Ambiance noire et éprouvante pour le nouvel album de Kill Your Boyfriend ; tant qu’il y a de la vie, il n’y a plus d’espoir. Un disque ténébreux et froid comme la lame la plus tranchante.
Difficile de rester de marbre face à ce nouveau LP du duo italien Kill Your Boyfriend. En effet, celui-ci plonge encore plus profondément dans les fantasmes obscurs de la psyché humaine, nous offrant un rock abrasif et presque inhumain, transporté par des émotions à fleur de peau et gelées, sur des terres arides où la nuit domine. « The King Is Dead », nous dit-on ; qu’arrive-t-il ensuite ? L’anarchie, très certainement. La révolte gronde, et prend la forme d’une créature hybride et aussi effrayante que fascinante. Tout en obligeant l’auditeur à avoir le cœur bien accroché.
Les riffs et rythmes lourds et réactifs s’enchaînent, achevant de nous plonger dans des abysses sonores intrusifs et rampants. Qu’ils soient envolés et rapides (Alan, Lewis) ou, au contraire, plus posés et calculateurs (Jesse, Neil), le rock aux influences cold wave du duo achève de prouver, s’il en était encore besoin, que la volonté de trouver une lumière dans le chaos est vouée à l’échec. Même la voix, triste et plaintive, n’apporte aucune respiration à cet ensemble somme toute homogène, mais pour lequel il vaut mieux avoir le moral avant de l’appréhender. Et force est de constater que le projet remplit sans conteste tous ses objectifs, notamment le principal : nous immerger dans les eaux saumâtres d’un genre ici étiré et malléable, roulé en boue et en boule pour bâtir une sculpture abstraite et mystérieuse. À ce titre, le synthétique et hystérique « Rudolph », qui clôt l’album, finit de démontrer la capacité des deux musiciens à entreprendre un périple pour lequel toute chute conduit à une mort inéluctable.
Fait remarquable, et qui confirme toutes les ambitions ici présentées : le disque se décompose en deux listes de meurtres à venir, suivies des prénoms des futures victimes. Si, après ça, il vous faut des preuves supplémentaires de l’angoisse qu’il suscite, on ne sait plus quoi faire pour vous… À l’image de la mort de Bergman qui figure sur la pochette, « The King Is Dead » est un passage vers l’autre rive, une traversée du Styx qui sera mouvementée et difficile. Mais, au bout du tunnel, l’expérience aura été nécessaire et perturbante, tout en se valant d’être vécue. Avec une sacrée joie de vivre préalable, ceci dit, pour découvrir l’objet.
Une traversée du désert pour chaque auditeur, mais avec la satisfaction d’en avoir vu l’issue. Et, étrangement, cet irrémédiable besoin d’y retourner pour un second tour de montagnes russes. Adrénaline, quand tu nous tiens…
« The King Is Dead » de Kill Your Boyfriend, sortie le 15 janvier 2016 chez Shyrec.
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