[Live] Mac DeMarco et Tame Impala aux Nuits de Fourvière

Le lendemain de leurs concerts très réussis aux Eurockéennes de Belfort, Tame Impala et Mac DeMarco partageaient la scène des Nuits de Fourvière pour une déclinaison en deux temps autour de la pop psychédélique contemporaine.

crédit : Matthew John Benton
crédit : Matthew John Benton

Difficile pour Mac DeMarco de faire mieux que son délirant concert de la veille sur la plage des Eurockéennes… Mais c’était sans compter sur le talent facétieux du Canadien, auteur de quatre albums studio sous ce nom. On retrouve le dispositif scénique qui nous avait tant faits rire la veille, en version plus classe. Une table entourée de chaises, quelques verres à vin, une petite lampe, le tout trônant à côté des amplis et des micros. Mac et ses musiciens arrivent, toujours aussi débraillés, et invitent sur scène quelques personnes des coulisses, dont un membre de Tame Impala. Le public rit, crie quelques « apéros ! », réclame des bières et le concert débute dans une bonne humeur qui ne cessera jamais. La setlist est sensiblement la même que la veille et les musiciens égrènent les compos des trois derniers albums de l’artiste (seul le tout premier, « Rock and Roll Night Club », sera ignoré) en faisant la part belle, et c’est surprenant, à « 2 », qui domine largement la performance.

Musicalement, rien à redire : cette pop indolente et ensoleillée aux légers relents psychédéliques ou surf rock (difficile de ne pas penser aux premiers Beach Boys, parfois) est vraiment parfaite pour attaquer une soirée de concerts sous le soleil couchant. Les musiciens, toujours aussi drôles, font les pitres sur scène, et Mac alterne blagues, chansons un peu plus rapides et ballades romantiques – registre dans lequel il excelle. Il fait monter un type du public sur scène au grand dam de la sécurité, lequel se baladera sur scène, chantera les chansons qu’il connaît visiblement par cœur, ira prendre une bière à table avec les autres convives ou capturera quelques photos après une poignée de main avec chaque musicien. Le claviériste, complètement perché, amuse beaucoup l’audience, puis la joyeuse bande se lance dans une désormais traditionnelle et héroïque version du « Reelin’ in the Years » de Steely Dan, tout en riffs mélodiques et harmonisés, que les musiciens s’amusent à jouer bras tendus au-dessus de leurs têtes ou bien guitares dans le dos, tout en dansant et sautant un peu partout, sous les acclamations de la foule. Après ce moment réjouissant, le calme revient avec quelques dernières chansons, dont la superbe ballade « My Kind of Woman », et le groupe achève son concert sur d’improbables jams bordéliques au milieu d’une pluie de coussins verts (Nuits de Fourvière obligent) qu’ils nous relancent ou bien prennent pour des ballons de foot. Au milieu de ce chaos bon enfant, on peut distinguer quelques notes de l’hymne américain (nous sommes alors le 4 juillet), même si Mac est canadien, mélodies qui se muent en des arpèges que l’on jurerait tirés d’un morceau de Led Zeppelin (sans doute « Black Mountain Side »). Les interprètes, ravis de la tournure festive du concert – qui, il faut l’avouer et le cadre n’aidant pas, était bien plus sage que celui de la veille à Belfort – s’en donnent à cœur joie avec les projectiles mous à leur disposition durant quelques minutes, nous saluent chaleureusement, puis prennent congé.

La nuit tombe et c’est aux Australiens de Tame Impala de prendre possession des lieux. La veille, à Belfort, la grande scène principale des Eurockéennes semblait un poil démesurée pour leur pop psychédélique méticuleuse ; mais ce soir, l’écrin antique est parfait (pour un peu, avec un concert plus orienté rock, le groupe aurait pu tutoyer un certain live à Pompéi…). Le son s’avère bien entendu irréprochable, avec un volume inhabituellement fort pour un concert du cru 2016 des Nuits de Fourvière (« enfin ! », aurions-nous envie de dire), et Tame Impala tient le rang de sa réputation sur scène en terme de qualité sonore et de mixage. Bien entendu, basse et claviers dominent largement, mais c’est la moindre des choses pour rendre justice à un disque aussi soigné de « Currents », leur troisième album qui sera le plus mis en valeur par la setlist. Cette dernière est légèrement plus étoffée qu’à Belfort, le groupe bénéficiant d’un créneau plus long. Seront donc jouées des titres sur lesquelles l’impasse avait été faite, comme « Yes, I’m Changing », ou quelques-uns du premier album, « Innerspeaker », un peu laissé de côté sur la tournée en cours, comme « Why Won’t You Make Up Your Mind ? », ou encore « Alter Ego » et « It is Not Meant To Be ». En revanche, l’excellent « Daffodils », collaboration entre Mark Ronson et Kevin Parker, est toujours sensiblement abrégé pour la scène, et c’est bien dommage.

L’ambiance est particulièrement festive, et le public nettement plus impliqué que dans un gros festival comme les Eurockéennes, où Tame Impala ne semblait pas être une tête d’affiche pour tout le monde ; et, dès les premières mesures de « Let it Happen » (joué après l’interlude « Nangs », qui fait ici office d’intro), la fosse s’anime et se lâche complètement. La setlist est très équilibrée, comme conçue pour un trip planant parfait, entre plages psychédéliques sévèrement sous acide (tous les morceaux antérieurs à « Currents », ou presque, où la guitare se retrouve fortement secondée par des nappes de synthés imparables) et stases de rêverie mélancolique plutôt issues du dernier-né (qui rappelons-le, est un break-up album, ou album de rupture). Les tubes s’enchaînent sans faiblir et font prendre conscience aux rares détracteurs malgré tout présents sur place de l’incroyable qualité de la discographie du groupe, qui se permet même de jouer un inédit, « Oscilly ». Nous regretterons tout de même l’absence de pistes emblématiques des débuts plus orientés garage / psyché du groupe, délaissées sur la tournée actuelle. Les meilleurs moments du concert restent, en revanche, outre « Let it Happen » et le final « New Person, Same Old Mistakes » pour « Currents », tous issus de « Lonerism », l’actuel pinacle de la discographie du groupe, paru en 2012. Ainsi, le refrain entêtant de « Why Won’t They Talk To Me ? », où la voix gorgée d’effets d’un Kevin Parker complètement stone, fait des merveilles, de même que le riff inoubliable et rebondissant de « Elephant » (le morceau qui a rendu le groupe mondialement célèbre grâce à une publicité) et, surtout, des versions étirées pour l’occasion de « Feels Like We Only Go Backwards », entêtant hymne psychotrope, et de l’outsider « Apocalypse Dreams », qui, contre toute attente, devient le vrai moment fort du concert, avec ses flux et reflux de nappes de synthés qui nous ravagent le cerveau et les tympans sur fond d’illuminations hallucinées défilant sur écran géant.

crédit : Matt Sav
crédit : Matt Sav

La fin du concert, à cette image, est gigantesque. Les coussins pleuvent sur un groupe hébété visiblement parti un peu trop loin dans son propre trip musical (pas grave, ils nous ont emmenés avec eux, c’est ça qui compte), des musiciens qui ne savent pas si c’est un bon signe ou non, bientôt rejoint par Mac DeMarco et son équipe, toujours aussi malicieux et qui, eux, n’en ont pas eu assez de la bataille d’oreillers inaugurale. Le staff de Tame Impala, visiblement très étonné de cette tradition lyonnaise, immortalisera le moment par une vidéo postée sur l’Instagram du groupe. Après ce rêve apocalyptique, un bon coup de coussin vert est un bon moyen de retourner à la réalité. Mais l’atterrissage est lent et difficile pour tout le monde, tant Kevin Parker et ses amis nous auront fait planer haut, si haut.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique