Les beats ivres de La Mauvaise Humeur

On sent l’asphalte chaud couler sur le sol devant notre porte. Les mouches grillent sur l’halogène et le rôti se décompose dans le frigo.
C’est l’été.

Nous sommes en 2012 et La Mauvaise Humeur nous sort Eponymous chez Milled Pavement ; l’album (pardon de la régression) hip-hop à écouter et posséder de toute urgence.
C’est autour des beats tordus, lourds et puants d’O.S que le MC Monsieur Saï pose ses maux.

On souffre durant cet album. Saï partage le plus simplement et calmement du monde son regard sur la société. Sa société plutôt, à la fois en temps qu’acteur, mais surtout en temps qu’âme servile des machines.

De toute manière, un débat sur les mots n’a aucune utilité. Il suffit d’écouter ce que Saï a à nous dire, et s’en faire sa propre réflexion, son propre recul, car seul lui sait ce qu’il veut transmettre. Autant ne pas déformer ses mots et parler musique.

En effet, nos deux bonshommes enterrent directement toute forme de hip-hop à vocation radiophonique de base à travers leurs pièces. Le son est sombre, voir tâché. Les beats sont d’une lenteur rare à faire débander les dubstepers à la con et pourtant, parfois la lumière apparaît tel le piano sur le morceau « j’écoute ma vie comme le chant des coyotes à l’ouest dans les plaines ».

Le jazz est également un élément inhérent à cet album qui vient ainsi servir la noirceur du son et du texte, et offrir une ambiance de film noir cradingue.
Une ambiance propre à ce type de long métrage où le héros, suicidaire, vit dans un studio pourri au piano jauni par l’âge, dans une mégalopole où toute revendication identitaire est impossible.

Je ne saurais quoi prêcher en réalité au sujet de cet album sinon qu’on tient là une grande œuvre, de celles qu’on ne fait pas deux fois.
Cependant, je crois en La Mauvaise Humeur et la suite sera encore mieux. Ils feront même tellement fort qu’on ne survivra probablement pas à la première écoute.
C’est la deuxième fois que Monsieur Saï me transcende. La première fois fut lors de son précédent album solo « La Panne Optique », album relativement proche de l’univers de La Mauvaise Humeur, plus politisé cela dit.

Écoutez cet album. Sortez de chez vous et soutenez la scène underground française, car elle ne chôme pas ; en voici un parfait exemple.

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Maxime Dobosz

chroniqueur attaché aux expériences sensorielles inédites procurées par la musique