[LP] Langston – Langston

Il fut un temps où il se faisait appeler The Twins ; ce quatuor rock franco-anglo-américain formé en 2007 autour des jumeaux David et Douglas Hoare (guitare et basse), de Pascal Mercat (chant et guitare) et de Joseph Neuenkirchen (batterie). Après deux excellents EPs (un éponyme en 2010 suivi par « Able and Old » en 2012), le groupe décidera de changer radicalement de parti pris musical et de nom en 2014, pour se consacrer à un répertoire plus traditionnel, nourri par l’esprit contestataire de la chanson populaire américaine du siècle dernier. Il nous tardait, depuis nos premiers échanges avec les frères Hoare, d’entendre les nouvelles productions de cette indépendance marquée au fer rouge. L’aventure Langston ne fait que commencer avec ce premier album distillant avec pertinence et authenticité quarante minutes foudroyantes et incontournables d’un retour aux racines du blues, de la country et du folk.

Trop souvent apparentée à une époque révolue et éteinte, la musique « roots » traduit pourtant, dans ses grandes tendances, les intentions très actuelles de Langston, signant par la même occasion le « retour » inespéré d’une des figures les plus indépendantes du rock français de ces dix dernières années. Avec ce premier long format, lourd d’implication et de rigueur historique, la formation parisienne a de fameuses histoires à raconter, c’est un fait, sans jamais pourtant se faire donneuse de leçon. Là où nos quatre musiciens se démarquent tient alors de cette approche résolument assurée, impeccablement réfléchie et maîtrisée d’un répertoire suffisamment vaste pour embrasser différents courants du blues et de la musique folk et country, appuyé ça et là par une solide connaissance historique et littéraire de la culture anglo-saxonne, notamment des trente glorieuses.

Il n’en fallait pas moins pour motiver chez nos Parisiens ce changement de trajectoire (et d’Histoire), là où pourtant les efforts passés n’étaient pas déméritant, bien au contraire. Changement notable dans cette nouvelle aventure, la présence d’instruments traditionnels américains rattachés à cette authenticité tant recherchée : banjo et guitare folk associés à l’usage formel du bottleneck, souvent associé à la pratique du lap-steel, s’inscrivant de pair avec l’intention première de ces artisans passionnés d’enregistrer sur bandes magnétiques, loin des productions numériques actuelles.

Au-delà de cette ambition de revenir aux racines de la production musicale, Langston établit un parallèle, historique, entre deux époques, les années 30 aux États-Unis et la situation actuelle, qui traduisent pour lui une certaine atmosphère de fin du monde, et les luttes sociales qui s’en sont suivies. Pour ces raisons, la musique de Langston puise inévitablement dans ces passés des travailleurs et de bâtisseurs, non sans évoquer au cours de nos multiples écoutes cet esprit de lutte des classes populaires aspirant à de meilleures conditions d’existences (« From Where I Stand »). Avec une remarquable modestie, Langston tend ainsi vers un blues qui revendique autant qu’il passionne (le puissant « Black Hole » et l’inébranlable « Dark Times ») et un folk qui appelle au recueillement autant qu’à l’amitié passés les grands chavirements de la vie (l’aventureux « Long Gone Friend », le bienveillant « The Coming of the Morn » ou « Rising Waters » à fendre l’âme). Seul clin d’œil au passé rock des ex-Twins, la reprise totalement (ré)appropriée de « Bellamy’s Men » dans un registre bluegrass de la plus belle tenue.

Il s’agira alors de reconnaître à sa juste valeur la singularité d’un projet à la fois ambitieux et inébranlable, s’attachant à illustrer avec rigueur, pertinence et passion, à la manière d’un documentaliste, une histoire en héritage. « From Where I Stand… To Death », long live Langston.

« Langston » de Langston, sortie le 20 novembre 2017.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques