[Live] La Route du Rock 2016, jour 2

Des « distractions de qualité », voilà ce que nous a offert la programmation cohérente du samedi 13 août dernier à la Route du Rock, lors de temps forts dédiés à la pop music, dont nous retiendrons le set explosif de La Femme, la classe des Tindersticks et de Suuns, mais aussi le rock noisy de Ulrika Spacek et le naufrage de Exploded View.

Ulrika Spacek © Chris Rod
Ulrika Spacek – crédit : Chris Rod

Article écrit par Chris Rod et Sébastien Michaud

Le son rock psyché que les Londoniens de Ulrika Spacek ont dispensé en ouverture de ce deuxième jour est extrêmement racé. Car là où d’autres répètent les mêmes motifs en se regardant jouer, eux étirent, laissent les notes se transformer d’elles-mêmes, les perturbent de grunge, les mènent aux confins d’un rock presque métal. Le public se délecte : avec eux, la Route du Rock 2016 mérite enfin son nom ! Un plaisir de voir ces jeunes Anglais finalement très humbles, penchés sur leurs instrus, bidouiller leurs pédales : seuls le son et l’intensité comptent. Une vraie pépite, de celles pour lesquelles on est prêts à traverser la France…

Changement de scène pour LUH, le second groupe de la journée : virage en épingle… avec pertes et fracas… « Lost Under Heaven » en toutes lettres : le lyrisme perceptible dans le nom de ce groupe ne nous lâche pas du début jusqu’à la fin du set, omniprésent et même grandiloquent. Les compos pop-rock enlevées mais sans surprise du fougueux Ellery James Roberts, chantées corps et âme en duo avec sa muse Ebony Hoorn, pâtissent selon nous d’une interprétation outrée, que ce soit dans les voix ou dans l’attitude. Si l’on fermait les yeux ou que l’on vaquait à ses occupations lambda de festivaliers, l’on passait un bon moment, mais collés à la scène, eh bien c’était tout simplement trop.

Pour cette prestation des Tindersticks en plein jour, pourquoi ne pas simplement vous reporter aux cinq premières lignes de l’article consacré au concert, la veille, de Belle & Sebastian ? Même crainte d’entrée, même combat… Et même victoire. Avec des armes sensiblement différentes bien sûr. Aucune montée du public sur scène cette fois (pour danser sur quoi d’ailleurs ?), mais un silence religieux s’installant très vite, pour ne rien manquer des ballades intimistes égrenées par un Stuart Staples toujours au sommet de son art. La classe britannique a encore frappé.

Le grand bide de cette édition 2016. Après une première apparition au festival en 2011, accompagnée de Beak> (groupe de Geoff Barrow), la chanteuse allemande Anika revenait ce samedi soir sur la scène des remparts pour y présenter son nouveau projet, Exploded View. « Entre krautrock hypnotique et new wave glaciale », annonçait le programme… Possible. Mais ce que l’on a entendu tenait davantage d’un concept obscur, raté, fait de plantages de batterie (ou est-ce vraiment cela le krautrock ?), de rythmiques bancales, d’un immense vide mélodique et d’un chant à peine audible. Le public, d’abord poli, finit par émettre quelques sifflets. Silence, Anika parle entre les morceaux… Pour dire quoi ? On ne sait pas. Elle murmure, susurre… Au bout d’une demi-heure, elle et ses musiciens, sans aucune explication, quittent la scène sans un regard pour le public (on les comprend…). Injection à trop haute dose de substances illicites ? Bagarre entre musiciens backstage ? On cherche encore à comprendre les raisons du fiasco…

« L’année de La Femme ? », titre le dernier numéro en date de Rock & Folk. Question judicieuse. Samedi soir, sur la grande scène du fort, Sacha, Marlon et leurs potes ont offert à cette édition 2016 de la Route du Rock son premier vrai temps fort. Ces jeunes gens modernes (pour comprendre, réécoutez donc la compilation du même nom édité par Naïve en 2008) ont désormais tous les atouts en main pour s’imposer comme le groupe français n°1. Dévoilés en partie au public du festival, les morceaux de leur nouvel album, « Mystère », à paraître en septembre obéissent aux mêmes règles que le premier : des refrains et des paroles d’une évidence et d’une simplicité presque insolente, où se mélangent new wave old school, surf rock, électro et post punk. La liste des influences est longue, B52’s (énorme), Taxi Girl, Daho, Elli & Jacno… Bien sûr, tout cela n’est pas tout jeune. Mais pour s’approprier ces figures du passé, le combo rajoute sur scène une bonne dose d’autodérision, de surréalisme et de fiesta propre à clouer le bec aux critiques les plus aigris et sourcilleux. « On va vous faire du rock de stade », lance un de nos lascars au bout de quelques titres. Entre déhanchements, sauts de cabris et début de queue leu leu (si si !), le public oublie toute considération d’éthique snobinarde et chante à gorge déployée. Fun, fun, fun.

Nous avions découvert SUUNS, il y a quelques années, avec un set oscillant entre pop, rock psyché et électro pop. À l’époque, nous trouvions que le groupe montréalais hésitait de trop entre ces trois orientations. Nous l’attendions cette année de pied ferme, étonnés par le virage électro plus affirmé et sombre pris dans le dernier album, « Hold/Still ». Eh bien les Canadiens, à la musique désormais taillée pour des stades, nous ont offert un véritable show, visuellement et musicalement. Ombres chinoises, contre-jour, module imposant dessinant derrière les quatre musiciens les cinq lettres composant le nom du groupe : la scénographie, un chouïa mégalomane, est néanmoins très réussie. Musicalement, nous serions du côté d’un Muse 2.0, à ceci près que les voix sont en retrait, et que le rock se dilue dans l’électro. Ils sont dans l’air du temps et ça leur réussit plutôt bien. Du très bon électro rock plongé dans un bain pop.


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Chris Rod

Photographe toulousaine passionnée de rock indé, cherche à laisser des traces d'une scène musicale incandescente...