[Interview] Ladybug and the Wolf

Avant la sortie de son premier album, « Mammatus », en octobre, le duo folk alternatif stéphanois Ladybug and the Wolf revient sur l’histoire d’amour qui nourrit ses textes et ses compositions. Du grand amour à la rupture, Paloma et Kévin nous racontent leur collaboration musicale et sentimentale, et reviennent pour nous sur les enjeux poétiques de leur projet.

crédit : La Paire de Cerises
crédit : La Paire de Cerises
  • Ladybug and the Wolf est né d’une histoire d’amour, la vôtre. Universaliser votre intimité, vaste programme ! Comment travaillez-vous cette transformation de vos relations personnelles en quelque chose auquel chacun peut se raccrocher ?

Kévin : Écrire sur notre relation n’était pas un choix, mais une évidence. Elle nous inspirait tous les deux. L’idée était de la transformer en image, de la rendre aussi forte qu’elle avait pu l’être à travers des éléments de la nature, des animaux ou des objets. C’était le plus important. Si les gens s’y reconnaissent, alors c’est encore mieux.

  • Vous êtes particulièrement mystérieux sur votre rencontre : par quel heureux hasard vous êtes-vous croisés et avez-vous décidé de monter un duo ensemble ?

Kévin : Nous nous sommes rencontrés sur un site professionnel musical. Nous souhaitions tous les deux monter un groupe folk et Paloma m’a envoyé une vidéo d’elle chantant « The Valley » (présente sur l’EP « To Raise A Miniature Garden »). À l’écoute j’ai eu ce sentiment de bien-être qui m’a donné envie de créer avec elle.

Paloma : Au tout départ, nous étions avec un autre guitariste, mais l’attraction et la complicité étant si forte entre nous deux, nous nous sommes séparés de lui pour continuer la route à deux. Nous n’avions jamais réussi à travailler avec d’autres membres à cause de ce lien fusionnel que nous avions. Jusqu’à aujourd’hui.

  • Votre histoire à deux a connu ses hauts et ses bas : ses moments heureux dans un premier EP « To Raise A Miniature Garden » (2013), puis ses doutes dans le second « Familiar Games » (2015), avant la rupture « douloureuse mais vitale » que vous abordez dans votre premier album « Mammatus » à paraître en octobre. Ce long format, c’est un nouveau départ ou un bilan ?

Paloma : À mon sens, ce nouveau format est un nouveau départ, en tout point. Notre relation a beaucoup évolué, nous gardons une grande complicité et on rigole énormément. Notre lien est toujours fort, parfois conflictuel, mais cette histoire a laissé place à un nouveau terrain de création. Elle nous a forcé à grandir en tant qu’êtres humains mais aussi en tant qu’artistes, elle nous a permis de nous ouvrir à d’autres horizons musicaux pour calmer notre douleur.

Kévin : Ce long format n’est pas innocent. Lorsque tout va bien, on a plutôt tendance à exprimer le bonheur oralement et à le partager avec la personne. Lorsque tout va mal et qu’on tient à l’autre, on passe moins par la discussion et on reste plus souvent dans son coin à écrire. C’est une sorte de thérapie quotidienne. Alors, forcément, on se retrouve avec plus de textes.

crédit : La Paire de Cerises
crédit : La Paire de Cerises
  • Depuis vos débuts, votre musique a grandement évolué passant d’un folk intimiste à des compositions plus travaillées, entre pop alternative et électronique. Comment avez-vous travaillé l’éclectisme de vos créations musicales ?

Kévin : Cette évolution s’est faite tout au long de l’enregistrement de l’album grâce à Xavier Desprat. Nos compositions étaient déjà prêtes depuis quelques mois mais les arrangements se faisaient en studio. Il nous a donné de très bons conseils, comprenait le fond de chaque chanson et trouvait la meilleure façon de la mettre en valeur.

Paloma : Nous avons aussi été influencés par d’autres courants artistiques en phase avec notre état créatif. Pour ma part, j’ai puisé une partie de mon inspiration chez Dali ou encore Frida Kahlo, icône féministe et artistique surréaliste dans mon pays d’origine. Le sentiment de dévastation qui a suivi notre rupture a trouvé un écho dans le surréalisme. Et il y a bien sûr les rencontres affectives qui façonnent notre vision de la musique.

  • Parlons des textes. Y’a-t-il des sentiments qui sont plus difficiles à traduire que d’autres à l’écrit ?

Paloma : Je trouve qu’il est difficile d’aborder les thèmes qui entourent notre vie quotidienne comme les faits divers, l’insécurité, le féminisme, etc. Beaucoup d’artistes écrivent actuellement sur le harcèlement de rue par exemple, ou bien la religion. Ce sont des thèmes difficiles à aborder pour moi.

Kévin : Pour moi, tous les sentiments sont difficiles à transposer à l’écrit quand ils sont vrais. Car on cherche à être le plus juste possible. On ne veut pas être vague, ni en faire trop ou se risquer à être trop réducteur.

crédit : La Paire de Cerises
crédit : La Paire de Cerises
  • Il y a beaucoup de poésie dans vos morceaux, presque quelque chose qui touche au fantastique n’en déplaise à votre nom de groupe : Ladybug and the Wolf. La poésie vous permet-elle d’offrir plusieurs niveaux de lecture à vos chansons ? Et un certain détachement aussi, non ?

Kévin : Notre relation a quelque chose de fantastique et de poétique. Les chansons ne sont que la continuité et le reflet de ce que nous sommes l’un pour l’autre. Il y a aussi une forme de pudeur car en utilisant des images surréalistes, on détourne le lecteur du sujet principal et on le fait se concentrer sur d’autres choses.

Paloma : Oui, et elle permet à l’auditeur ou au lecteur de se sentir concerné car une métaphore est subjective, elle laisse donc à celui qui écoute la possibilité de s’identifier, de trouver sa vérité dans ce qu’il lit ou écoute, sans devoir comprendre un sens imposé.

  • L’une des singularités de votre duo, c’est que vous chantez tous les deux, jusqu’à ce que parfois vos deux voix se mêlent à l’unisson. Chanter ensemble la rupture, c’est pour mieux la partager ?

Kévin : Le fait de chanter à deux en harmonie ou à l’unisson c’est une forme de partage. Si Paloma écrit telle phrase, même si je ne ressens pas la même chose, je vais la chanter avec elle. C’est aussi une façon de la soutenir dans ses propos.

Paloma : Tout à fait. D’ailleurs, on ne partage pas forcément les mêmes sentiments au même moment, c’est donc parfois émotionnellement éprouvant.

  • Vous êtes trois sur scène. Dans cette formule, la complicité d’un duo est-elle sauve ?

Kévin : En tout cas, elle est renforcée. Cela apporte plus d’équilibre entre nous deux. Nous étions prêts à intégrer un troisième musicien seulement si c’était une évidence humainement et musicalement. C’est le cas avec Greg, notre batteur. On a vraiment cette notion de sérénité maintenant. Et en plus il a un talent fou.

Paloma : Nous nous sommes enrichis musicalement mais aussi humainement, et je pense aussi que la venue du batteur a apaisé quelques tensions affectives qui pouvaient encore exister entre nous deux. Sa présence tempère le tourbillon dans lequel nous sommes parfois portés.

  • Du studio à la scène, qu’apportez-vous de neuf à vos compositions déjà existantes ?

Paloma : Sur scène, nous aimons varier entre morceaux très folk, intimistes, et des versions plus rock ou électro. On adore les « rebondissements » au sein d’un live pour apporter du relief. On a par exemple ajouté des parties a capella à deux ou trois voix, un morceau guitare-voix, et on a également ajouté des parties électroniques sur certains morceaux.

  • Que vous inspire la nouvelle scène française qui fonctionne en couple : Éléphant, The Pirouettes, Part-Time Friends ou encore Jupiter ?

Kévin : Nous sommes ravis pour eux. Vivre une aventure musicale avec un membre de sa famille ou avec la personne qui partage notre vie, c’est véritablement une expérience incroyable et riche émotionnellement. On est sûr de ne pas s’ennuyer.


Retrouvez Ladybug and the Wolf sur :
FacebookTwitterBandcampSoundcloud

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques