[Live] Iceage au Sonic de Lyon

Fait relativement rare, la seule date française d’un groupe d’envergure internationale tel que Iceage avait lieu à Lyon, et qui plus est au Sonic. Si on peut s’interroger sur les raisons de cette unique date dans une salle – certes aussi culte et singulière que la petite péniche du quai des Étroits – de moins de 200 places pour un groupe qui a aussi bonne presse ici comme ailleurs, cet étrange coup du sort ainsi que quelques autres durant la soirée auront achevé de faire de ce concert une date mémorable dont quelques happy few risquent de se souvenir longtemps.

N’étant pas particulièrement fan du duo d’ambient lyonnais On Hiatus, pour les avoir vu quelques mois plus tôt en première partie d’Autobahn au Farmer, on se permet d’arriver au Sonic plus tard qu’à l’accoutumée, sur les coups de 22 heures pour espérer arriver au début de Iceage. Mais dès que nous posons un pied sur le pont, le sourire goguenard du patron des Lyon nous met la puce à l’oreille : « Tu arrives pile pour la première partie, ils viennent de commencer, on a plein de pépins techniques c’est la merde. ». Quelques autres personnes, dont les orgas du concert nous confirment rapidement la nouvelle : le batteur de Iceage est introuvable depuis deux heures, le concert a été décalé le plus possible et son déroulement est désormais compromis. On croise les autres membres du groupe, un peu hagards et complètement bourrés, qui se baladent sur le bateau, en touristes. Pendant ce temps donc, On Hiatus fait ce qu’il peut pour combler les attentes d’une salle frustrée par un début de concert avec plus d’une heure de retard, et joue dans la pénombre son ambient analogique teintée de nappes de saxophone planant. Et si pendant les premières minutes, l’ennui que l’on craignait répond bien à l’appel, finalement le duo parvient à s’installer dans un groove lentissimo hypnotique qui fait son effet et semble captiver une bonne partie du public – l’autre ayant abandonné dès le début pour fumer et discuter sur le pont. Plus réussi que dans le souvenir qu’on en avait, mais pas totalement convaincant non plus, a fortiori avant un concert qui s’annonce aussi rock’n’roll qu’improbable, On Hiatus tire son épingle du jeu malgré son sérieux un peu blasé, sur les cendres de mes espérances revues à la baisse.

Reste tout de même la pièce de résistance de la soirée, à savoir un concert dont on ne sait toujours pas aux alentours de 23 heures s’il va réellement avoir lieu. Finalement le batteur est retrouvé et le groupe monte sur scène dans un état éthylique avancé, laissant présager du pire pour la prestation qui commence à un bon 23h15. Dès les premières notes de « Hurrah », extrait phare de leur dernier et excellent album en date « Beyondless », on oublie tous nos doutes : ce concert sera grand.

Le public, gonflé à bloc par l’attente, la peur et finalement l’espoir, donne tout dès les premières secondes. Ça sent la joie, la sueur, la bière et le vin rouge et tout le monde beugle les paroles en se sautant dessus. Elias, le chanteur, semble transfiguré. Lui qui était mutique et comme abruti par le vin se montre habité dès qu’il a le micro entre les mains, en prêtre titubant de cette messe punk de dandy ravagé. « Pain Killer », autre extrait du dernier album, rebondit sur les entrefaites du morceau précédent et le concert se poursuit, construisant de morceau en morceau une irrésistible vague d’intensité complètement bordélique, mais remarquablement tenue par des musiciens qui délivrent à merveille l’atmosphère si étrange du dernier album du groupe, tout en carburant à une énergie surprenante, comme s’ils se nourrissaient de l’ambiance folle qui règne dans les premiers rangs du Sonic.

Quasiment tout « Beyondless » sera ainsi joué, avec les particulièrement réussies « Catch It », « Plead the Fifth » et le plus plaintif « The Day the Music Dies » en guise de sommet d’intensité. Curieusement, c’est le prédécesseur « Plowing into the Field of Love » qui sera presque laissé de côté, le groupe ne jouant que « The Lord’s Favorite ». Minuit approchant, on craint le couvre-feu et la fin précipitée d’un concert qui n’aura duré que 45 minutes, mais le Sonic laisse filer et le groupe profite de l’intérêt non démenti du public pour cette prestation sauvage pour enchaîner, jouant ainsi les plus anciennes et agressives « Balm of Gilead » et surtout « Ecstasy », qui déchaîne particulièrement certains membres de l’assemblée. À presque minuit trente, le groupe se retire en fanfare avec « Catch It », comme pour enfoncer le clou d’un concert sidérant, mais pourtant pas gagné d’avance, relevant au passage le défi de troquer les instrumentations sophistiquées de l’album – exit le saxophone – pour une formation de post-punk plus classique et rentre-dedans. Magistral.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique