[Interview] Lou-Adriane Cassidy

La France entretient une relation très particulière avec les artistes québécois, des plus connu.e.s aux plus confidentiel.le.s. Peut-être quelque chose de l’ordre d’un troublant jeu de miroir culturel mais aussi quelque chose comme une attirance pour ce mélange de naturel, de spontanéité et de vivacité, qui pourrait être un marqueur de nos cousins et cousines outre-Atlantique. Pour le coup, Lou-Adriane Cassidy s’était déjà fait remarquer dans l’hexagone, avec la sortie de son premier album, « C’est la fin du monde à tous les jours » en 2019. Et pourtant, c’est déjà une autre nuance de sa personnalité et de sa créativité que la jeune musicienne met en perspective dans son deuxième long format « Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir » ; un disque personnel et intime, à la mécanique organique troublante et poétique, où le corps s’exprime autant que le cœur. Il y a quelques jours, l’occasion nous était donnée d’échanger par courriel interposé, et ainsi de lui donner l’espace pour souligner l’importance de son nouveau disque dans sa vie personnelle et sa vie d’artiste.

crédit : Noémie D. Leclerc
  • Dans quel état d’esprit es-tu après la sortie de ton deuxième album « Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir » et la perspective de pouvoir bientôt reprendre ta tournée française annulée en 2020 ?

Je suis super fière de l’album. J’ai l’impression d’enfin savoir ce que je veux faire. L’album a été très bien reçu :  c’est très important pour moi de lui rendre justice sur scène. Mon seul objectif est de réussir à m’abandonner et d’avoir autant de plaisir à jouer les chansons de l’album que j’en ai eu à les enregistrer.

  • Rien que dans le titre de cet album, nous sentons ton besoin de reconnecter avec le public, avec la scène. Comment as-tu vécu l’arrêt des concerts et plus largement les effets de la pandémie en tant qu’artiste ?

Pour moi, tout ça est très bien tombé. J’avais presque fini ma tournée, j’avais besoin de me pencher sur l’écriture du nouvel album, j’ai eu le temps et l’espace mental pour le faire et aller au bout de mes idées. Quand les spectacles ont recommencé, j’étais prête, j’avais hâte et j’étais fébrile.

  • Ce deuxième album, dans la continuité de certains morceaux comme « Mon bel antidote » ou « L’absence » de ton album « C’est la fin du monde à tous les jours », se concentre en grande partie, sur le thème éternel de l’amour. Ce thème semble être une source inépuisable d’inspiration pour toi, où le moindre détail, la moindre anecdote peut donner vie à une chanson. Justement, comment naissent ces chansons autour de l’amour ?

Je n’ai aucune chanson qui s’appelle « L’absence », haha !*
Je ne sais pas si l’amour est une source d’inspiration, je crois que j’aimais bien aborder des thèmes universels, un peu existentiels pour le premier album.
Pour le deuxième album, le sujet n’est pas vraiment l’amour, mais bien la sexualité. L’amour en est bien sûr un aspect, mais pas le seul. C’est un album sur le désir, l’absence de désir, la séduction, la frustration, et aussi l’amour.
Ce sujet s’est imposé à moi dès le début, et j’ai voulu suivre mon instinct et aller au bout de ce que j’avais à dire sur le sujet.

(* Ndr : certainement perturbé d’entendre chanter la sexualité avec autant de vérité et de liberté, j’en suis venu à transformer le titre de la chanson « La petite mort », merci à Lou-Adriane pour son humour et sa disponibilité)

  • Il est donc question en grande partie, dans ce disque de relation amoureuse, le côté sentimental de l’amour, mais aussi le côté physique de l’amour. Justement, avec cet album, nous sentons que chez toi, l’un est indissociable de l’autre ?

Pas nécessairement.

  • Dans « Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir », tu nous invites dans ce que nous supposons être ton intimité, mais avec beaucoup de poésie, de légèreté et de tendresse, ce qui évite un côté voyeur et racoleur. Que t’apportent ces chansons ? Elles te permettent de dire des choses que tu ne dirais pas dans la vie courante ? De dépasser certaines frustrations ? D’amplifier le sentiment amoureux ?
Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir – crédit : Noémie D. Leclerc

J’avais envie d’aborder le sujet, qui est lourd et complexe, avec une certaine profondeur, mais aussi avec légèreté. Il y a beaucoup de clins d’œil presque humoristiques sur l’album, dans les textes et dans les arrangements. C’était une forme d’exutoire, mais aussi un constat et une remise en perspective. Je n’aurais jamais pu écrire ces chansons il y a quelques années, parce que j’avais le nez collé sur les situations que j’y raconte. La distance m’a permis d’aborder l’écriture avec plus de justesse et aussi plus de douceur.

  • Cet album est par moments, vraiment beaucoup plus direct que le premier, à la fois dans le fond comme dans la forme à l’image de « Réponds » et « Écoute » où ton intention a même quelque chose de rock. Mais en mettant en perspective l’ensemble, ce LP donne l’impression que tu t’es amusée de ton propre univers musical en faisant des petits pas de côté, que le côté ludique de la musique a pris une place très importante… Quel rapport justement entretiens-tu avec la création ?

J’ai découvert dans les dernières années que l’humour et le plaisir sont essentiels dans la création. Aborder l’écriture avec moins de sérieux m’a paradoxalement permis d’aller plus loin, m’a permis d’explorer plus de choses et d’avoir moins peur du regard des autres. Personne n’a de contrôle sur les résultats de notre travail, mais on a le contrôle sur notre état d’esprit et la façon dont on l’aborde.

  • Pour continuer sur le côté frais et direct de ton album, son instrumentation est assez resserrée, elle a certainement favorisé ainsi la créativité. Quelles étaient justement tes envies musicales au moment d’enregistrer cet album ? Quelles ont été les personnes complices dans l’enregistrement et la mise en musique de tes compositions ?

J’avais envie de composer des chansons courtes et denses. Je voulais revenir à l’essence de la chanson pop, sans me perdre dans des envolées musicales inutiles ou distrayantes. Je voulais que ce soit accrocheur et accessible, mais tout de même surprenant et musicalement riche. J’ai travaillé avec Alexandre Martel à la réalisation, à la co-écriture des textes et à la basse, Simon Pedneault à la co-réalisation, le mixage et la basse, Pierre-Emmanuel Beaudoin à la batterie et aux percussions et Vincent Gagnon aux claviers. J’ai aussi invité quelques amis artistes, Ariane Roy et Thierry Larose.

  • À l’écoute de cet album, j’ai au-delà du travail musical et esthétique, l’impression d’écouter un disque de femme, au sens moderne du terme : une femme libre dans son corps et son esprit, une femme autonome, qui assume sa sensibilité, ses désirs, ses envies, qui affirme son droit à l’insouciance, la légèreté loin des stéréotypes dans lesquels on enferme encore les femmes dans les sociétés françaises et québécoises. Comment tu reçois ce ressenti, qui a tout d’un compliment ?

Je ne crois pas être plus libérée qu’une autre, et je ne prétends pas parler au nom de toutes les femmes. J’ai essayé de parler le plus justement d’un sujet complexe et qui m’habitait au moment de l’écriture. Je crois que ce processus m’a permis de mieux me comprendre et de me libérer d’une partie de mes combats. Mais merci pour le compliment !

crédit : Noémie D. Leclerc
  • Pour conclure cette interview, ta tournée française reprendra en 2022, quel rapport entretiens-tu justement avec la France ?

 J’ai eu le plaisir de venir souvent en France, depuis très jeune. J’ai donc un rapport nostalgique et familier avec ce pays, en même temps de toujours découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles personnes.

Comme Lou-Adriane Cassidy l’a souligné sans détour dans cette interview, la sexualité s’est imposée d’elle-même au cœur de son inspiration. Elle a donné naissance à d’étonnants instantanés de vie et d’intimité. Ils racontent à travers des mots simples, un délicieux sens de la mise en scène, le désir dans toutes ses dimensions, dans ce qu’il a de plus naturel, complexe et humain : quand il déborde (« Je suis arrivée », « Réponds ») quand il connecte à l’autre ( « Le corps en mouvement »), quand il disparaît (« Entre mes jambes »), quand il provoque le manque (« Alors »)… La thématique de la sexualité a suggéré jusqu’à ce regard entier et déterminé de l’artiste elle-même sur la pochette du disque, qui loin de la vulgarité ou de la provocation, exprime beaucoup mieux que toutes les explications du monde, l’expression même de la puissance du désir. La justesse de ton de ce long format tient d’ailleurs beaucoup à sa couleur instrumentale particulièrement complice, articulée autour des inévitables interactions joueuses entre la basse, la guitare, le piano, la batterie. Le plaisir de jouer est tout simplement palpable à chaque instant. Au-delà des textes, cet album est ainsi parcouru par une fraîcheur musicale presque insolente, loin du calcul et de l’opportunisme stylistique, qui en fait un disque généreux et accessible, intelligent et sensible.

Les premières dates de la tournée française de Lou-Adriane Cassidy en 2022 :
Mardi 15 mars à La Bouche d’Air (Nantes)
Jeudi 17 mars au Centre Culturel Charlie Chaplin (Vaulx En Velin)
Vendredi 18 mars au Pôle Musical d’Orgemont (Épinay-sur-Seine)
Samedi 19 mars au Théâtre Jean Marais (Sannois)
Mardi 22 mars au Train Théâtre (Portes-lès-Valence)
Jeudi 24 mars (Pézenas)
Vendredi 25 mars à L’Arbre du Renard (Sérandon)

« Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir » de Lou-Adriane Cassidy est disponible depuis le 5 novembre 2021 chez Bravo Musique.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.