[LP] Jacob Pavek – Illume

Entre la méditation et la réflexion, l’hypnose et la constance, Jacob Pavek évoque avec « Illume » l’histoire de ses ressentiments. Le rapid fire composing : c’est ainsi que l’Américain nomme son art gangrené par la mélancolie.

Jacob Pavek - Illume

On peut l’écouter inlassablement. Il est majestueux, très vieux et énerve un peu. Il est celui qu’on approche un jour, qu’on touche en passant ou qu’on caresse. On ne le présente plus. Il se place dans l’ancestral comme dans le contemporain. Il traverse les époques sans prendre une ride ni même s’altérer. Il est égal à lui-même mais aime être accompagné. Il est quand même plus honnête en solitaire. Il est toujours sur son 31, vêtu d’un noir et blanc éclatant. Il est si difficile d’en dire du mal, tant il est irréprochable.

Trêve de fleurs lancées ; le piano n’en a pas besoin. Surtout quand son virtuose, qui active à la va-vite mille et une harmonies, est celui dont il a toujours rêvé. Dans le carcan continuellement surprenant du modern classical, l’Américain Jacob Pavek se plie en quatre pour son premier bébé. « Illume » est une sorte de conte romantique qui se veut être du yoga pour beaucoup et une vraie prouesse pour d’autres, tout simplement parce que cet album est à la fois intense et relaxant. On pourrait alors le décrire comme volage et constant. Dans une définition un peu plus abstraite, on dira que le quelque part et le nulle part se confondent ici. Jacob me dit que « Les trois premiers titres sont des pièces composées antérieurement et qui ont inspiré la trame de l’album. Je suppose que je viens de trouver la meilleure façon pour moi de canaliser mes énergies dans le piano à travers les formules utilisées. Ces trois pistes sont venues assez rapidement. Le motif répétitif de la main droite dans « Tonight, Tomorrow » et « Illume » est à la fois intense et très relaxant à jouer ; quelque chose je peux me perdre tous les jours. »

Tout ceci est subtilement amené par les trois premières pistes qui troublent une quelconque technique ou perception classiques. C’est la rapidité et la lourdeur des pédales qui donnent à ces pistes une moelleuse et divine attraction, cette épaisse cohérence qui au final nourrit notre méditation dans le « nulle part ». Pour ainsi redescendre sur la terre ferme avec « Joey » ou « If I Forget About You, I’ll Never Wake Up », qui valsent constamment avec l’idée de la mesure classique. Puis, la répétition revient avec « Sons And Mothers » et renoue avec les fulgurances du début. On recommence, on inspire une fois, on expire une autre fois et « The Yield » redescend. On espère alors, ne serait-ce qu’un instant, comprendre comment cette matière libre et éthérée fait frissonner tant de peaux.

La mélancolie joue son rôle, comme toujours, et juxtapose à merveille l’histoire du titre de l’album. Jacob me confie dans le même temps le déclenchement de l’écriture : « Quand j’ai commencé à écrire l’album, je rentrais d’une journée de travail ; je me suis servi un cocktail et j’ai joué du piano. Je vivais dans un minuscule studio à l’époque, qui se composait seulement d’un lit superposé et de mon piano. J’ai alors allumé une bougie et commencer à écrire dans un éclairage très faible. Pour moi, les morceaux sonnent comme s’ils apprivoisaient cette ambiance et, quand je les écoute aujourd’hui, une bougie et une petite lampe éclairent mon appartement. »

Jacob Pavek

On le sent très amoureux de son piano, mais pas seulement. La musique instrumentale est un art qu’il affectionne particulièrement : « Une chose que j’apprécie vraiment dans cette musique est qu’elle est, pour la plupart, ouverte à l’interprétation. L’absence de parole amène l’auditeur vers un champ d’interprétations multiples. Nous sommes tous différents du fait de notre histoire, notre culture, notre éducation… Il peut y avoir tellement d’histoires tirées d’une seule pièce. J’adore cette idée. Du coup, j’écris de la musique sans intention particulière. Je joue simplement, sans forcément vouloir raconter une histoire ou évoquer un sentiment. Il y a très peu de musiques de l’album que j’arrive à cerner car c’est mon subconscient qui fait le travail. »

« Illume » de Jacob Pavek est disponible depuis le 10 avril 2015 chez Unperceived Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante