À l’origine de Louize, deux têtes pensantes bien connues des amoureux du folk alternatif canadien : Jonathan Peters et David Lagacé qui formaient auparavant le duo Fire/Works. En ce début d’année, les Montréalais quittent le confort temporaire d’une musique électro-acoustique, mais déjà maintes fois travaillée au corps, pour s’exécuter dans un registre ambitieux et tortueux. La crise de la maturité se joue maintenant désormais avec leur premier album « Imitation Gold ».
Louize, quel drôle de nom ! Les deux buddies Jonathan et David emportent dans leur sillage Étienne Dupré à la basse et Francis Ledoux à la batterie, tous deux déjà croisés aux côtés d’un certain Jesse Mac Cormack. Ensemble, ils composent avec « Imitation Gold », une œuvre magistralement funeste, presque funambule (« My Head is Disco »), qui traduit la beauté à travers une autre idée de la démence (« You Can Tell Me (Anything You Like) ») et de la perdition (« Falling to Pieces »). Œuvre complexe, bigarrée et souvent inattendue, la partie de plaisir ne semble pas gagnée à la première écoute, ni d’ailleurs à la suivante, tant le premier effort du nouveau quatuor ne ressemble à rien de connu. Et c’est ce qui en fait sa force de caractère : nous mettre face à l’insaisissable d’une œuvre non conventionnelle, exprimant à chaque nouvelle bouffée la noirceur et la complexité des relations humaines. En neuf titres et autant de chapitres chargés de détails et de maillages, le puzzle de Louize vient questionner nos émotions en inhibant sinon en brouillant, telle la fumée de sa pochette nos réactions cognitives. Une tension fascinante qui ne nous quittera jamais vraiment jusqu’au climax de l’éponyme « Imitation Gold ».
On parlera bien ici d’un coup de génie tant l’art de la composition chez ces Montréalais ne cherche pas à nous balader, et surtout pas à esquiver avec dédain un semblant de facilité, mais bien à nous offrir des itinéraires bis, comme autant de chemins vers une liberté hors des états d’urgence (« Sad Hearts and Horns of Shit »). Parfaitement à son aise dans cet exercice vivant et éprouvé, parfois traversé de rares accalmies chorales (« China Cup ») ou orchestrales (« Premonitions »), Louize prend le pouls de l’anxiété moderne, pour mieux nous prémunir contre ses dérives (« Marketing + Ads ») et nous offrir une redoutable critique de la société en filigrane.
« Imitation Gold » de Louize, sortie le 20 février 2018.