[EP] I Have A Tribe – No Countries

Sensible et revigorant, le nouvel EP de I Have A Tribe réussit plusieurs paris, dont celui de la guérison. « No Countries » n’a pas de frontières ; elles ne pourraient qu’être subjectives.

I Have A Tribe - No Countries

Patrick O’Laoghaire se voit comme « un homme inachevé », dans le sens où il peut encore tout apprendre. Correct. Sa musique l’était aussi. Au moment de « Yellow Raincoats », elle paraissait en transition, sur le trajet d’une destination alors inconnue. L’Irlandais se cherchait, s’essayait à des sons et des textures, accélérait, ralentissait, sans pour autant atteindre ses désirs. Sa musique était belle, langoureuse et mélancolique, mais comme retenue et emprisonnée dans une pudeur incontrôlée. Est-ce vraiment ce qu’il voulait ? On ne sera jamais sûr. En tout cas, la pochette de « No Countries »  peut appuyer le propos : Patrick semble avoir effacé cet excès de déprime, cette carapace devenue trop envahissante et certainement inconfortable. Délivrance, confession, renaissance ? Son nouvel EP, « No Countries », prône certainement l’une des trois. Il a gagné en révolte, en fureur. De ce fait, sa musique devient le brûlot de son évolution et, en contrepartie, de celui qui l’écoute.

Le travail de I Have A Tribe (on ne se fera jamais au nom) gagne en complexité. Les sables mouvants de son précédent EP, que « Monsoon » avait musicalement et nominalement introduit, devenaient de plus en glissants tout au long de l’écoute et « Wake The Calvary » (cavalerie qui dort toujours d’ailleurs) finissait de nous recouvrir. La terre se raffermit enfin sur le titre « Medecine From Calgary », morceau qui fait le lien entre sa bile passée et son nouvel état. Comme peut l’évoquer le titre de la chanson, Patrick est guéri et entame le pas sur une musique plus lumineuse et enjouée : « No Countries, Just Animals » est le résultat juste de ses sentiments présents, ceux partagés entre l’indignation et la tristesse, se révélant sous une forme mélangée de cabaret jazz et de pop mélancolique.
La suite est tout aussi attachante. Les titres « Tribal » et « Lungs » convoitent l’élégance raffinée d’Antony & The Johnsons, piano-voix minimaliste à vibrato que Patrick articule sans forcer, dans une plénitude qu’on ne soupçonnait pas jusque-là.

Alors que sa musique servait de vase communicant, « No Countries » communique simplement. À coup de doses éclatantes, il colorie sa musique (et sa pochette) pour qu’elle devienne plus accessible. Dès lors, il sera compliqué de passer à côté de « No Countries » : son magnétisme est irradiant. Malheureusement, le xylophone « Psalm » arrive vite, beaucoup trop vite pour pouvoir s’habituer à la nouvelle humeur de l’Irlandais. On pourra donc, sous ordre du médecin, revenir à Calgary et se laisser musicalement soigner.

I Have A Tribe

« No Countries » de I Have A Tribe est disponible depuis le 16 octobre 2015 chez Grönland Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante