[Live] Un samedi aux 3 Éléphants

Trois jours durant, la 17e édition du festival Les 3 Éléphants, installé en plein centre-ville de Laval, a vu défiler un public plus que jamais conséquent et les groupes de demain. Alors que la météo s’annonçait capricieuse durant le week-end, les éclaircies ont pris leurs quartiers en début de soirée, pour le grand bonheur des festivaliers.

Article écrit à quatre mains par Yann Puron et Fred Lombard.

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice

The Animen

Tout droit débarqué de Carouge, The Animen lance les festivités de la soirée sous le grand chapiteau avec des faux airs de Franz Ferdinand.
Avec son allure très sixties, en costard, parfois cravate, c’est à coup de compositions mélodieuses et accrocheuses (le hit « My Pretty Ballerina », le bagarreur « Down In Oslo » et la ballade rockabilly « Another Grey Crime » pour ne citer qu’eux) et une sacrée élégance et présence scénique que le quatuor helvète se défend. À l’aise !

The Animen par Gaelle Evellin

Pas de doute, les Suisses respirent l’énergie, la bonne et l’envie de swinguer, de remuer bras et mollets sur les titres tirés de leur premier album « Hi! » ne tardera pas à se produire. Tout est juste, sincère, bien en place, et ce petit vent de folie sur scène n’était pas là pour déplaire.
Une bonne mise en jambe et un projet à surveiller de très près.


Fauve

C’est par Les 3 Éléphants que le collectif désormais incontournable débute sa tournée d’été des festivals. Entré dans l’Arène, la salle retient particulièrement notre attention, à travers ce goût prononcé pour les nouvelles technologies (on pense à l’expo Laval Virtual) : les décors lumineux dans la salle évoquent les pixels, l’informatique et les jeux vidéo (on reconnaîtra notamment les personnages de Street Fighter). La cadre s’avère singulier et dédié à la créativité.
La scène, de taille restreinte par rapport à la superficie du complexe, rendra pourtant la prestation de Fauve moins intéressante, moins immersive visuellement que lorsque nous l’avions vu au Chabada. La distinction des vidéos projetées sur scène sur les kakémonos géants est moins évidente et apporte peu de valeur ajoutée face à la musique.

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice

En revanche, les cinq musiciens dès l’ouverture sur l’hymne collectif « De ceux » rendent l’atmosphère toujours aussi intense, quand le chanteur développe une rage et une énergie plus forte que d’ordinaire, comme un gorille échappé dans sa cage, prêt à tout casser. La ferveur du public, bien réelle, ou la formule « festival » (une heure de set, sans rappel) pousse à coup sûr à tout donner, très vite. Ainsi, le jeu du quintet parisien est souvent survolté, les musiciens s’abandonnent à des danses endiablées de part et d’autre de la scène, et cherchent une certaine communion avec le public (sinon une approbation) quand vient l’heure des refrains et des singles (Kané, Voyous…).
Un engouement constaté sur le titre « Infirmière ». Moins agressif et plus fédérateur, « Infirmière  » est accueilli avec plus de ferveur que l’emblématique « Blizzard ».


Vundabar

« Ils sont complètement barjots ces mecs », déclare une jeune fille dans le public. En effet, le trio ricain Vundabar, « from Boston, Massachussets », 19 ans de moyenne d’âge, dégage une véritable insouciance et un air de « sans y toucher » qui lui permet de se faire facilement remarquer.
Brandon Hagen, en délire total sur la pointe des pieds, développe à la guitare une gestuelle très ample, complètement aléatoire, et des mimiques amusées, souvent hébétées.
Pas mieux du côté du bassiste, Zack Abramo, tout aussi décontracté, mais moins démonstratif, ou du batteur Drew McDonald complètement relâché. Les trois potes ne se posent absolument aucune question, à se demander s’ils ont pris des substances avant d’entrer sur scène ou si c’est juste les quelques bières consommées sur scène qui les ont mis dans un tel état second. On ne s’en plaindra pas !

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice

Ainsi, leur fantaisie les amènera au bout milieu d’un titre à ramener fièrement deux plantes d’intérieur sur scène sous les ovations du public en les introduisant comme des membres du projet « Please introduce mister Bush ! ». Une mise en scène fleurie pour accompagner de titres oscillant entre punk, garage, grunge et rock. On notera surtout l’effet du fédérateur et je-m’en-foutiste « Holy Toledo » sur le public, déclenchant une orgie adolescente dans les premiers rangs, emportés par la douce folie des trois gamins sur scène.
Et comme il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le batteur et le guitariste-chanteur échangeront même leur rôle sur un titre, et en profiteront pour se claquer la bise devant le public.
Un vrai bol de fraîcheur et d’innocence adolescente.


