[Interview] Les Hay Babies

Elles sont trois et viennent d’un petit État canadien à forte minorité francophone : le Nouveau-Brunswick. Elles s’appellent Julie, Katrine et Viviane et forment le groupe Les Hay Babies, véritable phénomène du folk francophone au Canada. Leur premier album est tout juste sorti, mais elles ont déjà réalisé plusieurs centaines de concerts en trois ans. Leur passage à Paris aux Trois Baudets, à l’occasion du MaMA en octobre, s’inscrit donc presque dans une routine pour le trio. Très décontractées, une poignée de minutes avant de monter sur scène, elles nous ont parlé de leur album et de leur région, l’Acadie.

crédit : Le Petit Russe
crédit : Le Petit Russe
  • C’est en participant toutes les trois à un concours de chansons que vous vous seriez rencontrées, par hasard…

Julie : Chaque année, on participait à des concours organisés par nos lycées respectifs. En se voyant jouer, on a commencé à s’apprécier, mais on habitait encore loin les unes des autres à ce moment-là. Ce n’est qu’à la fin du lycée qu’on a vraiment commencé à passer du temps ensemble, puisqu’on a fini par déménager dans la même ville et créer ce groupe.

  • Vous venez de sortir votre premier album « Mon Homesick Heart », mais vous étiez déjà connues dans votre pays dès le premier EP, « Folio ». Comment l’expliquez-vous ?

Katrine : Au départ, ce n’était juste qu’un petit objet de promotion, un mini-album constitué de démos. Mais c’est devenu plus que cela ; il a eu du succès, il nous a vraiment bien servi avant même l’arrivée de l’album ! Mais « Mon Homesick Heart » reste quand même notre vrai premier disque à notre avis.

  • Vous êtes toutes les trois originaires du New-Brunswick, une province où l’on trouve beaucoup de francophones. Écrire vos chansons en français a-t-il toujours été une évidence pour vous ?

Katrine : Le français est notre langue maternelle, celles de nos parents également. On a été dans des collèges et lycées français. Finalement, on se sent plus à l’aise avec cette langue qu’avec l’anglais, pour parler ou pour écrire ! Et puis c’est une si belle langue en chanson.

Julie : On s’inspire beaucoup de notre région. Tout le monde parle en chiak (le patois local, NDLR) ici, et donc on a envie de chanter ce que les gens disent, c’est un beau défi. C’est une chance, car ce n’est que chez nous que les gens parlent comme cela.

Katrine : Le français offre aussi beaucoup plus d’opportunités, étant donné qu’il y a déjà énormément de groupes anglophones au Canada. Il y a encore beaucoup de place pour s’établir dans la chanson française, c’est plus facile pour les artistes aujourd’hui d’utiliser cette langue pour se faire connaître ici.

  • C’est une véritable musique folk traditionnelle que vous jouez. Votre trio de base pour l’EP “Folio”, c’était du banjo, du ukulélé autant que de la guitare… Comment avez-vous fait le choix de cette formule ?

Katrine : Ce sont les sonorités avec lesquelles on a grandi, les instruments auxquels nos parents jouaient dans les fêtes de famille. C’est la réalité de notre région, c’est la musique traditionnelle acadienne qui est comme ça, emprunte d’une certaine nostalgie. On mélange ça ensuite avec le traditionnel américain, comme la country.

  • Quelle musique vous inspire toutes les trois ?

Katrine : On écoute chacune des choses très différentes. Quand on se retrouve toutes en voiture et qu’on écoute de la musique ensemble, il y a des choses qu’on aime toutes autant, d’autres non. Certaines nous inspirent parfois plus qu’une autre, donc c’est difficile de généraliser pour tout le groupe.

Julie : On aime beaucoup découvrir la musique de notre région ou des provinces maritimes du Canada. On a beaucoup d’amis musiciens qui nous font écouter leurs albums, et ça nous inspire aussi. On aime savoir que nos amis font aussi de la musique et le font bien ! Comme Julie Doiron par exemple ; maintenant c’est une immense star canadienne qui fait du folk-rock aussi, et on aime beaucoup l’écouter dans la voiture toutes les trois.

  • Comment écrit-on et compose-t-on des chansons dans un trio comme le vôtre ?

Julie : Ce n’est jamais pareil. Parfois, si une d’entre nous a déjà une idée bien claire, elle fait la majorité du boulot. Mais cela peut aussi être un travail à trois, un partage, où chacun doit avoir son mot à dire. Mais il n’y a pas de formule magique !

  • Votre album a été produit avec d’autres éléments : claviers, basses,… C’est une évolution, une transformation de votre musique par rapport à l’EP ?

Katrine : Oui, on entend vraiment la touche de notre producteur François Lafontaine. Ce n’est pas pareil que sur « Folio », que l’on a fait que toutes les trois. Sur l’album, on a d’autres instruments et musiciens, parce qu’après l’EP, on a commencé à écrire des chansons sur lesquelles on imaginait plus d’arrangements que les simples guitares, banjos et ukulélés.

Julie : D’ailleurs maintenant, au Canada, on tourne avec trois autres musiciens pour reproduire ce nouveau son de l’album. Mais ce n’est pas encore le cas en Europe, où l’on garde la même formule qu’avec « Folio ». Cela ne nous dérange pas forcément, mais c’est vrai que ce n’est plus très représentatif de notre album ; on aimerait présenter nos chansons comme elles le sont désormais, et donc emmener tous nos musiciens avec nous jusqu’en Europe !

Les Hay Babies par Fred Lombard

  • La scène c’est votre élément de base. Le nombre de 250 concerts depuis 2011 est-il vrai ?

Vivianne (qui vient de rejoindre ses deux partenaires) : En juillet 2014, on a fêté notre 300e concert. On a travaillé avec une super équipe qui a été capable de booker beaucoup de shows.

Katrine : On en vient même à se dire qu’on a un peu exagéré, haha ! On est un peu fatiguées.

Viviane : Oui, l’année prochaine, on fait un break !

  • Ce n’est pas votre première date en France ce soir ? Et à Paris ?

V : C’est la onzième fois que nous venons en Europe. La huitième ou neuvième en France. Une fois ici déjà, et à Rouen, dans des festivals, à Albi, à la Rochelle…

K : On s’est senties un peu privilégiées au départ d’avoir droit à tout ces concerts européens. Mais quand on arrive ici, à chaque fois on croise d’autres Canadiens, des Acadiens même. On est loin d’être les seules à venir par ici !

  • Un jeune groupe canadien naissant à conseiller, en français ou en anglais ?

V : Il y a en a beaucoup ! Thomé Young par exemple, connu aussi sous le nom de Pascal Lejeune. Il y a aussi les Hôtesses d’Hilaire, une sorte de rock progressif ; c’est super bon ! Ou Jimmy Hunt, qui sort bientôt un album.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens