[LP] Léonard – Asynchrones

En sept pépites pop fouillant beaucoup plus loin que la simplicité de leur style de prédilection, trop réducteur pour eux, imposerait au plus grand nombre, Lydie Baron et Jean-Baptiste Prioul, alias Léonard, signent un disque sobre et immédiat, dissimulant de jolis trésors musicaux et mélodiques qu’il serait dommage de ne pas savourer.

La pop française, ce mystère impénétrable… Deux écoles : soit celle du mainstream, avec tout ce que cela sous-entend de titres insipides et calibrés ; soit celle, plus enfouie et dissimulée – comme si les décideurs des majors savaient que tout ce petit monde indépendant pouvait finir par leur faire de l’ombre -, portée par des musiciens prêts à tout risquer pour donner vie à leurs créations, suant sang et eau dans le seul et unique but – parfaitement louable – parvenir à leurs fins. Beaucoup d’implication personnelle et de dévotion, afin de pouvoir revendiquer une place dans le cœur de ceux qui les découvrent et, finalement, s’y attachent ; ce même phénomène qui se produit à l’écoute du nouvel opus du duo Léonard, « Asynchrones ». Composant leurs chansons comme on cisèle le bois le plus tendre pour en faire d’inoubliables sculptures, les deux artistes dessinent au fusain les contours d’harmonies à la fois célestes et organiques, car toujours à fleur de peau. Hors du temps, hors de l’espace.

Mettant l’accent sur la richesse de ses arrangements dès « Ce charme fou », ode désabusée à la perte de l’être qui nous attire et nous rejette, notamment en invitant des guitares porteuses d’une incroyable densité, Léonard convie ces instruments souvent antinomiques dans ce type de production pour donner à ses créations un aspect humain, âpre et tactile. « Pardonne-moi » rampe et s’insinue autour de l’amoureux perdu et bientôt sous le charme irrésistible d’une Salomé captant le regard, alors que le titre éponyme, relation charnelle où l’acte d’amour se vit à deux, mais pas forcément en même temps, révèle des vérités que beaucoup n’oseraient pas prononcer ; une manière de faire durer le plaisir, notamment dans les enchaînements délicats puis plus rock d’une instrumentation au service de paroles qui sont autant de constats et de plaisirs dans le décalage. « Brumaire » aurait une place de choix dans un film d’auteur, au milieu d’un night-club où le temps n’a plus d’emprise et où les lumières se font douces et chaudes, quand « A l’aube » virevolte pour mieux céder à la mélancolie sur « Au revoir », fin de nuit d’errance où tous les événements touchent à leur fin puis, irrémédiablement, appellent à une suite encore inconnue, mais qui sera certainement aussi intense, voire plus encore, que celle qui vient de se dérouler sous nos yeux.

Porté par la voix habitée et hantée de Lydie, « Asynchrones » impose un regard tantôt mélancolique, tantôt désabusé sur une succession d’événements en apparence antinomiques, mais très vite complémentaires dans l’histoire qui nous est ici contée. Entre attirance, sensualité et cruauté, le disque sent bon le parfum de luxe et les effluves d’alcools forts qui montent à la tête et libèrent la libido et les frustrations du quotidien. On se sent vivre, avec ce disque ; exister pour mieux résister à la nonchalance et à la passivité. En un peu moins de trente minutes, Léonard signe une œuvre de caractère, aimante et tendre pour mieux nous griffer et planter ses ongles délicats dans nos chairs fragiles. Une véritable réussite, dont on attend la suite avec fébrilité.

crédit : Lydie Baron

« Asynchrones » de Léonard est disponible depuis le 10 février 2017.


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Raphaël Duprez

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