[Interview] Karim Ouellet

De passage par le Printemps de Bourges, nous avons croisé la route du jeune trentenaire montréalais Karim Ouellet. Fort d’un parcours passionnant, nous sommes revenus avec lui sur son Prix Félix Leclerc l’an passé, son second album « Fox » sorti en septembre 2013 et son travail avec des graphistes. Il nous a même offert une visite guidée des meilleurs spots de Montréal. Alors prêts pour la rencontre ?

Karim Ouellet © Fred Lombard

  • Grâce à l’album « Fox », on entend de plus en plus parler de toi en France. Notamment grâce au single du même nom. Alors pourquoi ce nom pour ton album ?

Il n’y a pas de vraie réponse à cette question là malheureusement. Dans la conception de cet album-là, je voulais un animal pour représenter l’univers que j’essayais de créer parce que sur « Plume », la pochette du premier album, on voit un oiseau.
Un renard, je trouve ça très joli, le nom fox, je trouve ça très beau aussi et puis, moi ça me suffit comme justification. Et puis, c’est fait pour porter à interprétation également.

  • Mais n’y aurait-il pas un goût derrière pour la liberté ?

Certainement. Pas que je veuille le mettre en avant ou le décrire, c’est certainement quelque chose que moi je ressens lorsque moi je fais de la musique, puis lorsque je créé.

  • Je t’ai connu l’année dernière grâce au festival Aurores Montréal, soutenu par Ariane Moffatt. Était-ce ta première date en France ?

Non, j’avais déjà fait quelques concerts en France avant Aurores Montréal, à Paris et ailleurs. C’était un des premiers concerts avec le nouvel album en tout cas.

  • Et du coup, comment a été accueilli l’album en France ?

Quand il est sorti, il est sorti très discrètement. Ça n’a pas fait énormément de bruit. Je sais qu’il y a quelques chansons qui passent en radio, mais rien d’extraordinaire non plus. Encore aujourd’hui, ça fait son chemin, tranquillement.
Je ne sais pas ce que j’aurais fait avec un genre de succès instantané ici, parce que tu vois, même au Québec, on est déjà très très occupé, donc je trouve ça pas trop mal que ça se développe au jour le jour.
Ça me donne l’occasion de venir très souvent. Pour entrevoir des tournées, des choses comme ça, si ça avait explosé du jour au lendemain, on aurait eu un beau problème. On va prendre notre temps, je crois.

  • Je trouve que tu es d’un naturel assez apaisé…

Certainement (rire), mais j’ai tendance à souvent dire « ça dépend ». Des jours oui, des jours non. Mais quand je regarde ce que je fais dans son ensemble, je fais le choix de le voir d’un œil un peu plus calme que le contraire.

  • Ton dernier album « Fox », c’est un mélange de beaucoup d’influences. On y trouve de la soul, du reggae, du rock, de l’électro, du blues… J’ai l’impression que tu les as rassemblés autour de la chanson et de la pop, on peut dire ça ?

Karim Ouellet - Fox

On peut si on veut. Aujourd’hui, les gens se cassent beaucoup la tête à catégoriser la musique et à trouver idéalement un mot ou deux pour décrire quelque chose. Si je veux décrire ce que je fais, j’aime dire que c’est de la chanson francophone, qui musicalement touche à tout ce que moi j’aime. Mais je n’arriverais pas à le décrire mieux que ça, je crois. Il y a quelque chose de pop là dedans, au niveau de ce qui me plait dans les mélodies, essayer de trouver des trucs plus accrocheurs que d’autres. Puis, dans la structure des chansons, c’est des titres assez courts, 3-4 minutes grand maximum. Il y a certaines caractéristiques de la musique pop qui ne sont pas cachées du tout, mais qui sont inhérentes à d’autres styles musicaux.
Il y a quelque chose de pop, mais autant qu’il y a quelque chose de soul, de reggae…

  • Ces orientations éclectiques sur l’album sont liées à quoi ?

À la musique que j’aime jouer d’abord. J’adore jouer du reggae. J’ai été guitariste pour un groupe de reggae pendant quelques années à Québec, et c’était impossible de faire un album sans qu’il y ait au moins un ou deux morceaux d’inspirations reggae, parce que c’est pas du pur roots. L’inspiration est très forte.
Et c’est aussi très lié forcément à la musique que j’écoute.

  • Cet album ne comporte que des textes en français. Pourquoi le français s’est imposé plutôt que l’anglais ?

Je ne sais pas si je trouverais ça plus facile ou plus difficile d’écrire en anglais, mais les chansons que je voulais faire se devaient d’être écrites en français.
C’est venu très spontanément, et je ne me suis jamais posé la question : « est-ce que j’en fais une en anglais ? ». Ça ne m’est jamais passé par la tête.
Peut-être que ça va se produire un jour, car je ne suis pas fermé à l’idée, mais pour ce projet-là, le français avait plus de sens.

  • Du sens des textes, parlons-en. Si tu devais me parler un peu des histoires sur cet album, tu me les présenterais comment ?

C’est avant tout des histoires d’amour. Je crois presque toutes, sauf quelques exceptions, qui ne racontent jamais totalement une histoire vraie. C’est pas fait pour apprendre quelque chose de très concret à la personne qui l’écoute. Moi, en écrivant une chanson, je ressens quelque chose, et j’essaye de surfer sur les sentiments que j’ai et qui m’inspire. À partir de là, je créé des images, j’invite des choses, qui souvent sont faites pour porter à interprétation.
On écoute, et puis soit on se reconnait bien là dedans, soit on ne s’y reconnait pas, et on arrive à s’inventer quelque chose d’autre.
Donc pas des histoires vraies, mais presque, le seul but de ces chansons-là, c’est de divertir au maximum, c’est fait pour oublier les problèmes. J’essaye de faire des bonnes chansons que d’autres gens peuvent aimer.

  • En dehors de la France et du Canada, dans quels pays non francophones es-tu déjà allé pour présenter l’album ? Et comment a été accueillie ta musique là-bas ?

Je suis déjà allé en Amérique du Sud à plusieurs reprises, notamment au Mexique. Et ma musique a bizarrement été très bien accueillie là-bas.
Là bas, on n’a pas fait des énormes salles, une centaine de personnes à chaque fois, mais ça marche très bien. On avait le bon public devant nous, à chaque fois, et puis les gens se foutent un peu de ce qu’ils vont écouter, tant qu’ils trouvent ça bon. Ils ne viennent pas voir des artistes dont ils sont fans, ils viennent découvrir quelque chose.
Le français est quelque chose de charmant, je crois, pour les gens qui parlent espagnol, parce que nos deux langues se ressemblent beaucoup, partagent les mêmes racines.

Karim Ouellet © Fred Lombard

  • Et en Europe ?

Peu. On a joué en Suisse, en Belgique et en France. C’est tout pour le moment.

  • Tu souhaites poursuivre ces voyages ?

Oui, mais je vais répondre une chose à la fois. Je n’ai pas pour objectif de faire le tour du monde. Je veux avant tout voir se développer mes projets, de les amener au maximum étape par étape.
Faut pas trop qu’on s’éparpille quand même comme on a déjà fait par le passé.
Voyager, ça fait toujours plaisir, mais on va commencer par développer ça au maximum en France. Et à partir de la France, c’est facile d’aller jouer en Suisse, en Belgique et ailleurs.

  • Tu as remporté le prix Félix Leclerc au Québec en fin d’année dernière, remporté en France cette même année par Hippocampe Fou. Ce prix donne l’opportunité aux gagnants de ce produire pour l’un et l’autre aux Francofolies de l’autre pays (NDLR : Francofolies de Montréal et de La Rochelle). Si tu devais servir de guide à Hippocampe Fou à Montréal, quels lieux, quelques activités lui conseillerais-tu ?

À Montréal, je lui dirais d’aller dans le quartier qui s’appelle le Plateau-Mont-Royal, où l’on trouve absolument tout : des restos, des bars, des clubs, des boutiques, des parcs, des cours d’eau en ville. Plein, plein de trucs. Et puis le Plateau-Mont-Royal, c’est pas très grand, et tout est centralisé à cet endroit-là. Faut surtout passer par là, pendant l’été, pendant les Francofolies de Montréal.
À Montréal, faut aller voir des concerts. Y’a des bons concerts tous les jours, toute l’année.
Et quoi d’autre ? Si on aime les manèges, faut aller à la Ronde, à l’entrée de Montréal. C’est un parc d’attractions, c’est très très cool.
Et il y a beaucoup de musées, moins qu’à Paris, mais pas mal d’expositions très intéressantes. Tu en as une sur Star Wars en ce moment.
Pour résumer : le Plateau-Mont-Royal, les concerts, la Ronde.

  • Tu viens de parler de Star Wars, au-delà de la musique, quelles sont tes autres passions ?

Le cinéma, vraiment.

  • Un genre de cinéma en particulier ?

Pas tout à fait. Moi je suis un fan de certains réalisateurs surtout, qui eux vont toucher à plein de styles différents. Je n’ai pas un style favori.

  • Parmi ces réalisateurs, il y a qui ?

David Lynch, David Cronenberg, Lars Von Trier, et beaucoup d’autres.

  • Donc finalement des cinéastes assez complexes…

Oui, j’aime ces films-là où quand on sort du cinéma ou qu’on éteint la télé, on se pose des questions pendant des heures.

  • On passe du cinéma aux clips, tu travailles avec un certain Baz dessus. Dis-m’en plus ?

Oui, pour tout ce qui est vidéo, visuels pendant les spectacles, je travaille avec un gars de Montréal qui se fait appeler Baz. Moi, je suis un fan de ce gars-là depuis très longtemps, depuis bien avant qu’on se connaît.
Mon travail a un peu commencé comme ça : moi je proposais des chansons, puis je lui laissais beaucoup de responsabilités entre les mains on va dire. Je lui disais « tu vas décider quel clip tu aimerais faire, et quelle chanson, toi tu choisirais si c’est celle qui t’inspire le plus ? ». On travaille comme ça ensemble.

Moi je ne serai pas capable de réaliser un film ou un court-métrage, ça serait vraiment pas ma force.
Voir quelqu’un, la main à la pâte, dans ce genre de trucs là, ça m’impressionne beaucoup.
J’ai trouvé quelqu’un en qui j’ai confiance, et je le laisse faire ce qu’il veut.

  • Ces derniers jours, tu as ouvert pour Stromae, comment as-tu vécu ces expériences ?

Si tu veux, la seule mission qu’on a sur ces dates-là, c’est de réchauffer les gens qui sont devant nous, et on a de la chance avec ça, car son public est déjà tellement chaud, dès les premières secondes !
Et pour le moment, j’ai été chanceux, car il y a toujours quelques personnes qui me connaissent dans le public. Pas beaucoup, mais assez pour qu’ils encouragent les autres à crier plus fort.
Et puis, les gens de son public sont tellement de bonne humeur que ça serait difficile de pas réussir. Jusqu’à maintenant, ça s’est très très bien passé.

  • J’aime beaucoup l’illustration de ton affiche où l’on te voit avec un masque de renard. Tu m’en dis plus sur la personne derrière cette affiche ?

C’est un garçon de la ville de Québec qui se fait appeler Avive, c’est son nom d’artiste.
Je l’ai découvert en 2008 en rentrant dans une boutique de vêtements, avec des dessins de ce gars-là. Et puis je tombe amoureux de ce qu’il fait, toute de suite comme ça et aujourd’hui, je crois que j’en ai une cinquantaine de tee-shirts de lui.

Karim Ouellet - Plume

Et pour mon premier album, pour moi, c’était une évidence que c’est lui qui devait faire ça. J’ai été chanceux, il a accepté, et pareil pour celle de Fox.
J’aime tant son univers que je lui faisais entièrement confiance, je ne lui disais pas quoi faire, juste le nom de l’album. Pour « Plume », vu qu’il avait pour habitude de dessiner des oiseaux, il a dessiné ma main avec un oiseau posé par dessus.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques