[Interview] Hinds

Depuis maintenant plus de quatre ans, Hinds sillonne les routes du monde entier avec son garage-pop barré et énergique. Le second album des Madrilènes est l’occasion de retrouver le quatuor de passage à Paris, avant un ultime concert prévu cette année au Trabendo en décembre.

crédit : Cédric Oberlin
  • Il y a quatre ans, vous disiez au sujet de votre public en Espagne : « la moitié des gens nous adore, l’autre nous déteste. » Qu’en est-il aujourd’hui chez vous, mais également à l’échelle internationale ?

Carlotta Cosials : Avant c’était vrai, mais aujourd’hui les choses ont changé. En fait, ce n’était déjà plus pareil dès le moment où nous avons sorti le premier disque, car notre relation avec l’Espagne a tout de suite changé. Les soutiens se sont faits de plus en plus nombreux, et maintenant on nous apprécie beaucoup plus finalement.

  • J’ai l’impression que cela a toujours été plus facile dans votre rapport aux pays anglo-saxons en comparaison avec l’Espagne finalement…

CC : Je crois que c’est parce que les médias anglo-saxons sont très rapides avec la musique, et quand ils découvrent quelque chose qu’ils aiment, et qui est encore petit, ils le promeuvent, ils l’adorent, le soutiennent, font des articles et autres. En Espagne, les choses se font plus lentement.

  • Cela n’a-t-il pas donné à votre trajectoire un caractère quelque peu insolite ? Comment voyez vous ça aujourd’hui avec le recul ?

CC : Exactement. Nous attendions déjà si peu notre succès actuel, c’est plus ou moins une surprise que tout fonctionne bien pour nous. Nous travaillons beaucoup pour cela, mais nous savons que pour beaucoup, travailler ne signifie pas toujours que cela va fonctionner pour les autres. Dans notre cas si, avec une musique qui n’est en rien commerciale, et c’est ainsi que nous en sommes là.

  • Pourquoi votre musique ne pourrait pas être commerciale ?

CC : Je pense que cela va rester difficile pour le monde de la musique garage parce qu’elle ne remplit pas les stades évidemment…

Amber Grimbergen : …c’est la pop.

  • Toujours est-il que beaucoup de choses se sont décantées avec votre nouvel album. Tout vous semblait plus… « facile », au moment de revenir en studio ?

AG : Oui, c’était plus facile.

CC : C’était plus facile que ça puisse paraître parce que nous étions prêtes. Au moment de l’écrire, on sentait que ça allait le faire, les choses, les idées venaient vite. On s’est laissé le temps d’accumuler des idées, des sensations, des émotions, pendant deux ans environ. On a tout concentré sur ce disque, et donc cela s’est fait plus ou moins vite.

crédit : Cédric Oberlin
  • Peut-on dire que le son de Hinds est arrivé à une forme de « maturité » ?

CC : Sans aucun doute oui, le monde change constamment et nous de la même façon. Nous avons mûri, jusqu’au moment où le temps de faire un nouveau disque nous paraissait évident.

  • D’abord il y a les paroles… j’ai lu qu’on vous interrogeait très peu à ce sujet, mais selon moi, les textes sont moins métaphoriques, vous êtes plus directes quand vous parlez de vos mauvaises expériences…

CC : Nous avons vraiment continué à vouloir un changement qui se ressente avec les paroles, Ana et moi. Parce que nous pensions que c’était meilleur ainsi : aborder d’autres thématiques, autrement, par exemple en dissimulant davantage ma vie personnelle. Nous avons pris une direction qui implique de parler sans tabous, sans métaphores, de façon beaucoup plus directe, sans peur. Cela rend nos chansons meilleures.

  • Est-ce que « Soberland » est la pire expérience comptée sur le disque ? Vous y mettez une énergie particulière…

AG : « Soberland » fut une mauvaise expérience, mais en même temps, il y en a des pires sur le disque.

CC : Et celle-ci est amenée de manière divertissante. Il y a de la rage et de la haine, c’est la chanson la plus « mean » (sic) que nous avons faite, mais en même temps, toute la chanson, du rythme de la guitare à l’utilisation de la basse, il y a une ambiance assez funky.

  • Dans l’ensemble du processus créatif, vos méthodes ont changé ? Qui fait quoi ?

CC : Nous participons au processus de composition toutes les quatre. Chacune fait sa partie, et l’on rassemble le tout avec Ana pour y ajouter les mélodies des voix ou les parties à la guitare. Pour les textes, c’est toujours Ana et moi.

  • Certains trouvent ce disque plus propre sur le plan technique grâce à l’aide de nouveaux collaborateurs en studio. Hinds aurait-il perdu sa touche DIY ?

CC : Je crois au contraire que nous souhaitions que cela continue le plus possible à sonner comme le Hinds de départ, quand nous jouons ensemble. Et je pense que c’est le cas : pour la grande majorité des chansons, l’utilisation des guitares, des pédales, on s’est assuré qu’on reconnaisse la patte de Hinds quand on a enregistré le disque. Nous avons dédié également beaucoup de temps à la batterie, à la basse, à tous ces sons et aux couleurs qu’on voulait leur donner. Ce qui a été nouveau, c’est la participation de Shawn Everett pour le mixage, un chico de Los Angeles.

crédit : Cédric Oberlin
  • Comment a-t-il contribué au projet avec Gordon Raphael, votre second acolyte en studio ?

CC : Gordon Raphael nous a encouragé à être nous-mêmes pendant l’enregistrement, mais pour ce qui est du mixage, une fois que la chanson est faite, Shawn Everett a apporté plein de bonnes idées.

  • J’ai lu que vous ne vous classiez pas dans la catégorie des groupes qui écrivent non-stop en tournée…

CC : Non, c’est impossible, nous n’avons jamais le temps pour faire comme cela. À aucun moment on a une minute libre pour se mettre en condition pour cela, il faudrait être bien plus tranquille. Nous n’avons évidemment pas de bus de tournée, mais simplement une fourgonnette que tu n’imagines même pas, remplie de choses à tout moment. Non, non, non (rires), c’est impossible, logistiquement, mais aussi physiquement. Et puis ce n’est pas comme cela qu’on envisage notre processus créatif avec Ana, et je me vois mal m’isoler avec mon notebook dans la fourgonnette.

  • Combien de concerts avez-vous faits depuis 2014 ?

CC : Difficile à dire, mais peut-être entre 350 et 400 concerts, je dirais.

  • Est-ce que certaines chansons peuvent naître pendant des sessions de jam à quatre ?

CC : Parfois oui, totalement. Cela dépend de la chanson, mais pour la grande majorité oui. Évidemment cela signifie que certains de ces jams ne sont jamais sortis du studio…

AG : Ensuite, l’enregistrement se fait comme en live pour l’instru, on est là côte à côte à jouer tous ensemble. On reproduit la séance de jam en quelque sorte.

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  • Quelques suggestions de groupes espagnols à découvrir ?

CC : Los Nastys, à écouter ! Ils viennent de sortir un disque dingue.

AG : À Barcelone, il y a Mujeres vraiment génial.

CC : Baywaves aussi c’est cool, ils sont de Madrid !


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens