[Interview] Maddalena

À l’occasion de son concert donné dans le cadre du festival Träce ce samedi 18 janvier 2014 à l’Avant Scène de Rueil-Malmaison avec Hoax Paradise, indiemusic a rencontré la tribu rock Maddalena. Une interview où il est question de création artistique et du rapport singulier du groupe à l’image comme à la scène.

crédit : Olivier Jeanne-Rose
crédit : Olivier Jeanne-Rose
  • Bonjour Maddalena, l’esprit tribal, voire chamanique, est-il à l’origine de votre projet ?

Après avoir enregistré le premier EP, nous nous sommes rapidement rendu compte que l’atmosphère qui se dégageait majoritairement de nos chansons avait quelque chose à voir avec cet esprit tribal. Un esprit empreint d’un certain mystère ou du moins d’un certain flou sur l’ambiance dégagée par les titres. Il y a également un côté multiculturel derrière l’idée de tribu et un moyen de proposer quelque chose d’étoffé, de plus complet auquel nous sommes très attachés et qui a vraiment été à l’origine du projet. Cet esprit tribal est un réel exutoire pour Maddalena, un horizon à viser.

  • D’ailleurs, vous considérez vous comme un collectif ?

Nous sommes au départ 3 musiciens, puis 5, et aujourd’hui 6. Nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui si nous n’étions pas constamment appuyés par de nombreuses personnes aux talents différents avec qui nous travaillons continuellement (peintres, photographes, réalisateurs, acteurs, musiciens, designers, graphistes, etc.). L’idée de tribu était au départ une simple notion d’amitié et d’envie de travailler ensemble, puis, avec le temps, nous avons senti que tout ceci allait bien plus loin. Il nous a alors semblé évident de nous structurer davantage afin de donner un sens concret à la notion de tribu, en intégrant peu à peu des artistes de tous bords que nous apprécions, ayant une vision artistique semblable à la nôtre, et qui méritent d’être exposés au grand jour.

Nous cherchons à donner un sens concret à la notion de tribu.

Par exemple, au niveau des concerts, nous aimons bien avoir la main sur la programmation de nos co-plateaux afin de mutualiser les moyens d’action et la visibilité de chacun. Quand nous avons organisé la Release Party de l’EP en mars dernier, nous avons exposé des portraits, avons organisé des sessions de bodypainting ainsi qu’une projection… Mais ça marche dans les deux sens : plusieurs de nos titres ont été utilisés dans des courts-métrages d’amis, nous avons joué dans une pièce au Théâtre du Ménilmontant et dans la vidéo de lancement de la marque brésilienne Gabriel Spaniol Shoes.

  • Êtes-vous prêts à vous dévoiler derrière vos masques de crâne de gazelles, ou préférez-vous défendre votre droit au mystère ?

L’idée de départ n’était pas de jouer sur le mystère. Simplement, nous considérons que nous ne sommes pas l’objet central de notre projet en tant que personnes. Ce qui compte réellement c’est ce que nous voulons dire, montrer, faire entendre et c’est d’autant plus vrai que nous sommes maintenant de plus en plus à travailler sur le projet Maddalena. Nous avons vraiment voulu, dès le départ, établir une cohérence avec l’idée de tribu, de collectif où l’idée serait que nous sommes plus fort ensemble qu’individuellement, plus fort sans visages distincts.

  • Votre musique n’est pas évidente à définir. C’est tantôt planant, tantôt guerrier. Invoquer les esprits avant le grand combat, cela pourrait-il raconter l’histoire de votre groupe ?

C’est sans doute aussi la manière dont nous envisageons le fait de monter sur scène, ou lorsque nous enregistrons des chansons : il s’agit d’une véritable mise à nue, ou nous montrons ce que nous sommes réellement, sans pouvoir nous cacher, en devant affronter. Invoquer les esprits avant le grand combat, ça pourrait être une manière de nous apaiser et de tenter de livrer tout ce que nous pouvons offrir.

