[LP] Ithak – Black Nazar Corporation

Entre rock abrasif et expérimentations sonores, l’album de Ithak ne ressemble à rien de connu et dénote dans la production musicale actuelle. Un pari risqué mais relevé de main de maître, pour un résultat totalement original ; à ne cependant pas mettre entre toutes les oreilles.

Ithak - Black Nazar Corporation

« Black Nazar Corporation » débarque sans crier gare, avec une volonté croissante de ne pas jouer sur des chemins déjà empruntés par de nombreux artistes en quête de nouvelles sonorités. Au contraire même, tant le quatuor français pense chaque titre, le malmène, le triture, et lui donne au final une apparence hors norme, créant ainsi une collection d’objets musicaux hybrides et radicaux. Avec ce disque entre frénésie et mystère, Ithak joue dans une cour déserte, parfois partagée avec d’autres alchimistes de la scène hexagonale (on pense à Ulan Bator dans la démarche artistique du projet) mais conservant précieusement son propre territoire. Le voyage n’en est que plus intrigant et palpitant.

Dès « Kaaba Moonlight », prémices ténébreuses d’un LP qui l’est tout autant, le bien-fondé de la volonté du quatuor apparaît immédiatement, mélangeant cassures rythmiques, guitares saturées et solo agité de saxophone pour une atmosphère à la fois pesante et extrêmement précise. Les mélopées et chants orientaux prennent également la place qui leur est due dans ce maelström hypnotique et stroboscopique. Ce que viendront confirmer, au fil de l’écoute, l’électro-noise de « Day Machine », titre épique et progressif, ou encore l’excitation brute de « El Mektoub », élan psychédélique inattendu et parfaitement mené, dans une cohérence harmonique qui n’était pas gagnée d’avance. Plus rock dans l’âme, « Je Fly » tourmente nos chairs meurtries, tandis que synthétique et organique s’unissent à la perfection sur « Totem », moment de transe pendant lequel chacun est assujetti et soumis à la cause de ce groupe décidément incomparable.

Nazar, le mauvais œil, n’a finalement pas sa place ici ; ou plutôt, il ne regarde pas ses concepteurs, ceux-là même qui exorcisent leurs démons et les nôtres à grands coups de griffes et de riffs. Ithak nage à contre-courant, s’octroyant une liberté artistique fière et réellement louable, même si elle en rebutera plus d’un. Sans être trop intellectuel, l’art de ces musiciens pourra paraître hermétique, ce qui s’avèrerait dommage au vu des nombreuses possibilités émotionnelles que l’album contient et conserve précieusement, écoute après écoute. Une manne noise et inclassable dans un paysage souvent trop lisse, mais où Ithak parvient sans commune mesure à imposer son langage si particulier et terriblement marquant.

crédit : Marie Benattar
crédit : Marie Benattar

« Black Nazar Corporation » de Ithak est disponible depuis le 25 mars 2016 chez Bzzz Records.


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Raphaël Duprez

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