[Live] Lives au Pont 2014

Les 10 et 11 juillet derniers, les rives du Gardon – à l’endroit même où surplombe l’impressionnant Pont du Gard – ont été le théâtre à ciel et à bras ouverts, de la déjà 4e édition du désormais convoité festival « Lives au Pont ».
Adoubé sur scène par Metronomy meilleur lieu de concert open-air de France, « Lives au Pont » 2014 aura rassemblé 30 000 spectateurs sur 2 jours, venus rendre hommage tant au lieu qu’à l’affiche, hétéroclite mais cohérente.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart

Les artistes n’auront pas boudé leur plaisir (privilégié) de jouer face au monument aux illuminations synchronisées avec la musique, tandis que le public assidu ou flânant dans les espaces verts ou près de l’eau se délectait du privilège de voir et écouter des pointures au pied de ce patrimoine émérite de l’Unesco.

La programmation aura été synchrone avec la météo locale : vivifiante à l’égal de la température fraîche de l’air le jeudi soir et électrique comme un soir d’orage le vendredi soir.

Honneur aux locaux Mummy’s Gone et Mofo Party Plan d’ouvrir pour leurs aînés a été donné avec les « Before » de Lives au Pont. Groupes gardois sélectionnés via un tremplin créé en 2013 par le Conseil général du Gard, en association avec Le Paloma, la Femag et autres institutions locales, l’accueil enthousiaste et les sets énergiques laisseront autant de bons souvenirs aux 2 formations en quête de succès à grande échelle qu’aux festivaliers venus encourager les enfants du rock du pays.

Avec une alternance au fil de l’eau et des 2 journées de styles rock, hip-hop, indie, world, entrecoupés de set de DJ renommés (tel DJ Pone – ex Birdy Nam Nam et aujourd’hui acoquiné artistiquement avec – entres autres – José des Stuck in the Sound dans le sublime projet Sarh), le premier gros coup d’envoi en cette période de finales de coupe du monde de football aura été donné par le sémillant Keziah Jones qui, infatigable et indémodable, aligne ses titres cosmopolites tout comme lui, entremêlés de soul, funk et rythm’n’blues lors d’une prestation à l’image du maître de cérémonie : généreuse et souriante. Tel un grand cru, sa musique et son style ne font que se bonifier au fil du temps. L’ensemble du public se trouve (ré)uni, porté par des devenus classiques qui font se déhancher les plus anciens jusqu’à la relève, impressionnée par les sonorités tant actuelles d’un songwriter-interprète presque quinqua qui a du plonger petit dans une fontaine de jouvence.

Impressions nettement moins partagées avec London Grammar, vu quelques jours plus tôt à Beauregard, qui (nous) aura laissé un grand froid dans le dos à l’instar du vent glacial s’étant engouffré sur le plateau à ciel ouvert du festival. Le quasi immobilisme du groupe et le détachement relatif de la chanteuse Hannah Reid n’auront pas contribué à faire oublier la fraîcheur envahissante, presque anesthésiante. Peut-être trop satisfaits ou grisés du succès leur musique, London Grammar peine à mettre de l’emphase et de la conviction dans ce qu’il joue et chante, pourtant beau et circonstancié. Une grammaire scénique à revoir donc acclamer et suivre comme il se doit les pourtant beaux instants gravés sur leur microsillon.

Embarquant 3 claviers et un thérémine défiants le front de scène et prêts à affronter le public, Clémence, béret vissé sur la tête et chemise malgache souvenir de l’île de La Réunion, aura eu le mérite avec La Femme de nous rapprocher des sons des années 80-90 avec une énergie et une incongruité hors normes. Un set d’enfer façon Cruella (les cheveux bicolores de Marlon – vestiges d’Austin ? -n’y étant certainement pas étrangers) avec un départ sur les chapeaux de roue et mené à pleine vitesse jusqu’au « Antitaxi » final, aura (dé)résonné en nous et bien au-delà du Pont qui a du pourtant en voir tant d’autres. L’ombre chinoise de la main de La Femme aura chassé celle des quelques nuages tenaces et aura ensoleillé notre soirée du reflet du béret rouge de Clémence, à l’heure où l’on boit un bon verre de rosé. Les claviéristes permutent, se mutent et se mutinent, les déhanchements de Clémence emportent la foule dans une vague que n’aura pourtant pas surfée Marlon cette fois-ci. Tels des Comateens pas comateux, La Femme y va fort, aux frappes de son batteur crêté et stoïque tel un clip de Mondino « La Danse des mots ». Des jeunes improvisent un feu et dansent autour. C’est tout feu tout Femme que le groupe leur aura souhaité un joyeux bordel. Et d’assener en final tout en bastringue et Charleston un ultime titre que n’aurait pas renié un certain Gatsby. Tout comme La Femme, magnifique.

Metronomy, rempilant 2 ans après son premier passage aux piliers du Pont du Gard, a souhaité honorer et marquer les esprits tout d’abord avec un dressing code crème digne des plus beaux moments du Cotton Club, sur un plateau au blanc virginal fileté de leds de couleurs.
Toujours synonyme de joie de vivre et d’exister à l’instar de son titre The Look, hymne de la pub SNCF, le groupe révèle son amour du lieu dans un français circonstancié et du public (re)venu le voir. L’esthétique musicale de Metronomy oscille en jazzy, soul, synthés, pop, expérimental mais sans toutefois réellement laisser une patte, une marque de fabrique, une empreinte. La crinière rousse d’Anna Prior flotte tel un étendard anglais au-dessus de sa batterie qui surplombe fièrement ses boys tandis que la restitution sur scène de l’écriture de Metronomy sonne parfois approximative ou difficilement compréhensible. Les musiciens changent d’instruments, haranguent la foule qui se défoule mais il persiste un sentiment de déconstruction sur la plupart des morceaux qu’ils tentent de mettre en place. Metronomy ose les couleurs sur le final pour nous en faire prendre et même si le dernier titre – sonnant comme un Ghinzu glitterien – emporte l’adhésion de tous, la fête Metronomy démarre un peu trop tard et on ne nous y prendra plus.

Si Phoenix m’était compté. La cour du roi soleil déboule sur scène sur fond de musique classique et de fresque pixelisée de la galerie des glaces du château de Versailles, pour épater une autre galerie toute acquise à sa cause. Pour son dernier concert français avant de rentrer en studio, il ne fallait pas moins que la majesté des lieux et la révérence du public pour accueillir les rares frenchies qui font vraiment tourner de l’œil l’Amérique. Toutes les lumières d’entrée sur scène sont rouges, tous les voyants sont au vert, et rien n’arrêtera Phoenix durant 80 minutes qui, de « Entertainment » à ses plus vieux standards « Too Young » ou « If I Ever Feel Better », s’en donneront à chœurs joie avec le public déchaîné devant le groupe du Chesnay. Enrichi sur scène d’un batteur très déterminé et d’un clavier venu restituer et souligner les sonorités si distinctives des prises studio, on assiste à une battle de monuments Phoenix/Pont du Gard pour un moment qui restera dans le momentum du festival.
La traversée de la foule par Thomas Mars n’aura certes pas été celle d’un désert. Elevé en pleine forme à bouts de bras par des centaines de fans ébahis, les festivaliers portent avec méticulosité celui qui, accompagné de son groupe, aura su les transporter en cette mémorable soirée d’été. Tel un Phoenix des hôtes de cette voix.
La reprise du leitmotiv de « Entertainment » en guise d’au-revoir bouclera la boucle (de chaussure) d’un concert royal et majestueux.

Rendez-vous pris pour la 5e édition de Lives au Pont au Pont du Gard qui quelque part peut revendiquer son statut à l’Unesco grâce à ce festival estival à couper le souffle.


Retrouvez le festival Lives au Pont sur :
Site officielFacebookTwitter

Photo of author

Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans