[Interview] KIZ

À quelques jours de la sortie de leur premier EP, Alice et Marc, les deux têtes pensantes et pétillantes de KIZ, nous racontent leur histoire, leur processus créatif en duo et leur manière singulière (et passionnante) de construire des morceaux à partir des sons et des bruits du quotidien. Une rencontre pleine de spontanéité et de sincérité, à l’image de ces deux artistes aux multiples talents, instrumentistes qui ont construit, en l’espace de trois ans, un univers sonore définitivement unique en son genre !

crédit : Fred Lombard

  • Alice et Marc, à quand remonte votre première rencontre ?

Marc : On s’est rencontré dans une école de musique, ATLA…

Alice : Et c’était la promo 2009-2010, donc ça fait un moment déjà ! On a commencé réellement à travailler ensemble en fin d’année, parce qu’il fallait se mettre en groupe pour préparer un concours. Il fallait composer, et pas seulement reproduire des morceaux ; et aussi se mettre avec des gens avec lesquels on partageait une fibre artistique commune.

Marc : Et c’est là qu’on a fait notre première compo… que tu n’écouteras jamais !

Alice : Non ! (rires)

Marc : Les cinq premières n’étaient pas terribles. Et je pense qu’elle a même disparu.

  • Et le projet s’appelait-t-il déjà KIZ à sa création ?

Marc : À cette époque, non. Mais juste après ce concours, on s’est dit qu’il nous fallait un nom pour notre groupe : Alice Marc and the no band. Aussi parce qu’on voulait un peu se foutre de la gueule des groupes qui s’appellent « and the… ».

  • Et KIZ est finalement né en quelle année, à quel moment ?

Alice : En 2012 ! En octobre 2012, et le groupe a plus ou moins trois ans sous sa forme actuelle. C’était notre date à la Favela Chic, donc le 16 octobre 2012… et le 16, c’est demain. KIZ aura donc trois ans demain !

  • Et trois ans après la naissance de KIZ, le premier EP arrive ?

Marc : Pendant ces trois ans, on s’est beaucoup cherché. Si on n’a pas sorti de disque jusqu’à maintenant, c’est qu’on n’était alors pas pleinement satisfait.

Alice : Oui, on a mis du temps à se trouver parce qu’on a tendance à vouloir tout faire, tous seuls. Et à un moment, on en est venu à se poser la question : « Ah, mais peut-être que ça, on n’est pas capable de le faire ? ». On a essayé de déléguer certains trucs, mais les quelques essais qu’on a faits jusque-là avec des personnes extérieures au projet ne nous correspondaient pas.
Finalement, on s’est dit que même si on ne le faisait pas dans les règles de l’art, car on ne peut pas être pointu sur tout et qu’on a encore plein de choses à apprendre, mine de rien, on est content quand c’est nous qui le faisons. Et donc, pourquoi ne pas continuer sur cette lancée ?

Marc : Ça nous a permis d’apprendre tout ce qu’on n’aimait pas faire, en fait !

  • À côté de ça, vous prenez vous-même vos sons : vous les piochez dans la nature, dans votre quotidien, et parfois dans des environnements inattendus…

Marc : On est très à l’écoute des bruits et des sons en général, et quand on compose, on se dit : « Tiens, j’aimerais bien que tel instrument sonne comme ce bruit-là ».
Pour « Cours », on imaginait une snare qui traîne un peu et on a enregistré un bruit de pas dans les graviers.

Alice : Et au début, c’était complètement par défaut, parce qu’on n’avait pas de plug-ins. Maintenant, on accède à ça directement des logiciels : tu prends un kick et puis basta, mais on n’avait pas ça. On tapait sur des objets, sur une guitare. Et finalement, on s’est rendu compte que ça donnait une couleur singulière au projet, et on l’a gardé !

  • Et comment naissent vos compositions ? Partez-vous d’une idée, d’un son ?

Marc : Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas une méthode rigoureuse à chaque fois.

Alice : Sans oublier qu’on est deux, alors c’est d’autant plus différent d’une personne qui compose seule.

Marc : Parfois le texte vient à la fin, parfois au début, parfois c’est juste une rythmique, des fois c’est une mélodie.

  • Avez-vous des thèmes de prédilection ?

Alice : Pas vraiment. On s’attache davantage aux jeux de mots et aux doubles sens. C’est plus un jeu de mots qui va donner une idée de chanson, plutôt qu’un thème qui nous tient à cœur.

  • Des jeux de mots qu’on retrouve d’ailleurs dans les titres de votre EP…

Alice : Exactement ! Il y a « Est-ce que tu sang ? » et « Des habits et moi ». « Des habits et moi », qui traite des apparences et du besoin de se cacher derrière des vêtements, du maquillage ou de la chirurgie esthétique. On fait du détournement avec des jeux de mots.

crédit : Fred Lombard

  • En live, vous jouez des instruments insolites. Je pense à ton espèce de grattoir, Alice…

Alice : Ah oui, le washboard !

Marc : Sur scène, de gauche à droite, notre bassiste a une mini basse : c’est comme un ukulélé, mais ça fait un gros son de basse…

Alice : C’est assez impressionnant.

Marc : De mon côté, j’ai des pads, et j’ai installé un capteur MIDI sur ma guitare, ce qui me permet de contrôler mon ordinateur avec mes cordes. Alice, elle a donc son washboard avec des pads, pour balancer des sons. Et enfin, notre batteur a une sorte de kit batterie hybride avec des pads, et il a fixé un tom en l’air.

  • Et tout cela permet de restituer l’atmosphère aventureuse de vos compos sur scène.

Marc : Oui, c’est totalement ça ! On ne faisait pas ça en live au début, et on nous disait que c’était dommage qu’on ne retrouve pas l’univers KIZ, en quelque sorte !

  • Oui, car c’est ce qui fait la patte du projet !

Alice : Oui, c’est clair. Et au début, on se demandait : « Mais comment faire ? ». Ça nous semblait impossible, de ramener tous les objets avec lesquels on a travaillé.
On est maintenant dans un entre-deux où il y a des machines qui reproduisent des sons qu’on a nous-mêmes faits, et il y a quelques objets qu’on ramène quand même.

crédit : Jim Rosemberg
crédit : Jim Rosemberg
  • Et comment ça se passe, concrètement, avec ces objets du quotidien introduits parmi vos instruments ?

Marc : Quand on a joué à Poupet cet été, on avait notamment ramené sur scène une machine à café et une machine à écrire. Et par exemple, pour la machine à café, on avait pris tous les sons vraiment en live avec des micros et, à la fin, on avait offert une tasse de café à un spectateur.
Après, les limites qui se posent sont toujours d’ordre technique. On ne peut pas ramener un camion de bibelots : un bac de graviers pour la snare, par exemple (rire).

Alice : Quand tu envoies ta fiche technique et que le technicien son découvre dessus « micro cafetière », ça l’étonne toujours !

Marc : Et j’aime bien utiliser ces objets en live ; d’autant plus que, quand on compose, on triture les sons obtenus, et j’aime bien pouvoir les retravailler différemment en live, avec des pads.

  • Parlons un peu de votre EP prévu le 27 novembre : dans quelles conditions a-t-il été enregistré ?

Marc : Il a été enregistré à 95% chez nous, dans notre home studio : donc, tous nos petits bruits. Les seules choses qu’on a refaites, ce sont les voix et les prises de toms.

Alice : Ça nécessitait réellement un espace dédié, et notre home studio reste assez spartiate, donc ce n’était pas idéal. Et on compte bien conserver cette configuration pour notre premier album…

KIZ - EP

  • Et donc, vous pensez déjà au premier album ? Vous en êtes où dans votre réflexion à ce sujet ?

Alice : Ce premier album n’est pas vraiment avancé…

Marc : …mais on sait quels morceaux on va faire, et quelle esthétique il va avoir.

  • On devrait, de toute évidence, retrouver la même direction artistique que l’EP ?

Alice : Oui, totalement.

  • À côté de l’écriture, de l’enregistrement et de la prise de son, vous réalisez également vos vidéos, que vous tournez et montez vous-mêmes ! Vous réalisez vos clips au même endroit que vos prises de son ?

Marc : Non, les clips, on les prend vraiment à part. Même si on pense au clip quand on compose ; le lieu est d’abord propre à l’idée du clip.

  • Je pense au clip barré de « Est-ce que tu sang ? », que vous aviez sorti il y a de cela un an !

Alice : Et on a ressorti le clip dans une nouvelle version propre à la version de l’EP, le 5 octobre.

Marc : On a refait le son pour l’EP, et il ne se prêtait plus vraiment au désert. Donc, on a enlevé l’ancienne et refait un clip pour l’illustrer.

  • Et vous allez sortir un nouveau morceau composé à l’aide d’une sonnerie, pour faire suite à la fameuse vidéo inspirée de la sonnerie Marimba de l’iPhone que vous aviez fait il y a quelque temps déjà !

Alice : Et la vidéo est dans la boîte.

Marc : On vient de finir de la monter. On l’a réalisée dans notre salon, comme la plupart de nos vidéos de reprises, notamment pour les Inrocks, et inspirées de leurs couvertures ou des actualités du magazine ; même si la première, qui était sur Fauve, avait été tournée dans une école.

  • Et il y a des lieux, en particulier, dans lesquels vous aimeriez tourner de nouvelles vidéos ?

Marc : J’aimerais bien tourner dans un avion qui pique d’un coup, pour qu’on soit comme en apesanteur…

Alice : Pas moi ! (rires) Je ne sais pas si tu te souviens (à Marc), mais quand on était au Luxembourg, il y avait un super endroit…

Marc : Les Rotondes !

Alice : Oui, voilà, les Rotondes. C’est une salle de concert qui est installée dans une gare désaffectée. Et il y a un hall énorme, en ruines, qui n’arrête pas de s’effriter. C’est magnifique, mais on ne peut pas y accéder, car c’est trop dangereux. Mais j’adorerais y tourner une vidéo, sinon !

Marc : Et sinon, en arrivant (au Trianon), le couloir des toilettes est super beau.

Alice : J’aime aussi beaucoup cette tapisserie !

  • On pourra aller faire quelques photos là-bas pour illustrer l’article, si vous voulez ?

Alice : Allez, oui ! (rires) Et puis tu vois, finalement tout est propice à faire un clip.

Marc : Et dès qu’on est dans un lieu, on se dit « Y’a un truc à faire ! »

  • Enfin, vous venez de participer à un reportage pour Arte : Soundhunters. Comment avez-vous rejoint ce projet télévisuel ?

Marc : On avait régulièrement des commandes de la part des Inrocks, et c’est suite à la réalisation d’une vidéo sur les bruits de Paris que Beryl Cox, la réalisatrice de ce documentaire, est entrée en contact avec nous. Elle nous a proposé d’être le fil rouge de ce documentaire où on est là, à la rencontre des artistes.

Alice : Ça nous a emmenés dans pas mal d’endroits et de pays : en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis. On a bien voyagé ! C’était une super expérience et on a rencontré plein de gens ; plein de musiciens excellents !


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques