[Live] Jungle et Rae Morris au Trianon

On ne compte plus les concerts de Jungle à Paris depuis son apparition en 2014. Dès lors, le groupe s’est vite affirmé comme une référence scénique, avec ses hymnes soul-pop saveur smoothie, ainsi que son live-band étendu et habité. De quoi être exigeant à l’occasion de son retour. Voici notre verdict, accompagné du récit de la performance de la plus rare et secrète Rae Morris, figure montante mais méconnue de la pop made in UK.

Jungle – crédit : Fred Lombard

Anglaise très rare sur les scènes parisiennes, Rae Morris est venue proposer un show inattendu en première partie. Loin des bases très organiques de ses premières compositions, consistant à des solos en piano-voix, la voici métamorphosée en diva pop sur les productions de « Someone Out There » plus assumées, signées Fryars et Ariel Rechtshaid. Sans groupe, accompagnée de bandes-son, elle prend parfaitement l’espace de la scène pour envoyer ses petits tubes portés par son grain de voix si singulier.

« Reborn » et « Atletico », deux singles de son disque, enveloppent le Trianon dans son univers pop décalé un brin surproduit, mais interprété avec brio. « Do It » s’impose, quant à lui, comme une brillante partition pop qui n’aurait pas volé sa place dans les hits de l’été, alors qu’un effort de mise en scène se produit pour « Wait for the Rain » sur lequel la Britannique a sorti son parapluie.

Un peu surpris au début par le ton assez différent du groupe qui va suivre, le public parisien se laisse prendre au jeu. La marque, on l’espère, d’un nouveau départ pour cette artiste assez précieuse Outre-Manche, mais quasi inconnu chez nous, mis à part pour ceux qui ont reconnu sa voix sur d’autres albums, tels que ceux de Bombay Bicycle Club, Fakear ou encore Prequell. La performance est entrecoupée de quelques chansons au piano, le point de départ des partitions de ses titres pour celle qui vient d’un univers plus acoustique à l’origine. En fin de set, « Rose Garden » affirme peut-être plus fortement la spécificité de la chanteuse, qui ravive quelques lueurs électro sur un titre étrange et quasi Björkien. Tout n’est pas parfait, mais ce qu’on entend est franchement atypique dans le paysage pop anglo-saxon.

Parmi les meilleurs groupes live des cinq dernières années, Jungle a une place particulière dans nos préférences. Toutes ses scènes parisiennes, nombreuses, se sont révélées particulièrement épiques : en formation à sept, les Londoniens enflamment aisément le dancefloor avec leurs tubes nu-soul et sont devenus des poids lourds du label XL Recordings, grâce à un premier disque éponyme d’une fraîcheur bienvenue.

L’arrivée du nouvel album, annoncé par ce retour sur scène, nécessitait la confirmation qu’on ne les avait pas perdus en route pour ce tournant majeur – le « sophomore full-length », comme disent les Anglais pour désigner le second long-format d’une carrière, ce dernier ayant parfois mauvaise réputation. Bien au contraire, les Londoniens reviennent aujourd’hui plus grands et plus forts, dans une salle du Trianon propre à leur nouvelle mesure. Seul changement à noter : une deuxième choriste s’ajoute dans le live-band.

« Happy Man » ou encore « House In LA » ont donné le ton en studio, après avoir étés révélés sur la toile il y a quelques semaines, l’un délicieusement funky, l’autre plus onirique ; bref, du Jungle. Fidèle à la tradition, le groupe les a transcendés sur scène, avec des interprétations nickel redoublant d’intensité dansante pour chaque partition. Le son de la formation transmet toujours cette chaleur moite qui fond comme un smoothie sur la langue mais, au gré des nouveautés qui interviennent sur la setlist, on sent une teneur résolument plus funky, où la guitare trouve un certain espace, dans un esprit plus Parcels peut-être. Les nouveaux Bee Gees séduisent ainsi sur des sons inédits dont ils nous confient parfois les titres, comme « Cherry » ou « Lucky », et tout cela sent fort bien l’été sur la plage.

Les anciens morceaux ont également leur place dans la fête, tels que les désormais classiques « The Heat » ou « Platoon ». Mais, en clôture, ce sont toujours les mêmes qui enflamment la fosse : « Busy Earnin » et « Time », qui se dupliquent sur des boucles infinies et apportent une forme de jouissance extrême à un public totalement en transe.

Ainsi, Jungle confirme son statut de groupe déjà culte sur scène, toujours intense, généreux sans virer dans le trop spectaculaire. La formation au complet n’a rien perdu de sa superbe, et rend ses passages à Paris assez spéciaux : « This is our best show of the tour so far », confient les deux leaders. Pas de doute que les festivals français vont bouillir avec leur présence. Prochaine étape : Solidays. On a hâte d’y être ; et vous ?


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens