigale le 9 novembre prochain !

Talisco

Afin de clôturer notre parcours au MaMA 2016 sur une note psychédélique, nous restons au Backstage pour les premières minutes du concert de Wall of Death, à la reformation scénique complètement chamboulée suite au départ de Gabriel Matringe, l’un des chanteurs et guitariste du groupe, et l’arrivée de non pas un mais deux membres californiens dans la formation avec Rachel Fannan et James Hurst. Jouant pour l’occasion le sublime et immersif album « Loveland » sorti en février dernier, les premières minutes du set seront assez déconcertantes sinon décevantes. Là où la magie opérait à trois musiciens sur scène, le quatuor ne parvient pas à nous reconnecter avec l’atmosphère planante et rêveuse de son second long format, lui donnant un côté plus rebelle, moins en phase avec la singularité que nous lui connaissions. S’agissant là d’une des toutes premières dates du quatuor, nous voulons bien croire à une évolution positive du projet, mais pour l’instant, la déception l’emporte malheureusement sur la satisfaction. Nous y reviendrons bientôt, espérons-le, avec un avis tout autre.

Wall Of Death


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens