[Flash #35] Juniore, Maxence Cyrin, KIZ, Cavale et Huit Nuits

Si un seul mot devait illustrer ce nouvel épisode de Flash, ce serait « émotion » ; celle-là même qui, alors qu’elle semblait en repos, jaillit sans crier gare et nous étreint tendrement, consolant nos minutes solitaires et égarées. Rien que pour vous, cinq projets portés par la muse séductrice de la réconciliation. 

[LP] Juniore – Un, deux, trois

28 février 2020 (Le Phonographe)

Difficile de faire rentrer le nouvel album de Juniore dans des cases prédéfinies. Et pour cause : « Un, deux, trois » berce l’auditeur de doux mouvements tantôt pop, tantôt psychédéliques ou rock en dessinant, grâce aux instruments, une nonchalance harmonique épousant à la perfection une voix dont la beauté sensuelle dicte les émotions caressantes d’une existence tout sauf calme. Le mélange de tous ces éléments transforme le disque en nage réparatrice et confortable sur les mers de la sensibilité, qu’il nous incite à prendre le large (« En solitaire »), à affronter la réalité dans une impulsion cathartique (« La vérité nue ») ou à errer, de bars en rues désertes, de rencontres en solitudes nocturnes (« Que la nuit »). « Un, deux, trois » nous accompagne quand les lumières de la ville sont nos seuls témoins ; tandis que, derrière les rideaux tirés, tout peut arriver.


[LP] Maxence Cyrin – Aurora

6 mars 2020 (Parlophone Records / Warner Classics)

L’art du piano, quand ce dernier est employé à des fins purement émotionnelles, n’a rien de comparable. Bien loin du purisme élitiste que beaucoup veulent nous imposer, l’instrument demeure constamment une source de bienfaits, de joies, de larmes. Sur « Aurora », Maxence Cyrin écrit ce que l’on comptera sûrement parmi les plus belles pages du clavier : une alliance sensitive et cristalline de la mélancolie et de la lumière, quand d’autres interprètes l’accompagnent et épousent les contours de ses compositions. Des secondes pures et réconfortantes, tout en arpèges et délicatesse (« Mer de velours ») ou en rythmes acoustiques frôlant à s’y méprendre les intentions de l’électronique (« Progressive Nights »). Du songe à l’éveil (les deux chapitres de « Nostalgia »), l’opus s’écoute comme s’il était la source d’un bonheur profond et inattendu. Une nouvelle aube, une nouvelle ère.


[Clip] KIZ – Laisse-moi te dire

Comment soigner, par une présence et un surcroît d’activités en tous genres, la paralysie de la dépression ? « Laisse-moi te dire » de KIZ nous raconte le périple à la fois drôle et touchant d’un être ayant perdu son humanité, enveloppe immobile qu’Alice et Marc s’efforcent d’aider à revivre. Les scènes, justes et subtiles, s’enchaînent, thérapie de l’amitié dont on ne soupçonne jamais l’issue. Le désarroi originel, que nous avons certainement tous vécu un jour ou l’autre, traverse le clip d’un bout à l’autre, par le prisme du mannequin qui, dans sa splendide neutralité, se transforme en créature vivante, provoquant rapidement notre empathie. La parole qui manque permet souvent d’accomplir des miracles ; ce que nous offrent les ultimes secondes de ce chemin magnifique vers la réconciliation avec soi-même.


[Clip] Cavale – Tender & Wild

C’est bel et bien une nouvelle aube qui resplendit pour Cavale. Ainsi, « Tender & Wild », trip cosmique dont les illustrations se suivent sans jamais se ressembler, ne peut à aucun moment être identifié à une quelconque forme artistique, traçant les contours d’une musique ayant toutes les apparences d’une renaissance. Les tableaux, mouvants et précis, s’entremêlent, se conjuguent, se complètent. Les regards s’embuent de larmes et laissent jaillir les fleurs d’une terre vierge sur laquelle chaque intention peut germer, pour peu que l’on se concentre sur elle. De même, le chant de Cavale s’épanouit et hypnotise les œuvres picturales que nous admirons, inattendues, palpitantes. Quatre minutes d’une exposition vivante et ouverte à l’interprétation mentale et émotionnelle que chacun s’en fera ; une liberté qui nous happe, par ses ambitions et sa générosité créatrices.


[EP] Huit Nuits – Entre deux mondes

28 février 2020 (autoproduction)

Il pourrait s’agir d’un drame sur le point de se produire ; d’un ultime appel, à deux voix. Il pourrait aussi s’agir d’une nuit transpercée par une lune incandescente, de formes et d’ombres que l’on distingue sans pouvoir les nommer. Mais, plus que tout, « Entre deux mondes » scintille tel une étoile au firmament, guide céleste qui nous aidera à nous évader de nos perditions. La beauté évanescente des guitares, percussions et cordes berce l’âme en peine, tandis que le constant dialogue masculin et féminin, mariage de la gravité et de l’angélisme, ouvre grande la frontière de nos dualités intérieures. « IntraMuros » brise les murs du silence et de l’introspection, de la soumission aux codes étriqués de la communauté. Plus loin, les intonations jazz de la piste éponyme incitent à entrevoir, au-delà des apparences, un trio de saltimbanques observant nos sources indicibles de réjouissance et de réconfort. La poésie splendide et tragique du désir d’évasion. Le calme précédant ces décisions si difficiles à prendre mais qui, grâce à Huit Nuits, deviennent des évidences.

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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.