[EP] Lili Ster – Le temps ne compte pas ses heures

Son retour était annoncé depuis plusieurs mois, comme une injection nouvelle et chargée de plaisirs que l’on laisse pénétrer dans nos veines pour y trouver l’inspiration et l’extase. Pourtant, Lili Ster ne s’est jamais montrée aussi digne et fière, aussi fidèle à elle-même, à ses inspirations et à ses envies musicales. « Le temps ne compte pas ses heures » est un EP d’une complexité dans les arrangements qui subjugue, tandis que le propos mélodique et verbal s’orne d’une poésie citadine où les sentiments sont malmenés, ingérés et médités. Une œuvre précieuse, une photographie que l’on garde contre son cœur pour se sentir mieux, rassuré, aimé.

Lili Ster revendique une carte d’identité aux multiples visages dans sa biographie officielle ; des figures, des portraits artistiques et des instantanés de regards, de visions, de points de vue divergents qu’elle réunit en son sein afin de créer. Elle nous avait cruellement manqués depuis « La Castafiore », et l’on se demandait ce qu’elle pourrait nous donner à entendre, comment son écriture aurait évolué, comment ses ambitions auraient été revues à la hausse, ce qu’elle était largement en droit de revendiquer. Mais « Le temps ne compte pas ses heures », celui de la patience, de la concentration, ces minutes nécessaires au moindre détail, dépasse des promesses d’ores et déjà grandissantes. Des harmonies d’une délicatesse rare, d’un amour charnel malgré la rupture et la renaissance. Un réconfort, sachant que l’on n’est plus seul(e) dans les troubles de la relation.

La solitude est palpable au sein des six chansons qui constituent cet EP à la fois tortueux et direct. Tout d’abord, dans des instants d’une mélancolie profonde et pernicieuse, sans pour autant devenir larmoyante, mais au contraire en levant les mains vers la lumière et le sublime (« Comme va la vie », introduction sous forme de bilan avant la suite de l’histoire, ou encore le troublant « Au bord », instant suspendu entre la terre et le vide, le grand saut et le regard en arrière, les saveurs d’une falaise isolée sous la pluie devenant le signe d’une renaissance). Entre ces deux magnifiques écrins, Lili Ster s’interroge sur les sacrifices de la liaison, les compromis sans fin, l’étouffement qui conduit à la destruction (« Me pardonnerez-vous d’avoir cru, pour de bon, que je jouais pour nous ? »). Les synthés vintage apporte une humanité prégnante aux textes confidents et honnêtes de l’artiste, que ce soit lorsque le songe et la réflexion oppressent puis libèrent, comblent le manque (« Dans ma poche »), ou encore quand les apparats deviennent une revendication presque ironique, comme si l’apparence comptait plus que la séduction de l’être (« Goûts de luxe »). Avant d’enchaîner sur un « Chéri, tu le sais, il n’en restera rien » affirmé et franc ; une ultime levée de bouclier pour mieux se reconnaître et se dévoiler.

Des instantanés collés bout à bout dans un album photo qui rejoindra bientôt les étagères sur lesquelles CDs, livres et films retraçant la personnalité d’une femme enfin maîtresse d’elle-même se suivent et ne se ressemblent pas. Disque de la remise en question mais, surtout, du choix évident et justifié, « Le temps ne compte pas ses heures » nous fait sourire autant que pleurer, tant l’attractivité du lyrisme humain de Lili Ster retranscrit à la perfection nos choix, ceux que l’on se refuse à admettre mais qui sont seuls à même de nous donner une seconde chance. Mordons-nous la lèvre, serrons les poings, et vivons. Pleinement.

« Le temps ne compte pas ses heures » de Lili Ster est disponible depuis le 15 septembre 2017 chez Attrape-Moi Si Tu Peux / Believe.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.