Figure de la scène électronique française dont l’aventure musicale a commencé dans les années 90s sous l’entité Hermetic Unity, le DJ et producteur John Lord Fonda fait partie de ces artistes qui n’ont peut-être pas accédé à la notoriété populaire des emblématiques Agoria, Vitalic et The Hacker, mais ont façonné avec passion et abnégation, mais aussi représenté dans le monde la fraîcheur insolente de la fameuse French Touch dont le spectre musical, avec le recul, était d’ailleurs d’une étonnante diversité. Dans la musique de John Lord Fonda se manifeste aujourd’hui avec toujours autant de générosité l’esprit libertaire et libérateur de la rave music (« We Can’t Breathe »), mais auquel s’additionne avec une cohérence vibrante l’influence des grands producteurs de Détroit ; en particulier ceux associés au label militant Underground Resistance, mais aussi l’ascétisme stylistique d’un des maîtres « jedi » de la techno mondiale, l’iconique Dave Clarke, d’ailleurs présent dans ce numéro singulier d’Entourage. Des confidences relationnelles esthétiques et humaines qui présentent d’ailleurs JLF, loin de l’archétype complètement monomaniaque de l’artiste techno, comme le démontre d’ailleurs avec beaucoup de nuances son dernier album « Walk Again », sorti fin 2021, contenant à la fois la matière rythmique incandescente propice à enflammer l’atmosphère moite du plus bouillonnant des clubs undergrounds (« Antartica ») comme de suggérer de puissantes images mentales cosmiques (« Little Jazz »).
Cora Novoa
C’est une artiste espagnole, DJ et productrice. Elle est très active, c’est une grosse bosseuse. Je l’ai rencontrée pour jouer au Zen Club à Barcelone en 2011, au moment de la sortie de mon 2e album « Supersonique » ; c’est elle qui m’a invité, car j’avais remixé un morceau à elle, « Hours and Hours ». J’y ai donc fait un live qui s’est très bien passé, le public était chaud. Bon, j’avais un mal de ventre terrible avant de jouer, trac ou indigestion, je ne sais pas, mais je me souviens d’avoir été particulièrement chiant dans les loges ! J’aime bien ce qu’elle produit, c’est sombre et inquiétant, c’est de plus en plus spé, ce qu’elle faisait au début était plus joyeux que maintenant ! Je suis régulièrement toutes ses sorties. Je vous propose donc de découvrir un de ses morceaux, « Del Reves » , sorti récemment sur Turbo.
The Micronauts
Je connais Christophe Monier depuis presque 15 ans, ça remonte à la période où il a sorti sur Citizen « Damaging Consent » (un double LP combinant un album et une compilation de remix) en 2007. On a pas mal tourné ensemble autour de cette période, on partage un même point de vue sur la scène électronique en général, même si nos goûts musicaux diffèrent. Sur mon deuxième album, j’ai proposé à Christophe de mixer trois morceaux, car je trouvais son travail sur « Damaging Consent » particulièrement réussi : « Emiliana », « Bang » et « Supersonic ». J’étais très content du résultat à l’époque, je lui ai donc proposé de mixer mon 3e album « Walk Again », pour un résultat tout aussi qualitatif. J’ai suivi certains de ses conseils, notamment d’éviter les reverb’ de 30 secondes (un mal venu de l’ambient…). Son travail sur « Walk Again » s’est étalé sur presque un an, c’est super, il a su trouver le bon équilibre. À découvrir, son single « Reaction » sorti donc en 2007.
Abul Mogard
Là, on s’éloigne du cercle proche et on arrive sur les zones d’influences plus générales. J’ai découvert Abul Mogard récemment, c’est un artiste dont ne sait pas grand-chose, si ce n’est que son histoire abracadabrantesque est fausse du début à la fin, et que sa musique très aérienne est d’une profondeur rarement atteinte et une source d’inspiration continuelle. Pour quelqu’un qui n’écoute que du dancefloor, ça peut être une musique ennuyante dans laquelle il ne se passe rien. Mais moi, j’adore ! Le travail sur les soundscapes et autres arrière-plans sonores sont une influence, même si elle est ténue dans mes morceaux. J’aime beaucoup « Above All Dream », l’album qu’il a sorti en 2018 sur Ecstatic. Et qui s’ouvre sur « Quiet Dreams ».
Dave Clarke
C’est une influence majeure, mais aussi un personnage impliqué politiquement et très investi sur la scène. Il a un bon gros caractère, il n’a jamais cédé aux sirènes des modes. Il m’a fait jouer sur un gros festival il y a longtemps (Mystery Land) et a joué régulièrement certaines de mes productions dans son émission « White Noise », j’en étais fier, car c’est une référence. C’est de lui dont je me suis inspiré pour mon « Music is not Compter Algebra », avec de la sidechain sur la basse, bien poussive ; un truc martelé avec une voix robotique qui répète tout le temps la même chose. Nous avions parlé un peu sur ce festival, je l’avais trouvé vraiment sympa. Ici en écoute un track assez ancien, « What Was Her Name », sorti sur Skint vers 2006, très électro-tek.
Max Cooper
Je l’ai rencontré à L’Autre Canal, à Nancy, on a discuté un peu, il m’a raconté faire de la musique à côté d’études de généticien (enfin, à l’époque). Il m’a fait l’effet d’un type très geek, hyper carré dans ce qu’il fait et en même temps très à l’écoute. C’est un gros technicien, sa musique a beaucoup évolué, notamment vers quelque chose de plus electronica, presque ambient, beaucoup plus produit. Il a partagé sur Instagram des captures d’écrans de ses projets Ableton, la complexité à l’écoute se retrouve sur les photos partagées ! Certains critiquent justement cet aspect trop produit, pas assez brut de sa musique. Moi, c’est justement ça que je recherche ; peu de musiciens s’y adonnent, car il est facile de se perdre dans les mille-feuilles sonores et donc, on n’est pas assuré du résultat. Lui et Jon Hopkins ont une production assez similaire, mais la sienne est plus clinique que Hopkins, qui lui, a un son plus chaud et plus acoustique parfois. Les deux ont d’ailleurs un certain goût pour le classique et la musique contemporaine (Cooper a sorti un LP autour des œuvres de Philip Glass). En ça et aussi de par l’aspect ambient de leur musique, je m’y retrouve totalement. Je range aussi Rival Consoles à côté d’eux. Voici « Hope » qu’il a sorti en 2018. Je l’écoute régulièrement, car je trouve ce morceau très positif.
Les grands albums de musiques électroniques conçus en tant que tels, et pas comme des agrégats en forme de compilations ne fonctionnent pas tout à fait sur les mêmes mécanismes créatifs que le format maxi dominant dans la sphère club et DJ de la techno et de l’electro. Ainsi l’album de John Lord Fonda, « Walk Again », active le principe narratif d’un fil conducteur ténu, sans verser toutefois dans un exercice cinématique total. En ce sens, il s’inscrit dans une expression électronique contemporaine hybride aux côtés de récents longs formats, comme ceux de Nathan Fake ou encore The Field. Loin d’être une œuvre conceptuelle et abstraite, elle garde profondément son ADN dancefloor, tout en apportant un soin particulier dans les petits détails qui font beaucoup : une voix samplée ici, nappe immersive là… Le travail sur le son, avec la complicité décisive de Christophe Monier, donne beaucoup d’ampleur et d’espace à ces compositions à la métrique souvent martiale, mais à l’apesanteur totalement onirique et sci-fi. Cet album parle ainsi bien évidemment au corps en premier lieu, mais sait aussi aller titiller l’imaginaire avec ces réminiscences spectrales et fantomatiques qui le hantent. Pour prolonger le plaisir de ce LP imposant, se découvre depuis quelques heures, une version vocale extatique du morceau « Together Again », rappelant les liens étroits entre l’univers de la techno et celui des néo-romantiques de Depeche Mode, Ultravox et autres Orchestral Manoeuvre in The Dark, à travers le chant particulièrement expressif de Gabriel Afathi, du trio dijonnais The George Kaplan Conspiracy, qui transforme cette pièce sombre en un hit electro-pop absolument jubilatoire.
Retrouvez John Lord Fonda sur :
Facebook – Twitter – Instagram – Soundcloud