[Création #28] Kriill

Notre rencontre avec Kriill est bien le fruit d’un heureux hasard alors que nous faisions connaissance en octobre dernier dans les loges de FGO-Barbara, à l’occasion du MaMA Festival. Fort curieux d’en apprendre sur nos présences respectives, Richard, percussionniste du trio parisien, nous invitait à découvrir un extrait de leur futur clip, confié aux étudiantes de l’école d’animation Georges-Méliès. Ayant toujours eu à cœur de mettre à l’honneur les talents créatifs qui osent entrechoquer leurs pratiques, nous avons été particulièrement séduits par l’identité sonore, mais également l’incarnation visuelle plénière dégagée par cette collaboration spontanée. Il va sans dire que notre coup de cœur pour les garçons de Kriill a été quasi inévitable et immédiat tant pour leur musique qui déploie des talents d’ingéniosité et de sensibilité dans les harmonies vocales et les mélodies, que pour cette capacité fine et rare à faire émerger au creux de compositions pop atmosphériques des histoires sensibles et inspirantes. À l’occasion de la sortie de leur nouveau clip cette semaine, Klaar, Richard et Eliott reviennent en exclusivité pour indiemusic sur la genèse de « Little Things », doublé d’un court-métrage d’animation sublime, rêveur et tragique, se faisant le critique, aigre-doux, des dénis écologiques de notre époque. Si les lendemains peuvent parfois sembler incertains, il ne fait aucun doute que « Little Things » est un titre chargé d’espoir pour nos générations actuelles et pour le trio pop alternatif parisien qui n’a pas fini de nous faire rêver et danser en 2023, à commencer par un Café de la Danse qu’on leur souhaite archi-complet à la toute fin janvier.

De gauche à droite, Richard, Klaar et Eliott – crédit : Roberto Frankenberg

Little Things, le début de notre nouvelle épopée

Nous avons composé ce morceau au Domaine des Étangs. Un magnifique espace avec des oiseaux, des biches, des lacs et un château, où on a eu la chance d’être invités pour une résidence de création.

Klaar a retrouvé un mémo dans son téléphone alors qu’il était sur sa petite barque au milieu de l’étang. Il l’a montré à Eliott qui a composé un arpège de piano. Ils ont enregistré les voix et les claviers et l’ont montré à Richard qui, durant la nuit, a créé la rythmique et a ajouté quelques voix. Le lendemain nous l’écoutions en boucle pour le modifier détail après détail.

Le morceau parle des petites merveilles de la vie qui sont si simples et si puissantes. Mais il y a un point de bascule : un changement semble approcher, et il est inquiétant. Il n’est pas défini, juste évoqué par une courbe sur la route de la Vie lancée à pleine vitesse.
La Vie, c’est aussi des catastrophes majeures, des extinctions massives et des changements d’ère. Le résultat d’accidents génétiques cumulés sur des milliards d’années.

C’est un peu ça Kriill. C’est une fascination pour ce sentiment de vertige que nous confère ce que l’on croit comprendre de la Vie et de l’univers, baptisé par Romain Rolland, « sentiment océanique ». Le krill, noyé dans ses essaims de milliards d’individus et qui constitue la plus grosse biomasse animale de notre planète, connaît bien ce sentiment océanique.

Quand nous veillons le soir autour du feu nous parlons d’univers en expansion, d’infiniment petit et d’infiniment grand, d’atomes et de super organismes, de mort et de recyclage.
Quand nous écrivons des chansons aussi. Nous sommes trois explorateurs microscopiques, mindfuckés par l’univers.
Depuis la composition de « Little Things », deux ans se sont écoulés. Les expériences live, du métro parisien aux Solidays nous ont permis de nous trouver, de prendre conscience du sens de notre projet, et d’identifier le son qui nous caractérise.

Quelque chose de très organique avec des instruments assez singuliers (ukulélé basse, caisse en carton…), de très indie, britannique avec un esprit intrépide, de la fantaisie, du parti pris, et une production moderne au niveau du traitement des voix, des FX, des samples, etc.
Nous réalisons à présent que le son de ce morceau est une transition entre notre premier album plus électronique et assez éclectique et notre deuxième album (qui sortira probablement fin 2023) plus cohérent dans le son, plus organique, avec une volonté plus intemporelle.
Sa sortie sera suivie de notre concert au Café de la Danse le 31 janvier, où nous fêterons notre retour sur les scènes, sur les plateformes, et même dans les cinémas avec notre clip.

Un court-métrage en animation, écologiquement engagé

Un beau jour, six étudiantes en animation de l’école Georges-Méliès (Camille Burles, Andreea Ciora, Lou Fraleu, Manon Lambert, Clara Mesplé et Chloé Viala) nous ont contactés. Elles avaient vu nos précédents clips en animation et avaient été inspirées par notre musique.

Leur projet de fin d’études était de réaliser un clip en animation sur notre musique, nous étions très flattés et ultra partants. Elles sont passées au studio pour écouter nos nouveaux morceaux et elles ont choisi « Little Things ». On était en pleine pandémie et elles étaient toutes masquées, on n’a pas vu leurs visages, juste écouté leurs idées et nos musiques.

Ensuite elles ont travaillé, vraiment beaucoup. Elles ont fait un court métrage magnifique et bouleversant, qui dénonce de façon allégorique l’élevage intensif, dans un univers visuel onirique et pop. Il a depuis été sélectionné et primé dans plusieurs festivals internationaux.

Le clip suit une petite vache, Meurie, qui broute paisiblement dans des prairies montagneuses avec ses congénères.

Un géant plus haut que les nuages arrive et s’approprie les terres et les petites vaches dociles, en leur donnant à manger une plante magique, qui les fait grossir à chaque bouchée. Le géant rase la terre, les arbres et même les montagnes pour y cultiver ces plantes.

Refusant de se soumettre au géant, Meurie parvient à s’échapper. Mais pour aller où ? Rapidement le monde n’est que ténèbres, vaches géantes, puis un océan de sang et de steaks.

Ce qui est intéressant c’est que le clip a fait évoluer le morceau. À mesure que l’animation se mettait en place et que la trame avançait, les six réalisatrices nous suggéraient des modifications dans le son pour créer plus d’émotion ou pour mieux soutenir l’histoire. Nous avons simplifié des parties, et rendu la fin plus épique. C’était une très belle façon d’emmener le morceau plus loin.

Meurie chevauchée par ses six réalisatrices

Le clip est diffusé pendant deux semaines en avant-séances dans tous les cinémas MK2 (du 11 au 24 janvier). Vous le retrouverez également sur notre chaîne YouTube.

La suite

Nous sommes en cours de composition d’un album. Il est pop, parfois rock d’influence britannique, il est folk, psychédélique et moderne à la fois. Lors de notre audition à la RATP pour jouer dans le métro, nous avons croisé André Manoukian, qui était dans le jury et qui nous a un peu pris sous son aile. Il nous a permis de faire une résidence de composition à la Maison des Artistes, son studio d’enregistrement à Chamonix. Plusieurs partenaires commencent à nous épauler et nous visons fin 2023 pour la sortie.

crédit : Roberto Frankenberg

L’album parle de ce vertige que nous aimons expérimenter quand nous comprenons que les mystères de l’univers dépassent notre entendement. Après l’extinction des dinosaures, les mammifères ont eu leur règne. Après l’extinction des mammifères, qui occupera la planète ?
La Vie trouve toujours un chemin, c’est ça qui est beau. Nous allons tous mourir, et c’est beau. En attendant, notre faculté à jouir de ce que fournit le monde est épatante.

Nous attendons avec hâte notre concert au Café de la Danse le 31 janvier, pour montrer à notre public le nouveau spectacle que nous avons monté en 2021-2022, inspiré par nos représentations dans le métro. Nous y célébrerons « Little Things » et le début de nos nouvelles aventures.

crédit : Roberto Frankenberg

Retrouvez Kriill sur :
Site officielFacebookTwitterInstagram

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques