[Live] L’Ère de Rien 2017, jour 2

Seconde journée de L’Ère de Rien – édition 2017 – et arrivée sous le chapiteau de Rezé pour quatre concerts aux ambiances diverses et en apparence opposées, mais partageant le point commun immuable d’une passion pour les genres choisis par les têtes d’affiche de la soirée, entre soul tamisée et pop-rock luminescent et ravageur. Sans oublier un final émotionnellement puissant et terrassant grâce au sauvetage in extremis de Lesneu.

Lesneu – crédit : Fred Lombard

Formule quatuor pour Nilüfer Yanya qui commence sa prestation avec un délicieux mélange de blues et de pop totalement inédit. Et ce qui impressionne le plus au premier abord, c’est bien la voix de la chanteuse, entre la plainte et l’affirmation. En effet, ce petit bout de femme occupe l’espace sans aucune difficulté, mélangeant des sons proches du folk et des moments plus nerveux et personnels. Conteuse d’histoires hors normes, comme sur le superbe « Small Crimes » ou l’inédit « Sliding Doors » entre slow et ambiance intime et feutrée, la compositrice dialogue continuellement avec sa section rythmique, échange et convole en justes noces en compagnie de ses musiciens, cédant la parole à un saxophone aux mélodies simples mais envoûtantes.

Devenant rapidement soul, les titres se dévoilent entre légèreté et chaleur humaine, nous offrant le formidable honneur de passer ces minutes exceptionnelles et chargées de confidence avec la charmante songwriter anglaise, notamment à travers la reprise tout en sagesse et douceur du fameux « Hey » des Pixies. Un choix audacieux de la part des programmateurs du festival, mais dont l’attraction qu’elle exerce fascine du début à la fin du set.

Phénomène étrange que Trudy and the Romance ; car, sous une fausse apparence de blues rock inoffensif, une menace gronde, latente, omniprésente. Que ce soit dans les confins d’un chant habité, vibrant et obsessionnel, ou sur le fil aiguisé de guitares ciselées et taillant dans le vif, le projet anglais déroule sans coup férir ses extases tortueuses et possessives avec une totale dévotion et une implication infaillible. Plus proches d’une vision de l’americana entre nonchalance et sorcellerie, les artistes jettent des sorts que personne ne voit venir mais qui agissent immédiatement, viscéralement.

Seule ombre au programme, un problème de jack qui permettra cependant de mobiliser le public, d’une part, et de faire sonner de manière encore plus hypnotique les créations du trio, d’autre part. Étonnant et rapidement sensuel et fédérateur, entre la possession démoniaque et la transe chamanique purificatrice, notamment lors d’un trio vocal très 50’s et légèrement alcoolisé (on oubliera, pour l’occasion, une revendication politique dommageable et qui n’avait pas vraiment sa place ici). À savourer lentement, un whisky hors d’âge à la main !

Déversant leur pop-rock sophistiqué mâtiné de sonorités et boucles synthétiques, les cinq musiciens de Childhood investissent la scène avec une aisance et un naturel qui laissent admiratif. Entre mélodies parfaitement rodées et maîtrisées, refrains aguicheurs et langoureux sans jamais oublier de faire bouger le public irrémédiablement attiré par cette machine parfaitement huilée, le set déroule les moments d’allégresse et les minutes de tendresse, entre euphorie et générosité.

Une liqueur sonore sirupeuse et sucrée, délicieuse et parfois épicée, mais qui demeure un régal musical mettant immédiatement le sourire aux lèvres. Il y a, chez ces natifs de Nottingham, un besoin apparemment vital de donner tant et plus, de libérer une présence quasi hormonale et palpable d’une chanson à l’autre. Un baume à l’âme extatique et précieux, qui nous enlace tendrement et amoureusement.

Remplaçant Robbing Millions au pied levé, Lesneu prend place sur scène pour sa seconde prestation en 24 heures dans le cadre du festival. Premières notes de synthé, entrée rapide du chant et la magie opère immédiatement. La poésie instrumentale et verbale du duo n’a, c’est un fait, aucun égal dans sa capacité à fédérer, et ce, dès l’introduction d’un set sublime, où les éclairs électro pop se parent de guitares lumineuses et magiques, sans cesser à aucun moment d’unir le désir à la mélancolie.

Comme si nos deux camarades d’un soir avaient mis, dans leur prestation, des poussières en contre-jour, négatifs d’hymnes 80’s et de slows à la limite de l’évanouissement. Aussi transcendant qu’une synth pop sous éther et marquant qu’un nectar aux effets secondaires hallucinogènes et merveilleux, l’art de Lesneu est un cas rare ; un tableau mouvant et liquide, fascinant et ésotérique.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.