[Live] Irontom et Jamie T au Roxy Theatre de Los Angeles

C’est un mercredi soir, le 3 décembre 2014 à Los Angeles et, comme tous les soirs à LA, il y a l’embarras du choix en ce qui concerne la musique live. Que faire ? Aucune hésitation sur le bon plan : direction Sunset Strip. Exceptionnellement, il pleut, mais, tout aussi exceptionnellement, ça circule. Je dépasse les lieux emblématiques de ce célébrissime bout de chemin : In-N-Out Burger, Amoeba Records, House of Blues, The Viper Room, Whisky a Go Go et enfin, au 9009 Sunset Boulevard, The Roxy. À l’affiche : le Britannique Jamie T avec, en première partie, un de mes favoris locaux, le jeune quintet Irontom.

Jamie T - crédit : Tamarind Free Jones
Jamie T – crédit : Tamarind Free Jones

Je prends ma place habituelle pour Irontom, au centre, devant le micro du chanteur Harry Hayes. Je ne compte plus le nombre de soirées passées en compagnie d’Irontom. Il en est de même pour des visages familiers qui m’entourent près de la scène et les trois photographes présents pour documenter le set. Ce dont je me souviens, c’est que notre rencontre initiale date du 1er juillet 2013, alors que le projet jouait en première partie d’un groupe qui n’a pas laissé un souvenir impérissable. Ce soir-là, Irontom était une révélation, un concentré d’énergie et de « showmanship » qui m’a instantanément séduite. Irontom, c’est Harry Hayes (chanteur), Zach Irons (guitare), Dane Sandborg (basse), Dylan « Dyl » Williams (batterie) et Daniel Saslow (claviers).

Leur répertoire comporte deux EPs et quelques singles, la plupart produits par Alain Johannes, multi-instrumentiste ayant collaboré avec Queens of the Stone Age, Dave Grohl, Arctic Monkeys, et Brody Dalle, pour n’en citer que quelques-uns. Leur dernière chanson, « La Minista » (produite par Jack Irons, batteur des Red Hot Chili Peppers et Pearl Jam), vient d’être mise en images dans une vidéo surréaliste inspirée de la peinture de Dalí, et dans laquelle l’acteur Charlie Sheen fait une apparition, le tout sorti en collaboration avec Rolling Stone. À propos d’Irontom, Sheen dit : « C’est comme l’enfant de Led Zeppelin et des Beatles élevé par des loups. » La description convient à merveille. C’est du vrai rock qui puise dans des sources assez « classiques », mais avec une pointe de folie sauvage.

Irontom démarre avec un morceau court appelé « Prior to », bien connu des fans. Une intro instrumentale conduit vers une note chantée haut et fort pendant trente secondes, ce qui relève de l’exploit vocal. C’est impressionnant et ceux qui ne connaissaient pas encore ce groupe sont maintenant captivés et s’interrogent sur ce qui va bien suivre cette entrée en matière. En face de cette interrogation, une autre, mais en forme de chanson : « What Will Happen to All the Indie Stars ? » (Que va-t-il donc se passer avec la musique indie ?) qui évoque les défis des artistes d’aujourd’hui pour se faire connaître. Bien que le chanteur du groupe, Harry Hayes, sache jouer de la guitare, Irontom choisit de laisser ce rôle exclusivement à Zach Irons. C’est une sage décision, de plusieurs points de vue. D’une part, Zach assure avec brio et virtuosité. D’autre part, cela permet à Harry Hayes d’avoir les mains libres et d’offrir aux spectateurs une expression faciale et corporelle dynamique et envoûtante. Quant au groupe dans son ensemble, c’est une entité soudée et cohérente qui donne à chacun l’occasion de briller tour à tour. On prend autant de plaisir à regarder jouer Dyl se donner à fond à la batterie, qu’à écouter Dane à la basse, ou suivre un solo sophistiqué de Daniel au clavier.


Le setlist comporte un mélange de titres récents et plus anciens, ainsi qu’une cover très réussie de « Feel Good Inc. » de Gorillaz :

Prior to
What Will Happen to All the Indie Stars?
The Minista
Mind My Halo
Goin’ Slow
In the Day and the Dark
Feel Good Inc.
Your Mother


Le titre « Goin’ Slow » demeure un des moments forts de chaque concert d’Irontom. La chanson commence assez lentement et sagement. On s’attend à une respiration, à une belle ballade rock. On se trompe. Le titre s’intensifie peu à peu, culminant dans une zizanie instrumentale qui, par miracle, se dissipe ensuite et se distille en quelques notes au clavier qui bouclent joliment la symphonie folle avec un retour à la douceur initiale. La version enregistrée est magnifique ; en live, c’est époustouflant et terriblement excitant à voir.

Lorsque Harry annonce « In the Day and the Dark » une admiratrice hurle « Waouh ! Ça fait si longtemps qu’ils ne l’ont pas jouée, celle-là ! ». D’autres habitués autour de moi acquiescent. C’est dire s’il y a des personnes qui aiment tellement ce projet qu’ils ne ratent jamais un spectacle. Au fur et à mesure, ça chauffe ; Harry laisse tomber la veste, Dyl à la batterie enlève son t-shirt. Ambiance !

Le set se termine par une chanson plus récente et vite devenue une des plus attendues du groupe: « Your Mother ». La foule applaudit sans répit et lance des cris de « Yeah ! ». Harry Hayes remercie la salle et invite les spectateurs à venir à leur rencontre au cours de la soirée. La sympathie, la disponibilité et l’appréciation des fans font également partie de l’expérience Irontom. Le spectacle est fini, mais la salle continue à applaudir après que le rideau est tombé. Le lendemain, j’apprends par Harry que Jamie T a dit le plus grand bien de la prestation des jeunes Angelenos. Un projet à découvrir et à suivre absolument.

Quelques dizaines de minutes d’attente pour une nouvelle mise en place et le rideau se lève. Jamie T arrive sur scène accompagné de ses quatre musiciens : Chris Woodhead (guitare), Vicky Smith (batterie), Shaun Paterson (basse) et Matt Jones (claviers). L’accueil est chaleureux et un sourire se dessine sur les lèvres du Londonien de 28 ans. Un hochement de tête et un « Hello » très amical est suivi d’une question : « Est-ce que vous souffrez du décalage horaire aussi, vous? ». On apprendra plus tard que le voyage depuis San Francisco, où ils ont joué la veille, situé à environ une heure d’avion de Los Angeles, a duré sept heures en raison des retards à l’aéroport. Le set commence tout comme l’album récemment sorti, « Carry on the Grudge », par le titre « Limits Lie », suivi par un single du même album « Don’t You Find ».

Il est difficile de voir jouer Jamie Alexander Treays, dit « Jamie T », sans penser à Joe Strummer de The Clash, groupe que Jamie affectionne et cite comme influence. Veste en cuir noir sur chemise à manches courtes, jean noir, baskets en cuir noir, c’est l’uniforme du rockeur intemporel par excellence. Par moments, Buddy Holly vient également à l’esprit en raison de la coupe de cheveux classique et courte ainsi que sa façon de bouger sa jambe en jouant de la guitare. Holly tapotait de la jambe droite ; Jamie favorise la gauche.

Jamie joue souvent de profil avec son pied gauche surélevé sur une caisse posée au sol. On aperçoit ainsi, au dos de sa veste, le dessin de la couverture de l’album « I Wanna Get Rid of You » (En français : « Je veux me débarrasser de toi ») du groupe garage/punk des années 70, Psychotic Pineapples. Choix vestimentaire ironique, car le grand thème de la soirée sera les retrouvailles. Retrouvailles avec Los Angeles, retrouvailles avec des chansons des deux premiers albums enregistrés en 2007 et 2009, retrouvailles avec une carrière sur scène après cinq années d’absence. Cela fait sept ans que Jamie T n’avait pas joué à Los Angeles et tout le monde, lui le premier, se réjouit de cette réunion à la fois inattendue et tant attendue.

À l’évidence, l’artiste a envie non seulement de partager sa musique, mais également d’échanger au cours d’une conversation avec la salle qui, avec une capacité de 500 personnes, reste très intime par rapport à l’Alexandra Palace à Londres où il a récemment joué deux dates à guichets fermés devant 10.000 personnes. En réponse à un grand « Welcome back ! », il répond « Thank you ! » et qu’il est ravi d’être là. Il s’excuse d’avoir apporté la pluie avec lui depuis Londres. Il présente sa batteuse Vicky Smith en racontant qu’il aimerait bien que tout le monde l’appelle « Vicky Hurricane ». Il explique de manière très personnelle que le morceau « Peter » traite du sujet de la schizophrénie et de la maladie mentale. Quelques chansons plus tard, il fournit de plus amples détails sur son retour à Los Angeles par le biais d’une anecdote savoureuse.

Jamie raconte qu’au sujet de la tournée aux États-Unis, son manager prend des pincettes pour lui prévenir qu’il faut commencer petit, que peu de gens le connaissent maintenant après tant d’années d’absence, qu’il faut avoir des attentes modestes et qu’il convient de faire des choix économiques au niveau des dépenses. Donc pour se rendre chez un ami à Los Angeles, il se sert de l’app Uber afin de réserver un véhicule peu cher.
Il monte dans la voiture avec sa guitare et après quelques minutes, le chauffeur lui demande : – « Est-ce que je peux vous poser une question ? Vous êtes musicien ? »
Il soupire, sans véritable envie de rentrer dans une longue conversation, et répond simplement : – « Oui. »
Le chauffeur continue : – « Je peux vous poser une autre question ? »
« Allez-y. »
« Are you Jamie Fucking T? Where the fuck have you been, man? »

Rires, cris, applaudissements… le concert reprend après cette pause narrative avec un pot-pourri de titres issus de chaque album. Voici quelques-uns des moments forts en rapport avec un morceau de chacun des trois disques.

Tout d’abord, le passage d’une tonalité sérieuse et contemplative à une ambiance de fête. C’est sur le titre « If You Got the Money » du premier album « Panic Prevention ». Immédiatement, les gens sautent, dansent et chantent, surtout avec le refrain « Da-dee-doo-da-da-dee-da-doo-dah… » et les paroles « Ah she wants money, money, money, money, money ».

Un deuxième moment phare vient au moment des rappels avec un titre de « Carry the Grudge », sorti en octobre dernier. Dès les premières notes de « Zombie », la salle manifeste son bonheur. Cette chanson commence par un préambule lent avant de devenir irrésistiblement dansante. Après les dernières paroles de ce passage au ralenti : « You’re not the only one around here who needs a bit of fresh air… », Jamie T prend un malin plaisir à marquer une pause qui semble in-ter-mi-na-ble. Il nous regarde d’un œil taquin, lève les sourcils, se fait désirer, fait durer le plaisir avant de donner le top départ à une course musicale endiablée. Ce temps de pause est ensuite vite rattrapé, car la version live de Zombie s’avère bien plus rapide que la version de l’album, d’environ 15-20%. Personne ne s’en plaint, évidemment. La seule difficulté pour le spectateur à ce moment précis est de savoir s’il faut regarder Jamie, très animé et expressif, ou bien son guitariste Chris dont on ne voit plus très clairement la main droite tellement elle gratte vite, façon Ramones.

Le clou du spectacle et dernière chanson vient de l’album « Kings & Queens », un succès critique et commercial qui s’est classé deuxième des ventes au Royaume-Uni au moment de sa sortie en 2009. Le titre « Sticks and Stones », tout comme « Zombie », se joue en accéléré à un tempo fiévreux. C’est déjà le deuxième rappel et le 14e morceau du concert. La chemise de Jamie T est complètement trempée de sueur, car il a beaucoup donné. Il remercie ses fans et sort de scène, le rideau de velours tombe. On échange des hochements de tête et des sourires avec ses voisins de spectacle, tout en espérant que le prochain retour à Los Angeles ne prendra pas sept ans, même si cette longue absence a rendu nos retrouvailles encore plus remarquables et euphoriques.


Setlist Jamie T

Limits Lie
Don’t You Find
Operation
Peter
Turn on the Light
If You Got the Money
British Intelligence
So Lonely Was the Ballad
The Prophet
Rabbit Hole
The Man’s Machine
They Told Me it Rained
Zombie
Sticks and Stones


Un immense merci à Tamarind Free Jones pour ses photographies :
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Julie Blore-Bizot

Américaine francophone, biculturelle et mélomane en quête de sensations sur scène au cœur de Los Angeles. Twitter : @juliequips