[LP] Low – Ones and Sixes

Une nouvelle pierre à l’édifice que représente la discographie de Low, et loin d’être la plus mauvaise ; « Ones and Sixes » est un album riche, excitant et époustouflant qui puise dans les années 90 pour alimenter une beauté moderne sans limites.

Low - Ones and Sixes

Il n’y a que très peu de risques à se diriger vers un nouvel album de Low, tant le groupe américain assure en terme de qualité depuis plus de vingt années d’existence, poussant à chaque fois sa recette, si unique, toujours plus loin. On l’a vu progresser du slowcore vers un rock alternatif à multiples facettes, ne se reposant jamais sur ses lauriers, mais ne quittant jamais ce son qui le rend reconnaissable après quelques secondes d’écoute.

« Ones and Sixes » construit un univers idyllique et sombre qui met tout-à-fait en valeur la beauté lourde dont est capable le groupe. On ne sait jamais si on est au fond de notre lit, emmitouflé sous deux couvertures ; ou si, au contraire, on est déjà dans un rêve profond où l’on volerait vers des paysages décharnés et ténébreux. Ainsi, à l’inverse de ses derniers albums, nettement plus bruyants et agressifs, on fait ici face à une prise de contrôle de l’espace sonore par les instruments principaux, qui donnent leur beauté majestueuse aux chansons ; c’est à grands coups de reverb, de delay et d’autres sonorités électroniques que Low nous enchante.

L’utilisation de percussions électroniques pendant la grande majorité de l’album donne un aspect plus pop à ce nouvel opus, comme on a pu le découvrir avec « No Comprende ». Le rythme lourd et binaire empreint d’une torpeur entraînante, sublimée par la guitare en palm-mute d’Alan, construit une tension qui prend son envol dans le refrain le plus catchy de la discographie de Low et sur lequel on se surprend presque à danser. La chanson laisse finalement place à une outro sombre, lente et abyssale qui conclut parfaitement cette chanson.

On peut retrouver cette dimension presque dansante sur quelques autres titres du disque, comme « What Part Of Me » ou « No End », qui semblent flirter avec la twee-pop, laissant presque entrevoir au loin un rayon de soleil sur l’univers obscur du trio grâce aux guitares éclatantes et aux voix ensorceleuses. Le groupe s’enfonce encore plus loin dans les années 90 avec « Kid In The Corner », dont la partie instrumentale pourrait sortir de « Wish » de The Cure. « Lies » parvient même en territoire dream pop avec sa suite d’accord particulièrement entraînante et un refrain qui nous porte du bout des chœurs à travers son synthé éthéré, qui aurait sa place sur un album de Summer Heart. Low porte ses influences avec fierté et s’ouvre à toute opportunité pour enrichir et diversifier sa musique.

Cependant, il ne laisse pas ses camarades de Codeine ou Red House Painters loin derrière, car il est impossible de penser à un album de Low sans une forte présence de slowcore. Ce qui se ressent d’autant plus dès l’écoute de « Gentle », qui ouvre l’album dans une lenteur élégante, où les instruments s’ajoutent les uns après les autres, puis développent une atmosphère caverneuse, lancinante, bercée par le lien de complicité harmonique qui n’a jamais été aussi poussé entre les voix d’Alan Sparhawk et de Mimi Parker. « Into You », « The Innocents » ou encore « DJ » sont autant de chansons qui mettent en place un slowcore toujours plus beau et plus ténébreux, prenant appui sur le minimalisme des instruments joués comme sur la profondeur du champ sonore.

Le chef d’œuvre de cet album, du slowcore même, est l’avant-dernière chanson de « Ones and Sixes » : « Landslide », un chaos sonore qui exprime une beauté renversante. Les deux premières minutes sont marquées par quatre coups enragés de la guitare, du kick et de la voix d’Alan suivis d’un silence destiné à être rompu ; une rage contenue qui attend la première opportunité pour se déverser. Et une brèche est ouverte au cap des deux minutes : on est écrasé par la violence acérée des trois musiciens qui s’écoule pendant une minute avant d’être « prise dans un éboulement ». S’ensuit alors, jusqu’à la fin de la chanson, une construction lente et progressive autour de la base guitare/basse/batterie/voix, rejointe par d’autres guitares et divers éléments électroniques. Près de dix minutes de musique colérique, lourde et abyssale dans laquelle on se perd, se retrouve et se démultiplie ; plus que juste une preuve, c’est une démonstration de la maturité musicale qu’a gagné le groupe minnésotain au fil des années.

crédit : Zoran Orlic
crédit : Zoran Orlic

« Ones and Sixes » se révèle comme un des meilleurs albums de Low ; la beauté sombre mise en place par le trio prenant de nombreuses formes, mais ne perdant jamais en qualité et profondeur musicale. Alan Sparhawk, Steve Garrington et Mimi Parker y déclinent leur recette musicale et l’illustrent ici plus que jamais. Un album qui fera donc plaisir aux fans de longue date tout en ne pouvant qu’attiser la curiosité des nouveaux venus dans cet univers fascinant.

« Ones and Sixes » de Low, sortie le 11 septembre 2015 chez Sub Pop Records.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général