[LP] Kat May – Beyond The North Wind

Plus qu’un simple voyage, un album qui dépasse les frontières de l’imagination et de la beauté en nous prenant par la main pour mieux nous serrer le cœur.

Kat May - Beyond The North Wind
crédit : Étienne Desclides

Il arrive parfois, et le plus souvent quand on s’y attend le moins, que le hasard nous confronte à une musique qui, comme on le devine dès les premiers accords, va bouleverser notre existence. Un disque qui traînait depuis longtemps, prenait la poussière à force d’être mis de côté ; qui, seul dans les limbes de la Toile, savait cependant qu’il saurait, le jour venu, laisser grandir et exploser son impact émotionnel sur l’auditeur alors pris de court et désemparé quand il se retrouve immergé – et, forcément, submergé – sous des flots de larmes, tant la sincérité et l’intensité d’émotions fragiles et humaines l’étreignent à perdre haleine.

Rien ne nous avait préparés à ce disque de Kat May. Personne ne nous avait avertis du tumulte intérieur qui était en passe de se dérouler sous nos paupières closes et devant nos yeux impuissants, éblouis par des titres impossibles à ranger dans les cases de genres trop réducteurs pour leur force et leur puissance sentimentale.
Lorsque l’on écoute « Beyond The North Wind », plus rien n’existe. Les horizons qui nous entourent disparaissent, les objets n’ont plus aucune consistance, les gens ne sont plus. Non, c’est ainsi : il n’y a que nous et l’artiste, dans un paysage blanc dépouillé et dont les perturbations physiques se sont éteintes. Alors on y pénètre, sans peur, avec une avidité spirituelle qui nous emmène très loin dans le gouffre de la mélancolie.

Le disque est à lui seul un univers se suffisant à lui-même, une galaxie lactée de sensations variées et croissant de manière exponentielle avant de mieux s’éteindre ; on assiste à la naissance d’une étoile musicale, à la vie qui y prend forme et à son extinction, alors que sa lueur paraît toujours dans l’immensité d’un ciel artistique à jamais métamorphosé.
On y rencontre aussi bien de délicats rythmes tribaux (The Lake, The Moon) que les rayons lumineux et bleutés d’une électro-pop vaporeuse et confortable (Lone Wolf).
On y touche sensuellement et intensément des chœurs incandescents et merveilleux (Stars And Sorrow), on y embrasse de tendres moments de sobriété ambient caressants et brûlants d’une fièvre que l’on sait réparatrice (The Trees Of Regents Park, Day 10) avant de saisir dans ses bras des présents mélodiques et rythmiques apaisés et suscitant un émoi alors insoupçonné puisque interdit à oser vivre (Fall).

Au milieu de toutes ces ambiances euphoriques et chargées de larmes, Kat May répand des soupçons d’échantillons vocaux intrusifs (Thelma et Louise, Home) pour encore mieux révéler au grand jour ce que notre monde oppose à la raison ; ces ressentis à fleur de peau qu’il ne faut pas montrer mais sont pourtant notre moteur quotidien, nos envies d’unicité qui trouvent ici l’icône représentative de moments de peine autant que la prise de conscience des goûts incomparables d’impressions superbes, de rideaux de velours dans lesquels on aime s’enrouler pour en sentir la délicatesse. Et l’on se met à genoux devant « L’éveil », apothéose d’une pureté de l’esprit et de l’harmonie qui nous manquait cruellement. Jusqu’à maintenant.

Écouter Kat May, c’est accepter de pénétrer dans le silence, dans un recueillement personnel que l’on ne s’est pas accordé depuis longtemps mais dont on a viscéralement besoin. C’est comprendre que sa voix devient immédiatement l’astre à suivre dans les ténèbres pour retrouver sa route, alors que les nuages de la vie urbaine ne peuvent que s’écarter devant ces mots qui résonnent au fond de nos corps et de nos âmes en peine. Ou perdues, isolées dans le tumulte et appelant à l’aide. Mais l’album n’est pas qu’un remède à la grisaille ; c’est surtout une peau que l’on aime sentir contre soi, les bras grands ouverts d’un être qui est là pour nous consoler, les baisers de l’autre dans la souffrance.
C’est l’eau qui coule et noie nos peurs, le baume qui apaise nos brûlures les plus pénétrantes.

« Beyond The North Wind » est une collection d’histoires toutes plus personnelles les unes que les autres, un reflet des fantasmes de calme et de repos les plus enfouis dans la violence des pensées, une main levée contre l’inertie ambiante. Plutôt que d’être salvateur, le disque est une confidence, un don de soi immédiat et libéré pour être entendu sans a priori, mais en toute confiance. Rien que pour cette tendre humanité, cette offrande à laquelle on ne pensait plus pouvoir insister, on baisse les yeux en signe de respect, éternellement, avant de prendre ces objets du désir entre des doigts sûrs d’eux-mêmes pour ne pas briser la porcelaine de ces chants du possible.

crédit : Étienne Desclides
crédit : Étienne Desclides

Un album qui rejoint haut la main les meilleures créations de l’année 2014. Et qui sera très difficile à détrôner.

« Beyond The North Wind » de Kat May, disponible depuis le 20 octobre 2014.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.