  • Je trouve un parallèle assez intéressant avec le quatuor tourangeau Divine Paiste qui défend également une imagerie de la tribu dans la même veine et un univers musical qui s’en rapproche. De quels projets français, voire internationaux, vous sentez-vous proches ?

Nous suivons le groupe Divine Paiste depuis leurs débuts, et les avons vus grandir quand nous étions encore enfermés dans nos studios à préparer notre projet. C’est un groupe qui s’est bâti en travaillant et qui livre une musique spontanée, de qualité, et sans ambages, ce que nous apprécions et respectons vraiment.

Concernant nos influences : elles ne se limitent pas simplement à la musique même si nous pouvons facilement citer la musique progressive et psychédélique des années 60 et 70 (Pink Flyod, King Crimson, Love…), ses évolutions vers un registre définitivement plus rock (The Stooges, MC5 …) et ses ramifications actuelles beaucoup plus indie pop (Tame Impala, The Maccabees, WU LYF, Kings Of Leon …). Dans un autre registre, nous nous sentons obligés de citer plusieurs grands noms du jazz, de Miles Davis à Jaco Pastorius en passant par Pat Metheny et Coltrane. La singularité des musiques tribales africaines, mais également amérindiennes a eu une forte influence sur les arrangements des compositions, tout comme la musique brésilienne (Tim Maia), la bossa (Tom Jobim), la composition manouche (Paco de Lucia, Al Di Meola) et la musique éthiopienne de Alemayehu Eshete.

La littérature est également une des pierres angulaires du projet Maddalena. Nous sommes de vrais fans d’auteurs américains comme John Fante, Charles Bukowski ou Malcolm Lowry, mais également plus européens comme Céline, Oscar Wilde, Rimbaud, Baudelaire et Huysmans.

  • Tout comme d’autres Parisiens de In The Canopy, vous vous revendiquez de l’art rock. De quelle façon inscrivez-vous cette empreinte art rock dans votre projet aussi bien sur disque qu’en concert ?

C’est toujours un peu frustrant de devoir s’isoler dans la case du « pop-rock » quand nous avons l’impression de travailler sur des sensibilités beaucoup plus vastes. Définir la musique de Maddalena comme de « l’art rock », de « l’alternative pop » ou même de la « pop tribale » est surtout une façon d’être plus précis sur ce que nous produisons, plus que de tenter de se démarquer par un nom d’une quelconque originalité. Mais pour revenir à l’idée de « l’art rock » et comme on l’a expliqué plus haut, le projet Maddalena est indissociable du mélange entre la musique et différents types d’arts.

Le projet Maddalena est indissociable du mélange entre la musique et différents types d’arts.

En concert, par exemple, nous mettons en place une réelle scénographie que nous voulons la plus représentative de notre concept : nos pianos sont recouverts d’étoffes, tout comme nos micros (nous sommes 7 à chanter), le crâne d’impala, notre étendard, est toujours placé sur le devant de la scène, décoré de guirlandes de lumières et il nous arrive souvent de projeter un montage de vidéos diverses directement sur nous, toutes lumières éteintes.

crédit : Virginie Ribaut
crédit : Virginie Ribaut
  • Votre premier EP 5 titres sortait en octobre 2012. Depuis cette sortie, et alors que votre second EP sortira en février prochain, comment votre projet a-t-il muri au regard de vos expériences entre ces deux périodes ?

En fait, le second EP sortira en septembre 2014, mais nous prévoyons la sortie de trois singles diffusés sous la forme d’un court-métrage en trois parties dont le premier épisode « Bay Pop Butcher » sortira en février prochain. Nous avons voulu explorer davantage la réalisation vidéo et prendre le temps de sortir un nouvel opus plus travaillé, mieux produit dans lequel nous voulons beaucoup nous entourer. En effet, nous avons totalement auto-produit et réalisé (des prises aux mixages et mastering) le premier EP 5 titres. Ce côté « home-made » ne nous a donné aucune limite. Il n’y avait pas pour nous de contradictions à faire quelque chose de très envolé, de très reverbé à grand renfort de trompettes (Naked Salomé & Glover Bandini ) puis à produire une bossa’n’roll plus chaloupée et acoustique (Club Cigar).

Dans le cadre de ce second EP, nous sommes à la recherche de quelque chose de très cohérent, sans néanmoins nous interdire quelques incartades. Nous sommes rentrés en studio en septembre pour en sortir pratiquement mi-décembre avec 3 singles ! Les titres ont été masterisés chez Climax qui a notamment travaillé avec Château Marmont, D’Austerlitz et Peter Von Poehl. Ces trois productions sont peut-être les plus dansantes que nous n’ayons jamais réalisées.

  • Au sujet de ce triptyque vidéo à cette occasion, pouvez-vous m’en dire plus ?

Comme on l’a dit plus haut, il s’agit d’amorcer les hostilités du nouvel EP en proposant un exercice plus complet : celui de la composition et de son rendu en images. Il s’agira d’un court-métrage en trois parties donc, chaque épisode sur une chanson en particulière. Nous sommes dans les préparatifs du premier épisode et le tournage se tiendra sur un week-end avec une quarantaine de figurants. Nous avons d’ailleurs lancé un appel à participation sur nos différents réseaux sociaux.

  • La scène vous a-t-elle aidé à vous construire en tant que groupe ? Essayez-vous de retranscrire l’atmosphère de vos clips en concert ?

La scène est primordiale. En mars prochain, nous nous serons produits dans plus de 20 salles essentiellement parisiennes (L’International, le Bus Palladium, la Bellevilloise, le Centre FGO, Le Baron…). Trois des six musiciens que nous sommes maintenant sur scène nous ont rejoints après la réalisation du premier EP. La scène, la confrontation au public a été le premier vecteur de construction du projet et c’est un exercice que nous n’avons de cesse de travailler, de remodeler et d’étoffer. Et pour répondre à la deuxième question, nous adaptons énormément notre set à l’endroit où nous nous produisons.

Lors de la Release Party (que nous avons entièrement produit), nous avons commencé le concert par la diffusion de « March Of The Impalas » (vidéo sous forme de cérémonial tribal) puis nous sommes rentrés sur scène entièrement masqués. Les vidéos que nous projetons lors de nos concerts mélangent des images d’émeutes, de danses tribales, de phénomènes naturels et de slogans. Pour des concerts plus acoustiques, plus intimistes comme au China le 8 octobre dernier, nous nous sommes entourés d’un violoncelliste et d’un trompettiste.

  • Vous jouez ce samedi au Festival Träce à l’Avant Scène de Rueil-Malmaison avec Hoax Paradise, avant une soirée de présélection dans le cadre des Inouïs du Printemps de Bourges le 22 janvier prochain au centre FGO. Comment avez-vous travaillé la scène pour ces deux événements futurs ?

Nous avons tout simplement fait le choix d’intégrer une sixième personne au groupe, un claviériste pour être précis ! C’était un choix qui nous trottait dans la tête depuis plusieurs mois et nous avons franchis le pas pour l’occasion. Nous sommes désormais sept dans l’équipe live (six musiciens et un ingénieur du son). Ce dernier travaille notamment sur un prototype que nous allons utiliser sur scène.

Festival Trace 2013

  • J’ai pu lire qu’après ces quelques dates françaises, une tournée à l’étranger, passant par Londres, la Belgique et les Pays-Bas, est au programme…

Pour l’instant, nous tablons essentiellement sur davantage de dates en Ile de France et en province, dans une stratégie territoriale que nous avons mûrement réfléchi.  C’est avec le tourneur Yellowdog avec lequel nous avons organisé une soirée au Pop-In le 8 janvier dernier que nous travaillons main dans la main sur plusieurs dates anglaises pour la mi-année. Nous réservons l’organisation d’une tournée en Belgique et en Hollande pour la promotion du nouvel EP en septembre prochain.

  • Merci à vous et bons concerts à venir ! Nous suivrons également de près la sortie du futur EP comme des trois titres !

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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques