[Live] MaMA 2015, jour 2

Alors que le froid s’est subrepticement invité pour cette seconde journée de festivités, chacun part à la recherche de substances mélodiques capables de réchauffer les membres engourdis et les esprits embrumés. Récit des pérégrinations de cette seconde étape du MaMA 2015.

In The Canopy
In The Canopy

Article écrit par Raphaël Duprez et Fred Lombard

Une soirée encore chargée de surprises diverses et variées qui commence au Petit Moulin, en compagnie du jeune Australien Hein Cooper. Homme-orchestre solitaire et en parfait accord avec les styles qu’il brasse à l’envi, le musicien, simple et chaleureux, se prépare à enivrer les quelques spectateurs de ses mélodies venues d’ailleurs. Son t-shirt à l’effigie du regretté Klaus Kinski annonce d’emblée la couleur : en laissant virevolter sa voix cristalline sur des boucles tantôt acoustiques, tantôt mécaniques et électroniques, le compositeur offre des créations aux multiples personnalités, prenantes et savantes, minimalistes et admirablement bien arrangées ; comme sur cet enchaînement de loops de guitare qui, bientôt, ornent un timbre entre passion et fragilité ; ou encore, sous de fausses allures de crooner pour jeunes filles en fleurs sur une reprise dépouillée du « Creep » de Radiohead, exercice casse-gueule par excellence, mais qu’il maîtrise en ne montrant ni faille, ni égocentrisme malvenu. Impossible alors de ne pas demeurer admiratif devant une telle capacité à apprivoiser les genres avec maestria et une ouverture d’esprit qui laisse le public pantois. Une véritable révélation.

Hein Cooper par Fred Lombard

Changement radical d’atmosphère au Bus Palladium, avec les Néerlandais de Bombay. Sans complexe, le trio interprète un rock simple et efficace, aux antipodes des productions saturées du genre. Une complémentarité totalement complice unit les musiciens, que ce soit au travers de chœurs dont la sobriété égale la justesse, ou grâce à des arrangements et ponts mélodiques reposants avant la déflagration. On voyage ici entre distorsion et introspection, entre une pop sous amphétamines et un rock délicat et franc, mais constamment prêt à basculer du côté obscur. Ceux-là se sont bien trouvés, et on ne va certainement pas le leur reprocher ; car ce qui ne pourrait être qu’un balbutiement au vu de leur jeune âge devient rapidement une évidence, celle d’être face à un groupe plein d’avenir, pour peu cependant que leurs chansons deviennent plus affirmées et personnelles, moins sous l’influence de glorieux aînés reconnaissables entre tous (au hasard, The Dandy Warhols). Un bémol qui n’enlève rien à l’envie de revoir le projet sur scène prochainement, tant leur fougue devient vite contagieuse. Une évolution future à suivre de très près.

Bombay par Fred Lombard

Surprise quelques instants après au Backstage by The Mill : on se croirait au milieu d’un apéritif géant organisé pour un séminaire d’entreprise, d’où une petite appréhension pour l’auteur de ces lignes. Crainte vite effacée grâce à l’entrée en scène d’In The Canopy qui, comme à son habitude, impose immédiatement un voyage que l’on sait fulgurant vers les cimes les plus douces et passionnantes. Les harmonies font immédiatement chavirer l’âme et le cœur du public, avec une précision intense et hypnotique, imparable et magique. Le quintette parisien multiplie les prises de risque, autant sur disque qu’en concert, en se chargeant d’emmener chacun de nous, au travers de la voix sublime de Joachim, vers leur canopée si confortable et rassurante ; au milieu du rêve et d’un fantasme musical captivant et éveillé, débordant d’énergie scénique, de vibrations folles et d’envolées entre soufre et ivresse (notamment sur une reprise toute personnelle et fabuleuse de « Teardrop » de Massive Attack). Et tandis qu’il semble difficile, voire impossible, de transcrire les émotions et circonvolutions sonores des deux EPs du groupe sur les planches, on ne cesse de rester en transe devant la précision de chaque arrangement, rendu ici avec un brio qui n’a d’égale que la fascination immédiate et immersive que l’on ressent devant l’incroyable passion qui anime chacun des membres de cette entité définitivement à part. On aura beau tout essayer, le voyage que nous offre In The Canopy n’en finit pas d’être indispensable et vital.

In The Canopy par Fred Lombard

Sur la scène des Trois Baudets se dessinent quatre silhouettes, enlacées par les lumières en contre-jour. Palace Winter se fait très vite l’ardent défenseur d’un indie rock kaléidoscopique dense et habité, autant par la voix de son leader que par les arrangements étoffés du claviériste et des guitaristes. Les compositions énergiques, pleines d’entrain, de force et de passion, contrastent avec des mélodies transies d’un shoegaze s’invitant au cœur des pistes. Voix diffuses, pédales d’effets et nappes de synthés généreuses octroient au quatuor danois une dimension psychédélique hypnotique. Source de chaleur venue du froid, la musique de Palace Winter ne laisse pas de marbre. Une excellente découverte.

Palace Winter par Fred Lombard

Délivrant un concentré de dance, entre autres compositions électroniques, aux antipodes du spleen et du chill, les très fusionnels Lydmor & Bon Homme (leader de WhoMadeWho) vont tout tenter pour faire se déhancher le public parisien. Nos deux artistes libérés s’amusent, dansent, vivent leurs morceaux avec passion et une générosité totale. Jouant avec le public, Lydmor se faufilera à maintes reprises parmi eux et les rangées de fauteuils rouges des Trois Baudets. Ce sont également deux timbres et postures : celui, grave et charismatique de Bon Homme, s’aiguisant pour mieux nous languir ; et celui, félin et sauvage, de Lydmor, évoquant souvent la voix de Karen O mêlée à une présence scénique habitée et possédée, rapprochant la demoiselle à la crinière de feu de l’épileptique Lorde. Une énergie contagieuse et décontenancée qui a rendu le public du premier rang chaud bouillant. On regrettera que le reste des spectateurs, bien assis, n’aient pas suivi le mouvement. Un concert génialement généreux.

Lydmor and Bon Homme par Fred Lombard


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.