Dire que l’on attendait cet album au tournant, avec autant d’ambition que d’appréhension, relève du doux euphémisme ; craintes et questions rapidement dissipées face à ce coup de maître d’Hyphen Hyphen, qui parvient à largement dépasser les espérances portées en lui.
En plus d’être de véritables bêtes de scène, comme ils prouvent actuellement avec la tournée accompagnant la sortie de « Times », les membres du quatuor niçois Hyphen Hyphen font preuve d’un talent et d’une inspiration musicale rares dans le contexte actuel de la musique francophone. Rien ne sert de chercher à savoir d’où leurs viennent toutes ces idées surprenantes et imprévisibles, aussi bien sur les planches que sur disque ; à part peut-être grâce à une passion sans faille et de tous les instants, que ce premier essai confirme sans peine. Alors, « Times », une pierre à l’édifice supplémentaire que bâtit ce groupe passionnant ? Non : beaucoup plus encore.
Car le disque est tout simplement aussi ambitieux que phénoménal. Alors que l’on connaissait l’hystérie créative du projet depuis quelques années maintenant, rien ne nous permettait pourtant de prévoir et de vivre une telle débauche savante de concepts créatifs tous plus fabuleux les uns que les autres. Que l’on visite des terres bercées de rythmes africains (I Cry All Day) ou un soul électrique grisant et marchant sur les terres d’un gospel extraterrestre (We Are The Sunshine), Hyphen Hyphen ne crée rien de moins qu’une pièce maîtresse de la musique « ovniesque », indescriptible et audacieuse. Tout est ici aussi bien malmené qu’intelligemment mis en place, que ce soit durant les moments plus apaisés (The Fear Is Blue, I See Myself) que lors de passages débridés et fantasmatiques (Just Need Your Love, ou encore le funk abrasif et excitant de « Stand Back »). Le LP s’amuse à perdre tout repaire identifiable pour mieux nous noyer sous des vagues bienveillantes, qui prennent bientôt possession de nos corps pour les faire baigner d’une sueur bienvenue et intarissable. Un mélange des genres qui n’est jamais indigeste, même quand le reggae s’invite à la danse (Cause I Got A Chance, Steel) ou que le sublime côtoie les sommets les plus magiques (Please Me, l’obsessionnel et méditatif « Endless Lines »). Les images se succèdent sans jamais se ressembler, pour un plaisir total et jouissif.
Avec « Times », Hyphen Hyphen donne un bon coup de pied aux fesses de la bien-pensance médiatique, en ne résumant pas ses capacités harmoniques et ses dons de composition à une simple évocation des genres. Au contraire : tout ici est question de fête et d’excitation des synapses, d’inspirations visuelles et sonores intelligentes et radicalement immersives. On goûte chaque chanson avec le même plaisir coupable que le fait d’engloutir toutes les confiseries possibles au milieu d’une fête foraine, alors que mille couleurs défilent devant nos yeux. De montagnes russes en grandes roues, cette entité définitivement à part nous emmène à bord d’attractions qui font tourner les têtes et chavirer les cœurs, sans jamais s’égarer en chemin. Le LP est une source inépuisable de moments d’extase et de bienfaits ; une vitrine de jouets mécaniques dont les secrets sont à découvrir au fur et à mesure des écoutes. Mais surtout, un phénomène venu d’ailleurs et qui ne nous lâche plus, incitant à répéter les pistes les unes après les autres, sans parvenir un seul instant à lutter contre cette nouvelle forme d’obsession. Une perle aux vertus miraculeuses.
Inutile de le nier : « Times » frappe fort et emporte immédiatement l’adhésion. Vous êtes prévenus…
« Times » d’Hyphen Hyphen est disponible depuis le 18 septembre 2015 chez Parlophone.
