[LP] Julie Roué – Jeune Femme

L’art de la bande originale de film ne révèle son ouverture à toutes les possibilités dès lors que les artistes livrent, sur les images qui leur sont offertes par les réalisateurs, une vision à la fois respectueuse, inédite et complémentaire du travail auparavant effectué. Dans le cas de « Jeune Femme », Julie Roué ne s’est pas simplement contentée d’écrire quelques mélodies valorisant le travail de la réalisatrice Léonor Serraille ; elle en a rédigé une partition aussi fidèle que personnelle, donnant aux images une puissance évocatrice supplémentaire et admirablement en phase avec son sujet. Un véritable album, sans temps mort et bercé de mélodies et d’influences mouvementées et communicatives.

Ces derniers mois, « Jeune Femme » de Léonor Serraille s’est fait une solide réputation, entre une Caméra d’Or à Cannes et le Prix du Meilleur Film Français au Champs-Élysées Festival. Et pour cause : l’histoire de Paula, trentenaire de retour dans la capitale et devant reconstruire sa vie, reflète sans conteste une situation sociale de plus en plus oppressante pour les jeunes femmes qu’elle représente : comment être, alors que tout semble jouer contre nous ? La bande-annonce, portée avec conviction et passion par la jeune comédienne Laetitia Dosch, oscille ainsi entre l’ironie et le regard porté par ceux qui, du moins en apparence, pensent avoir mieux réussi que Paula. Ce qui se révélera être une erreur ; c’est du moins ce que l’on souhaite, et que l’on découvrira en salles le 1er novembre prochain. L’un des éléments frappants de ces extraits, c’est la bande-son de Julie Roué, d’un optimisme rare et amusant, sans pour autant devenir ridicule ; comme si les mésaventures de Paula devaient trouver une catharsis dans leur illustration musicale, ce que la compositrice s’emploie à développer tout au long de sa remarquable recherche de mélodies aptes à soutenir l’héroïne. Le résultat et d’une fougue et d’une justesse exceptionnelles, entre tendresse et désinvolture.

« Like a dog », presque moqueur, nous fait pénétrer dans l’égarement sentimental de la victime du destin que la pellicule introduit, dans son besoin d’affection et d’une présence physique à ses côtés. De même, chaque chanson sera un état d’âme autant qu’une libération, une extase avant la descente. La douceur hypnotique de « Revolution Day » amorce une mélancolie presque livrée à l’abandon, au relâchement, avant de se ressaisir et de ne pas laisser le désespoir et la dépression s’installer (à ce titre, le remix présenté plus loin se montrera aussi encourageant que réaliste). Le nocturne « Chelsea Hotel » cède la place à la sensualité et à la séduction, à ces traits de personnalité perdus mais pourtant innés à la femme qui les expose, en toute humilité et lascivité. « Keep Me Alive » éveille, retentit et console pour mieux reprendre un envol largement mérité, hors des conventions ou d’insipides critères extérieurs de réussite, alors que « Montparnasse » impose l’inéluctable solitude du bilan, de la renaissance, de la résurrection de ce qui semblait perdu. Aidée par Thibault Lefranc sur le rock dansant et jouissif de « Tell Me Baby », présence masculine aussi caressante que charmeuse, Ludmilla Dabo dans les accords et paroles d’une franchise exemplaire de « Baby You Ate My Soul » et Leon Birdman sur l’hystérique « I See You », Julie Roué déroule sous nos yeux une liste de caractères tous plus attirants les uns que les autres, et que Paula, et Léonor Serraille à travers elle, évitent avant de les embrasser comme faisant intrinsèquement partie d’elles-mêmes.

Réinventant le procédé de l’écriture harmonique au service du long-métrage, Julie Roué a réussi le tour de force de laisser résonner, au-delà du simple visionnage, les états successifs par lesquels Paula est obligée de passer pour, à nouveau, être Paula. Une étude de l’identité, des influences et de la certitude, qu’il nous tarde maintenant de savourer sur grand écran. Mais aucun doute n’est possible : tout ce que l’on sait de « Jeune Femme » est vrai ; ne reste plus qu’à admirer la conjonction de ces deux mondes dans les salles obscures, ce que nous vous invitons à faire dès mercredi prochain !

crédit : Julie Balagué

« Jeune Femme » de Julie Roué est disponible depuis le 27 octobre 2017 chez Milan Music.


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Raphaël Duprez

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