[Flash #27] Honeyblood, The H.O.S.T., Grimme, J-E-T-S et Jean du Voyage

Commençant par des apparences forcément trompeuses afin de mieux s’achever sur la beauté transcendante de prières intérieures, ce 27e épisode de Flash vous emmène dans les couloirs de lieux interdits, dans les mystères de la langue française et dans les méandres de l’âme humaine, en passant par deux décharges rock plus que bienvenues.

[LP] Honeyblood – In Plain Sight

24 mai 2019 (Marathon Artists)

Plus on progresse dans l’écoute de « In Plain Sight », plus on a l’impression de descendre les marches d’un night-club dans lequel tout peut arriver. Dans ses premiers titres, innocents et juvéniles, à l’image de l’introductif « She’s a Nightmare », le nouvel album de l’Anglaise Stina Tweeddale, aka. Honeyblood, pourrait passer pour une promenade de santé pop-rock sans effets néfastes. Mais plus les lumières s’éteignent, plus l’atmosphère devient pesante, étrange, surréaliste : les basses profondes invitent sur le dancefloor, à l’image du diptyque « Take the Wheel » / « Touch », avant de sombrer dans les ténèbres sur le transcendant et noise « Glimmer », petite merveille de rock contagieux et subversif. Ne jamais se fier aux apparences ; une évidence qui devient le leitmotiv de ce disque râpeux et aux multiples lectures, s’achevant sur la beauté mystérieuse et vénéneuse d’un « Twisting The Aces » au rythme martial et la légèreté mélancolique de « Harmless ». Honeyblood n’a décidément pas l’intention de se répéter, ce qui était déjà le cas sur ses opus précédents. Là encore, la preuve que l’on tient l’une des meilleures compositrices actuelles, sans conteste possible.


[LP] The H.O.S.T. – Bonfire

19 avril 2019 (iMD-thefactory)

Repousser toujours plus loin les limites du rock. Fréquenter l’abrasion, la lave incandescente qui pourrait, à elle seule, réduire en cendres des intentions déjà louables, mais rapidement dépassées. « Bonfire » est la source de tous les vices, la cause des vertus malmenées par un chant parfois clair et souvent possédé, par des guitares à la limite de la saturation extrême. Dès « Cannonball », tout explose et l’on croit détenir les clés de ce qui fera des trente prochaines minutes un monument instrumental et vocal. Ce serait passer à côté du sujet, des mouvements en power chords menaçants de « Babe Maybe », de la dynamique émouvante et sur la corde raide de « Dance Dance » ou encore de la brûlure instantanée qu’est le court mais parfait « Burning Bridges ». En guise de conclusion, après avoir tourné ses regards vers les horizons acoustiques d’une musique enflammée et sentant l’essence et le bois brut, « Brother » impose le dialogue impossible mais pourtant émouvant entre la voix et un solo de guitare lui répondant avec une tension quasi lacrymale. « Bonfire » de The H.O.S.T. exulte, se replie sur lui-même et s’extasie de craquer les allumettes propices à réduire nos idées reçues en cendres. Pour mieux rebâtir, sur des bases révoltées tout d’abord, mais saines et curatives.


[Clip] Grimme – Legend Star

La langue française lui va si bien… On avait laissé Grimme avec un premier album qui, il faut bien l’admettre, continue de nous suivre jour après jour. Une œuvre mystique, complexe, multiple et d’une qualité musicale et mélodique rare. Aujourd’hui, Victor Roux revient avec une seconde offrande prévue pour le début de l’année prochaine, dans la langue de Molière. À cette « Legend Star » d’ouvrir le bal, qui risque bel et bien de s’achever en tragédie. Car le titre lui-même, ancré dans les talents instrumentaux de ce compositeur de génie, invite des éléments synthétiques, discrets certes mais aptes à porter un timbre interrogateur et blasé. Co-réalisé avec Guillaume Genetet, « Legend Star » aurait pu n’être qu’une démonstration de l’opulence, de la richesse et de la célébrité. Mais il est surtout empli de regrets. D’une gloire perdue certes, mais qui ne manque finalement pas tant que ça, du fait de sa complète désincarnation. Un plan-séquence viscéral, où le rouge sanguin s’illumine grâce au bleu floral, seuls éléments émotionnels d’une performance d’acteur contraignante et habitée. Grimme demeure, une fois encore, bien en avance sur ses propres capacités. Et sur celles de beaucoup d’autres. Les prochains vont être très longs…


[LP] J-E-T-S – Zoospa

24 mai 2019 (Innovative Leisure)

Premier contact et première impression, prête à cependant rapidement devenir fausse : « Zoospa » ne sera pas la simple rencontre de deux producteurs baignés d’électro depuis de nombreuses années (Travis Stewart (Machinedrum) et Jimmy Edgar), mais plutôt une tentative de dépassement de soi, en ne se contentant pas d’enchaîner les idées créatives au même rythme que les collaborations. Le résultat, qui semblera sûrement trop hermétique pour certains, est une folie douce bercée de beats saccadés et de plages plus contemplatives, du moins dans sa première partie ; car, à partir de ce berceau d’intelligence artificielle qu’est le formidable « Real Truth », le point de vue de l’auditeur se voit bouleversé, chamboulé par les découpages scrupuleux du duo. J-E-T-S réalise l’exploit de concilier la concision instrumentale et l’expérimentation vocale, sans aucun temps. Ce qui le rend, à sa façon, totalement unique.


[EP] Jean du Voyage – Namaskar

24 mai 2019 (Banzaï Lab)

Le hasard n’existe pas. Sur le chemin d’une existence, les rencontres et l’amour commun qui en ressort sont les clés d’un royaume intérieur et mystique que, souvent, la musique parvient à illustrer. Comme les peintures de sable des moines bouddhistes, « Namaskar » est une œuvre dont les couleurs se complètent. Par la collaboration, tout d’abord : avec V. Soundara Rajan, joueur de Saraswathi Veena, dont les notes entre en connexion mentale avec les expériences électroniques de Jean du Voyage. Par l’encadrement des deux titres d’ouverture et de fermeture du disque, « Revaguphti » et « Charukesi », lentes et méditatives montées dans les strates que les deux artistes, rejoints par Pierre Harmegnies, nous font explorer. Point culminant de cette quête hors du temps et de l’espace tangible, « Nakshathram » est la fusion ultime entre l’humain et la divinité, entre les machines effleurées par le premier et le souffle originel expiré par le second. « Namaskar » est une délivrance, un mantra qui tourne et tourne encore en nous, libérant ses énergies purificatrices et éclatantes.

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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.