[Interview] Malted Milk & Toni Green

Quand une diva de la soul de Memphis s’associe à la formation nantaise la plus groove du moment, cela donne naissance à Milk & Green, un album explosif aux couleurs soul and funk. Toni Green et Arnaud Fradin du groupe Malted Milk étaient sur Paris. L’occasion d’en savoir plus sur la genèse du projet et sur leur collaboration.

crédit : Benoit Boute
crédit : Benoit Boute
  • Toni, quelle a été ta première réaction quand Sébastien Danchin est venu te proposer ce projet ?

Toni : Il est complètement fou !

  • Pourquoi ?

Toni : Parce que je rencontre tellement de personnes me proposant le même type de projet ! Je me disais, encore un qui n’allait pas voir le jour. Mais quand il m’a dit qu’il avait attendu 8 ans avant de faire la démarche, alors je me suis dit que c’était sérieux.

  • Est-ce que tu connaissais le groupe Malted Milk avant ?

Toni : Pas du tout ! Quand j’ai écouté leur CD, j’étais avec des amis, et on s’est tous pris une claque. On s’est dit, ces gars sont vraiment bons !

  • Que penses-tu de la manière dont le groupe s’est approprié cette musique issue de la culture noire américaine ?

Toni : Pour moi, il n’y a pas de différence. Je considère que c’est une sorte de renouveau, d’extension de la musique avec laquelle j’ai grandi. Ils se sont approprié cette musique et y ont apporté leur propre touche.

  • Arnaud, est-ce que l’idée de travailler avec the « Memphis Soul Queen » te trottait dans la tête avant qu’on te le propose ? Car tu es chanteur dans ton groupe.

Arnaud : Pas du tout ! Quand Jean-Hervé m’a parlé pour la première fois du projet de nous associer avec une chanteuse, j’étais interloqué : quoi ? Une chanteuse sur scène ? WTF !! (rires) Mais quand j’ai rencontré Sébastien et qu’il m’a parlé de son travail, de ses livres sur la musique noire américaine, je me suis dit que c’était la personne idéale pour ce type de projet. Il est allé plusieurs fois à Memphis, il connaît les personnes de Hi Records, le label qui a produit les artistes comme Al Green, O.V Wright. Donc, pour moi, c’était comme un rêve. Je suis moi-même allé plusieurs fois à Memphis, la ville mythique de la musique soul. J’ai visité le studio Hi Records, je suis même allé voir Al Green dans son église. Quand Sébastien m’a parlé de Toni, j’étais convaincu que travailler avec une chanteuse qui a grandi au milieu de cette culture musicale,allait nous apporter énormément.

Malted Milk & Toni Green - Milk & Green

  • Est-ce que vous aviez une idée précise de la couleur musicale de ce disque quand vous avez commencé à travailler ensemble ? Soul, blues… ?

Arnaud : Non. On a écrit les morceaux sans préjuger du style, juste en se laissant porter par toutes nos influences.

Toni : Je n’avais pas d’idée précise, mais je savais que je devais rester moi-même. Pour que le projet réussisse, il fallait que chacun vienne avec son propre style, ses propres influences. C’est cet apport qui allait donner naissance à quelque chose de nouveau.

  • Mais vous vouliez un album aux sonorités soul, funk ?

Arnaud : Le disque est un mélange de toutes nos influences, qui vont du blues à la soul. C’est de la musique afro-américaine et, pour nous, il n’y a pas de barrière entre tous ces genres artistiques.

Toni : Je chante sur tous les styles de musique et je savais que le groupe était capable de jouer aussi bien du blues que du funk. On ne s’est imposé aucune limite et c’est ce qui fait la richesse du disque.

Arnaud : Par contre, avec Albert Milauchian, notre ingénieur du son en studio et en concert, nous avions une idée précise du son. On le voulait assez brut et assez chaud. Je travaille avec lui depuis 12 ans, donc tout le boulot sur le son de l’album s’est fait dans la continuité du travail fait avec Albert depuis toutes ces années.

  • Ce disque comporte des compositions originales et des reprises. Comment avez-vous travaillé ensemble sur les compositions originales ?

Arnaud : J’ai coécrit les morceaux avec Igor, le bassiste du groupe. Pour les paroles, Sébastien nous aidait quand il manquait des couplets. Puis on a enregistré des maquettes qu’on a envoyées à Toni. Pour lui donner une idée plus précise de la partie chant du morceau, on a demandé à Laurence, une amie, de les chanter.

Toni : D’ailleurs, quand j’ai entendu sa voix, je leur ai dit : mais pourquoi faire appel à moi ? (rires) J’ai travaillé également sur les paroles pour y mettre des mots qui me touchent et aussi qui sonnaient mieux avec la musique.

  • Pour les reprises. Qu’est-ce qui a motivé vos choix ? Notamment celui de Mary J Blige, chanteuse de « Hip Hop Soul »

Toni : C’est une de mes chansons préférées ! C’était une proposition de Sébastien, pas de moi.

Arnaud : Quand on a écouté cette chanson, qu’on ne connaissait pas, car on est moins « branchés » par le R&B d’aujourd’hui, on était mitigés, parce que pour nous cela ne correspondait pas trop à la couleur du disque. Mais on s’est dits que c’était une chanson qui pouvait se retravailler. Alors on a revu les arrangements pour lui donner la couleur musicale qui nous correspondait le mieux.

Toni : Il y a aussi la reprise d’un morceau d’Anne Peebles que je ne connaissais pas.

Arnaud : C’est la seule chanson qu’on a interprétée telle quelle. Pour nous, c’était une sorte d’hommage à cette chanteuse exceptionnelle de la musique soul de Memphis. Par contre, toutes les autres reprises ont été adaptées. Par exemple, la chanson originale «I’d Really Like To Know» de Tommy Tate est relativement peu travaillée au niveau des arrangements. Le morceau sur le disque est brut, presque à l’état de maquette, ce qui nous a laissé une certaine liberté dans le travail des arrangements.

crédit : Benoit Boute
crédit : Benoit Boute
  • C’était un choix de prendre des morceaux moins connus ?

Arnaud : Tout-à-fait. On a choisi des morceaux dont on pouvait s’inspirer pour en faire quelque chose de différent tout en gardant l’esprit de la chanson. Le choix était difficile, car la liste était longue au départ.

Toni : Je n’étais pas très confiante avec le choix de la chanson « I’d really like to know », car elle contient un message qui nous replonge dans les années 50-60. Je ne savais pas comment elle allait être perçue par le public. Mais aujourd’hui, je m’aperçois que le public l’adore.

  • Arnaud, la musique de Malted Milk a évolué au fil des années, du blues traditionnel à un mélange de soul/funk avec des cuivres de plus en plus présents. Est-ce que ce projet est une nouvelle étape musicale de franchie pour Malted Milk ?

Arnaud : Oui, certainement. Tous les musiciens du groupe ont été impressionnés de travailler avec une chanteuse comme Toni. C’est quelqu’un qui a grandi avec ce style et a côtoyé les plus grands noms de la musique soul de Memphis. Elle possède une voix d’une puissance et d’une force incroyables. Elle sait également l’utiliser dans des moments plus calmes pour transmettre des émotions. C’est très enrichissant. Même si nous sommes passionnés par cette musique depuis des années, nous n’avons pas le même rapport avec elle, du fait de notre culture française.

  • Un de vos points communs, hormis l’univers musical, est cette énergie déployée sur scène. Vous avez entamé une tournée ; comment avez-vous été accueillis ?

Toni : Je ne savais pas comment j’allais être reçue, le public venant pour Malted Milk essentiellement et ne me connaissant pas. Mais l’accueil a été fabuleux. Nous puisons l’énergie dans la musique, dans son côté spirituel. C’est un son qui vous prend aux tripes et le public le ressent. Et puis, « Malted Milk » est un véritable « show band » !

Arnaud : Nous avons enchaîné les premiers concerts après une semaine de résidence à Nantes. Lors du premier show, on intellectualisait encore trop la musique, on restait concentrés sur les structures, le respect des arrangements et en même temps il fallait laisser de la place à l’improvisation, au feeling. Cet équilibre est venu lors du deuxième concert à Arles, dans un club, sur une petite scène où il y avait une totale cohésion entre Toni et tous les musiciens. Pour ce qui est de l’énergie, c’est propre à ce style de musique, avec les changements de dynamique. Il y a des morceaux très énergiques, très tendus et des moments avec plus d’espace qui permet également de créer des échanges avec le public. Toni nous apprend énormément sur ces aspects. J’ai dit à mes musiciens qu’ils devaient être à l’écoute du chanteur. Dans la culture noire américaine, cette approche est naturelle, car elle est développée avec les questions-réponses dans les églises. Les Européens ont tendance à trop intellectualiser la musique et à rejouer le morceau tel qu’il a été produit sur le disque. J’essaie d’expliquer à mes musiciens qu’en concert c’est différent, il faut être à l’écoute de Toni, et marquer les temps forts et faibles.

  • Est-ce qu’en live, les versions sont différentes ? (avec des solos, des impros)

Arnaud : Oui, il y a des morceaux qu’on a réarrangés pour le live. On aimerait également faire une version piano-voix de « I Can Do Bad » pour avoir des ambiances bien différentes dans le set. On continue à travailler sur le disque, mais pour les concerts.

  • Pour la scène, avez-vous prévu d’ inclure d’autres cuivres, des chœurs ?

Arnaud : Je pense que sur certains concerts, on fera appel aux musiciens qui ont travaillé avec nous sur le disque. Notamment, Sly, le saxophoniste de Nina Attal. Et peut-être également une ou deux choristes.

  • Quelles sont les prochaines dates prévues ?

Arnaud : D’autres concerts auront lieu en février-mars 2015. Comme Toni vient sur des périodes courtes, les dates sont relativement rapprochées.


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Sylvie Durand

Curieuse, passionnée par les voyages, la musique, la danse. Par tout ce qui aiguise les sens.