[Live] John Garcia and the Band of Gold et Dead Quiet au Ninkasi Kao

L’année 2019 s’annonce pour bien des salles lyonnaises difficile compte tenu des nouvelles dispositions du décret de 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. Si certaines ont déjà annoncé des annulations de dates de groupes refusant de se plier à d’impossibles contraintes pour rester en dessous des limites fixées, d’autres font a priori ce qu’elles peuvent et continuent d’aligner des plateaux dont on sait que les niveaux seront franchis. Tous le disent : cet arrêt signe la mort du concert de rock (et, in extenso, de metal) dans les petites salles, où la seule présence d’un batteur à quelques mètres de la mesure tue dans l’œuf tout espoir de rester en dessous des fatidiques 102 dB. Mais peu importe, en cette fin janvier, deux groupes étaient précisément réunis au Ninkasi de Gerland pour faire du bruit, au plus grand bonheur des spectateurs présents, qui devrions-nous le rappeler, étaient aux dernières nouvelles tous des adultes responsables et conscients de s’exposer – avec ou sans bouchons – à de tels niveaux « d’agression » sonore consentie. Retour sur un joyeux vacarme.

Lundi soir oblige (et les travaux sur la ligne de métro qui dessert la salle n’aidant pas), les hostilités commencent à 20 heures tapantes. Nous ratons donc un petit quart d’heure de la première partie, assurée par les joyeux drilles canadiens de Dead Quiet – un nom ô combien trompeur. En effet, le quintette de Vancouver, venu défendre la ressortie internationale de son premier album éponyme (initialement paru en 2015), et au passage leur second opus de 2017, « Grand Rites », s’avère particulièrement bruyant en live. Officiant dans un registre surfant sur la nostalgie pour le hard rock et le heavy psych des années 70 mais amplifié à un tel point que le tout sonne aisément comme du stoner, les compositions alternent entre gros riffs taillés pour le live et pour faire s’agiter bassins, bras et cervicales, soli héroïques et harmonies à deux guitares mélodiques très heavy et nappes de claviers à la Deep Purple franchement bienvenues pour lier le tout avec un groove très organique. Le tout assuré dans une ambiance bonne enfant limite farceuse par un frontman drôle et charismatique, visiblement très content d’être là. L’énergie est communicative et on sent que ces musiciens apprécient de prendre une scène ensemble pour transmettre leur musique à un public qui se densifie de plus en plus. L’authenticité de la démarche palliant les quelques petits pains qu’on aura relevés ici et là et qui font presque sonner tout ce barnum très référencé avec toute la fraîcheur d’un groupe un peu punk qui ne calcule pas ses effets et qui, surtout, ne se la pète pas une seule seconde.

À peine le temps de reprendre notre souffle et de descendre une pinte que l’on voit passer les musiciens du Band of Gold pour les derniers réglages sur scène, annonçant un début de concert imminent. Sur le côté, dans la pénombre, à côté de l’accès aux loges, le plus jeune fils de John Garcia, un casque de réduction des bruits solidement vissé sur le crâne. La foule est dense à présent, et le trio guitare – basse – batterie attaque le concert par une introduction instrumentale de « Molten Universe », un titre de Kyuss, avant que le maestro chanteur ne débarque sous les acclamations et ne lance pour de bon le show. Trois morceaux du dernier album solo de Garcia sont ainsi joués en guise de hors-d’œuvre, et puisqu’il faut quand même le reconnaître, parce que l’album est plutôt solide dans le genre. Mais lorsque résonnent les premières notes de « Conan Troutman », et surtout de « Gardenia », le public devient fou. Comme si quelqu’un avait tourné le bouton de l’ambiance (et des amplis) sur 11, la foule s’agite frénétiquement dans tous les sens et la soirée passe à un niveau supérieur de folie. « One Inch Man » ne calme pas le jeu, bien au contraire, et il faut attendre quelques minutes et le retour à des titres du dernier album pour reprendre notre souffle et nos esprits.

Mais la suite est de belle facture, puisque d’autres classiques incontournables de Kyuss sont déroulés devant un public qui en redemande. Préférence personnelle pour le monumental « El Rodeo », que les trois musiciens étirent à loisir sur la fin et que Garcia s’amuse à gémir théâtralement avec un public à l’unisson. Difficile de récupérer après une telle claque, et le public sera comme anesthésié pendant vingt minutes après cette tornade. Pourtant la fin du set principal nous réserve encore « Space Vato » mais surtout « Hurricane » et « Green Machine », qui finissent de nous achever. Ça pogote un peu partout, quelques mecs bourrés font des danses chamaniques, pinte en main, regard de fou et bave aux lèvres. L’ambiance est euphorique, le son de basse proprement monstrueux et chaque musicien se voit donner l’opportunité de faire un petit solo lorsque Garcia les présente au public. Le son Kyuss n’a pas pris une ride et pour bien des membres de l’assistance, c’est comme si l’on assistait à un concert de la formation culte, il y a vingt ou vingt-cinq ans et non à un concert solo de Garcia et ses musiciens. Petite pause avant le rappel qui enchaîne deux autres classiques de Kyuss, « Supa Scoopa » et « Whitewater », avant de terminer sur un ultime titre du dernier album, « Kylie », comme pour nous rappeler que si la flamme de Kyuss brûle encore – et avec quelle ardeur ! – c’était bien de Garcia et de son héritage musical dont il était question ce soir-là. On regrettera alors simplement l’absence au compteur d’une reprise d’un titre de Hermano ou mieux, de Slo Burn, deux autres projets de cet exceptionnel chanteur.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique