L’heure du bilan est arrivée

Au crépuscule de décembre et d’une année où le monde ne semble désormais tourner qu’autour d’usines à fric et de codes de bonne conduite, il existe toujours d’irréductibles artistes prêts à nous émoustiller les sens, de la vue à l’ouïe. Que ferait-on sans ces personnes prêtes à partager des mélodies, à nous parler à travers des écouteurs ou des enceintes pérraves? Continuerait-on de poursuivre ces journées à travailler dans le froid des entreprises soumises au consumérisme? Serions-nous toujours à la quête d’un bonheur de plus en plus flou? Perdu entre la sécurité, l’aisance de vie et la réelle vocation?

Jordan Geiger

Je n’ai pas la réponse à tout ça. Je n’ai que l’intime conviction que ces artistes nous facilitent la vie, ils arrondissent nos angles. En cette fin d’année, il est essentiel de rendre hommage à ceux qui nous ont donné du plaisir durant ces douze mois moroses.

Je fais mes armes depuis peu chez indiemusic, à mon goût un véritable webzine de passionnés et de personnes sincères et sans critères. J’ai pu depuis juin dernier me prendre quelques claques, et ce grâce quasi uniquement à des jeunes ou moins jeunes groupes de mon entourage, tel le Arnaud Montebourg fier de son « Made in France ».

Les premières rougeurs sur ma joue furent appliquées par l’Angevin Wilfried Thierry et son alter-ego Amnésie, qui par son morceau « J’ai tué le chat » (morceau présent sur son dernier album « Le Trou Noir » paru chez Ego Twister), a su véhiculer sa propre tradition musicale, celle du post-rock qui prenait des risques et celle d’une certaine idée de la techno.
« J’ai tué le chat » est un morceau d’une richesse qui peut sembler cachée pour les plus frileux, cependant je pense réellement que le passé, le présent et le futur de la musique électronique se retrouvent au sein de ce titre.

Pour mieux me brûler la peau, Yan-Hart Lemonnier, figure de proue de l’écurie Ego Twister, m’a vendu son premier album répondant au doux nom de « La Fin De L’Electricité », disque rempli de tubes d’un autre monde situé entre insouciance adolescente et rire communicatif. Ce disque m’a fait chanter un nombre improbable de fois sous la douche, dans la rue ou en cuisinant. Pour ceux qui ne connaissent pas encore l’un des labels les plus intéressants et les moins pédants de France, qu’attendez-vous? Ils vendent des vinyles et quelques cds sur www.egotwister.com/ pour vraiment rien. Que demande le peuple?

Fin du quart d’heure angevin. Il faut désormais regarder un peu autour désormais. J’aperçois au loin une contrée verdoyante et qui sent le cochon : Le Mans.

C’est en effet au Mans que se situent deux des groupes selon les plus prometteurs de cette année 2012.

Le premier n’est plus tout jeune et a déjà écumé moult cafés-concerts et MJC de France et même d’un peu partout aux Etats-Unis, ce groupe c’est Novels. Il dispose d’un des plus gros capital sympathie possible à ma connaissance. Ces 3 potes à la prétention proche du goût du calamar sous vide se prépare à nous sortir courant 2013 l’album qu’ils ont toujours voulu faire. Un disque qui synthétise la jeunesse 90’s et l’énergie pubère. Et ici on peut dire qu’on ne manque absolument pas d’énergie.

Novels assène riffs et ritournelles à faire repousser des cheveux à Billy Corgan et rendre sa virginité à Courtney Love. Le 15 octobre dernier, le groupe nous dévoilait « Left For Dead », premier morceau issu de leur prochain album « Mirror Dog » avec un clip fidèle à eux-mêmes, vif et sincère.

On change de rue pour découvrir The Dead Mantra, tout jeune groupe déjà adulé par la scène rock psychédélique francophone.
Après un premier EP « Paths Of Confusion » pas assez remarqué à mon goût, les bâtards BGs mécheux/gargouilles sont revenus cette année avec deux morceaux moins rêveurs et plus couillus; « They Call It Pain/Empty Ballrooms, pas nécessairement là où on les attendait et ça fait du bien.
Ces deux morceaux sont disponibles sur un vinyle Split avec le groupe Dead Horse One paru chez le minot label Cranes Records qui est un joli pari sur l’avenir.

Nous venons de traverser uniquement deux villes séparées d’à peine 90 kms et nous faisons déjà face à quatre excellents groupes qui ne jurent pas que par la synthpop neurasthénique ou la house cheap (grandes modes de 2012).

Sinon cette année fût également le retour de l’excellent groupe texan Hospital Ships, probablement un de mes groupes favoris, avec le morceau « Come Back To Life » et à sa mélodie touchante. Le chanteur Jordan Gieger, sachant véhiculer toutes les émotions possibles, joue avec ses musiciens ici à un jeu d’équilibriste sur la corde sensible. « Come Back To Life » est probablement à ce jour le morceau le plus réussi que le groupe ait pondu, cela laisse le champ libre à un futur album que j’imagine majestueux.

Hospital Ships est un des groupes qui n’a pas quitté cette année le navire clermontois Kutu Folk Records qui a vu une bonne partie de ses matelots voguer vers d’autres flots plus libres cette année (en effet c’est avec malheur que le label artisanal s’est séparé de trois artistes présents dès le début de l’aventure, Leopold Skin, Pastry Case et St Augustine, le prodige Zak Laughed a également suivi le mouvement).

On espère que le label saura retrouver de nouveaux artistes aussi grands que ceux-ci.
En tout cas, fin janvier le groupe fondateur, The Delano Orchestra, sortira deux disques, un album instrumental reprenant d’anciennes pièces du groupe et de nouvelles, et un album plus traditionnel avec une formation rock.

En clair, cette année 2012 nous a servi un grand cru, je ne sais pas s’il est meilleur que les années précédentes, par contre il se défend.

Il y a eu certes de mauvaises nouvelles musicales comme la sortie d’un album Live de Coldplay, un nouvel album de The XX ou pire, les zombies de The Doors en featuring avec le producteur bouseux Skrillex. On ne va pas s’attarder sur ceux-là.

On peut cependant prendre son temps sur un nouveau regain de la scène underground qui a gagné en exposition cette année grâce aux efforts par exemple de labels comme Africantape qui a servi 3 énormes réussites cette année (Electric Eletric, Three Seconds Kiss et Extra Life). De plus, nombre de ces artistes impertinemment rattachés au mouvement math rock se sont mis à tourner absolument partout (même à Laval, c’est dire…). Bon, ce phénomène n’est pas très nouveau, seulement cette année ces groupes ont réussi à faire tourner leur nom dans de plus hautes sphères, et ce n’est pas pour nous déplaire.

Pour finir, on verra en décembre prochain ce que 2013 nous aura offert, mais je pense que d’ici là nous pouvons dormir paisiblement !

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Maxime Dobosz

chroniqueur attaché aux expériences sensorielles inédites procurées par la musique