Girls in Hawaii

Les Belges de Girls in Hawaii ont signé visuellement le concert le plus beau de la soirée. Des escalades spectaculaires du chanteur Antoine Wielemans sur les échafaudages (à la manière de Thomas Mars de Phoenix) au paysage montagneux illuminé différemment selon les chansons (ciel étoilé, brume et aurores boréales), nos yeux ont été émerveillés. Une mise en scène géniale et bien exploitée.
Girls in Hawaii a surtout prouvé qu’il est un groupe de scène, en surchauffant le public pendant une heure, heureux de réaliser des salles de concerts aux festivals d’été : « C’est cool quand ça se passe comme ce soir, quand c’est chaud ! ».

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice

Morceau après morceau, le sextet rock construit son œuvre collective avec le public, avec cette volonté de donner le meilleur de lui-même. Il est souvent question d’hymnes forts et fraternels de Misses à Rorschach en passant par le légendaire « Found in the Ground », de la juste association des voix d’Antoine Wielemans et de Lionel Vancauwenberghe, et d’envolées harmoniques et aériennes fulgurantes.
Entre pulsions, rage et engouement, le déluge des guitares, basse et batterie, Girls In Hawaii a emporté Laval jusqu’au mémorable et bouillonnant « Time To Forget The Winter ». L’excitation collective à son comble !


Jungle

En sortant de l’Arène où jouaient les Girls pour rejoindre le Patio extérieur, c’est la cohue. Le gros du public est arrivé et il devient de plus en plus difficile d’aller d’une scène à l’autre en quelques enjambées. Le beau temps aidant, les queues s’organisent devant les stands de restauration et surtout de buvette avec les premières chaleurs de Jungle pour ambiancer le tout.
Après une intro instrumentale, c’est l’imparable « The Heat » qui emporte le public. Sur son groove irrésistible et délicieux, on se met à danser, à libérer tous nos membres. Il n’y a pas à dire, ce croisement de funk et de soul est savoureux.

Jungle par Gaelle Evellin

Avec l’enchaînement (très) convaincant des titres déjà sortis « Lucky I Got What I Want », « Platoon », « Busy Earnin », on réalise très vite que le phénomène britannique montant ne démérite pas son jeune succès. Ils sont sept sur scène, habités par leur projet, très en place derrière leurs micros et leurs instruments : deux choristes, deux percussionnistes, un bassiste et deux guitaristes-claviéristes-chanteurs. Un big band pour un moment plein de générosité et de bonne humeur, qui défile à une vitesse folle. On a très hâte de les revoir au plus vite !


Rodrigo y Gabriela

Duo renommé mondialement pour ses performances hors du commun à la guitare sèche, les deux Mexicains donnaient pour la seconde fois un concert au festival lavallois. Après un démarrage en fanfare, festif et rentrant immédiatement dans le vif du sujet avec deux tubes, le duo joue sur scène quelques titres de son dernier album « 9 Dead Alive ». Des titres à l’image de ce dernier disque : décevants, peu habités et en manque d’innovation qui vont mettre en péril le rythme du concert face aux morceaux des précédents albums. La recette de Rodrigo y Gabriela est tout de même bien présente : un mariage explosif entre flamenco et métal (on aura d’ailleurs le droit à un hommage à « Orion » de Metallica).

Rodrigo y Gabriela par Gaelle Evellin

Les initiés restent bouche bée face à la technicité surhumaine, le rythme parfois intense et l’exploitation quasi totale du corps des guitares (les percussions sont des tapes données sur les guitares). Le tout accentué par les captations projetées en direct au fond de la scène depuis des caméras installées sur les manches. Ceux qui connaissent bien Rodrigo y Gabriela se lassent en revanche assez vite, aucune surprise n’étant constaté jusqu’au moment où Rodrigo chante une reprise de « Creep » de Radiohead dont les paroles sont reprises en chœur par la foule. Une nouveauté pour les Mexicains qui réservaient jusque-là des prestations exclusivement instrumentales à leur public. « Tamacun », « Diablo Rojo », « Santo Domingo », « Savitri » ou encore « Juan Loco » : les titres les plus connus du répertoire de Rodrigo y Gabriela sont tous joués. Mais les airs de guitare sont répétitifs et deviennent vers la fin interminables (Pourquoi ce rappel de 15 minutes ?). Une prestation qui n’en fut pas moins remarquable et prodigieuse, mais beaucoup moins rythmée et vivante que la dernière tournée du duo avec l’orchestre traditionnel C.U.B.A.


Festival très convivial, à l’ambiance familiale et à taille humaine, Les 3 Eléphants n’a pas failli à sa réputation.
Affichant archi complet du vendredi au dimanche, le festival lavallois a offert une très belle expérience aux 35 000 spectateurs (10 000 entrées payantes et 25 000 spectateurs sur la partie gratuite) à travers une alternance de têtes d’affiches jamais trop mainstream, et de sacrées belles découvertes musicales. Qu’on ne s’y trompe pas, on a passé un très bon moment en Mayenne !


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts