[Flash #23] Kazy Lambist, Kitchies, Florian Pellissier Quintet, Agent Blå et Nothing

Tour d’horizon des sorties musicales très recommandables de notre collection printemps-été personnelle, entre (électro) pop solaire, échappée jazz et revival 90s.

De gauche à droite : Kitchies, Kazy Lambist, Florian Pellissier, Agent Blå et Nothing

[LP] Kazy Lambist – 33 000 Ft.

8 juin 2018 (Cinq7 / Wagram Music)

Pépite inaugurale du bal estival, le premier album de Kazy Lambist est un casse parfait où tout est méticuleusement préparé, dans les moindres détails, non sans quelques subterfuges et autres effets de surprises. La formule a tout pour marcher et opère ici à merveille. Si on décompte la voix suave et magnétique d’Arthur, une instrumentation racée aux belles dynamiques et des singles fédérateurs où la sensualité côtoie la rêverie (le déjà classique « Love Song » et l’astral « Orion »), tout semble réuni. On reconnaît alors au Montpelliérain un sens de la mise en scène bien à lui, lui qui enchante avec délicatesse, d’une voix caressante et filante comme d’autres beaux et grands rêveurs (on pense notamment à Loïc Fleury chez Isaac Delusion et à Mike Milosh chez Rhye), les treize pistes de cette première virée panoramique et aérienne. Chez Kazy Lambist, la vue est belle à tomber à la renverse et on sait que si l’on bascule par-dessus bord, plus belle sera la chute, quand il nous invite à vivre les passions exaltées d’« Away » et « This City is Beautiful ».


[EP] Kitchies – Tropical Sunset

14 septembre 2018 (autoproduction)

Plus pop que jamais, Kitchies mouille le maillot pour plonger tête la première dans le grand bain des hymnes estivaux, qui accrochent immédiatement et irrédiablement. Avec générosité, les Niçois abandonnent les courants indie rock anglais à la Pigeon Detectives pour emprunter ceux plus chauds d’une French Riviera brûlante. Des exclamations collectives et des chants entremêlés de « Summers Ends » évoquant Bel Plaine, on prend goût à cette épopée pop, nappée de mélodies iridescentes et ponctuée d’envolées joyeuses et de mélodies solaires. Avec le laisser-aller de Walk The Moon, la ferveur de Shake Shake Go et l’entrain des premiers Two Door Cinema Club, « Tropical Sunset » est une belle réussite pour les Kitchies. Un disque qui, s’il sortira un en décalé avec les vacances d’été, a tout le talent pour en prodiguer les effets sinon en prolonger la chaude sensation, sans l’accablement ni la moiteur. On retiendra plus que tout l’irrésistible « Montego Bay », carte postale idyllique de la côte jamaïcaine.


[LP] Florian Pellissier Quintet – Bijou voyou caillou

27 avril 2018 (Heavenly Sweetness)

Il y a une élégance et une modernité dans le jazz du Florian Pellissier Quintet qu’on ne retrouve ailleurs. Pied-à-terre cosmique, son quatrième long format « Bijou voyou caillou » se montre ouvert aux conversations musicales comme aux collaborations. C’est un disque rafraîchissant, souvent lumineux, dont le jeu minutieux et animé, à l’instar du léger « Fuck with the Police », qui nous tient sans peine sur près de dix minutes. Florian Pellissier a ce talent pour composer des formats étendus, mais sans longueur, changeants et jamais barbants, ivres de changements, mais jamais dans l’urgence. Les titres y sont largement évocateurs d’une Nouvelle-Orléans fantasmée ou de l’atmosphère qui peut régner dans un club de jazz new-yorkais, avec une fraîcheur pourtant bien française. Avec ce nouvel album teinté par la Blue Note jusque sur sa pochette, le pianiste parisien nous fait cadeau d’un voyage inoubliable et intemporel, qui dépasse souvent les racines du genre. « Bijou voyou caillou » nous immisce ainsi dans la vie secrète des « Espions », réarrange en quintet la ritournelle de « Colchiques dans les près », donne dans le Jazz des Îles rejoint par le maître-percussionniste guadeloupéen Roger Raspail sur « Jazz Carnaval », quand il ne puise pas dans la mythologie sur le très libre et investi « Colosse de Rhodes ». On appréciera tout autant le choix de ses invités, l’élégant Arthur H sur le diptyque narratif « Bijou voyou caillou / Hibou bleu » ou le poète Anthony Joseph sur la fièvre caribéenne de la « Boca ». Un magnifique voyage.


[EP] Agent Blå – Medium Rare

1er juin 2018 (Luxury Records / Kanine Records)

On avait goûté l’an passé à la deathpop des Suédois d’Agent Blå. Leur premier album éponyme, passionnément noir dans son flirt avec le désespoir nous avait redoutablement fasciné. Porté par le timbre autoritaire et envoûtant d’Emelie Alatalo et un background musical réunissant les Cure, Joy Division et DIIV, le quintette de Göteborg revenait cet été avec « Medium Rare », quatre élixirs d’une mélancolie incurable. Ce nouvel EP impose la jeune formation comme l’un des fers de lance de la nouvelle scène indie scandinave, en voisin sombre et tourmenté de la jangle pop d’Alvvays. Avec Agent Blå, le désespoir et la perdition n’ont jamais semblé aussi vitaux. Écouter « Hindsight » invoquant les heavenly voices magistrales de Cocteau Twins au moment du refrain devrait finir de vous en convaincre.


[LP] Nothing – Dance on the Blacktop

24 août 2018 (Relapse Records)

« Tired of Tomorrow » fut certainement l’œuvre la plus magistrale de 2016 pour tout amateur de shoegaze. Vertigineusement tourmenté, le second album des Philadelphiens de Nothing marquait alors le renouveau du genre, mêlant des thématiques emo, rongées sinon incarnées jusqu’au bout des ongles par son interprète Domenic Palermo, à un climax sombre et désolé. Sublimant le désespoir avec une incroyable détermination, il nous tardait d’en entendre la suite. « Dance on the Blacktop » est arrivé avec « Blue Line Baby » et « Zero Day », les deux titres d’ouverture et la promesse d’un nouvel opus toujours aussi sombre et désemparé, nous ramenant aux origines du shoegaze et du rock alternatif des 90s à mi-chemin entre Deftones et My Bloody Valentine. Puissantes et dévorantes, l’anxiété, la paranoïa et la peine inconsolable de Nothing rayonnent sur quarante-cinq minutes partagées entre l’apaisement et l’apocalypse la plus totale. Mention spéciale pour « Us/We/Are » évoquant les fantômes bien vivants de Cobain.

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques