Entre bricolage maison et impulsions électriques brèves mais transperçantes, le nouvel EP d’Helluvah démange et enfonce des dards électro et rock dans nos muscles frémissants.
L’absurde, au sens noble du terme, a toujours auprès de lui un public désireux de sans cesse apprendre à s’imprégner de phénomènes souvent non identifiés mais aptes à combler un besoin grandissant d’inexplicable, alors que la solution et l’envie sont à portée de main. Prenons, au hasard, les livres de Georges Perec ou les films grandiloquents mais troublant d’intimité presque burlesque de Quentin Dupieux. Cette forme d’art qui divise autant qu’elle impressionne par son caractère mystérieux et proprement addictif est, pour ses admirateurs les plus tenaces, un besoin vital entraînant la curiosité vers des heures de réflexion et de recherches intensives pour trouver, là où elle se cache, la source capable de désaltérer un besoin intense d’admiration et de plaisir coupable.
Helluvah (Camille Warmé dans le civil), avec cet EP contenant deux inédits et deux remixes du titre « This Is Hot », offre à l’auditeur un terrain de jeu vierge de toute impureté, n’imposant jamais d’arrangements inutiles mais laissant au contraire le champ libre à n’importe quelle nouvelle vision de ses propres compositions. Grâce à un « This Is Hot » décalé, entre pop très 80’s et minimalisme râpeux et gris, l’artiste décline plusieurs facettes de genres apparemment contradictoires, entre rock imbibé de vapeurs d’éther et électro nue et mécanique. Vocalement accompagnée de Marc Huyghens (ex-Venus, Joy), elle soupire plus qu’elle ne chante, mais révèle à nouveau ses sonorités vocales faisant d’elle une annonceuse de revue grand-guignolesque dans tes tons lyriques autant murmurés qu’éloquents, tandis que son acolyte susurre et se confie à nos oreilles nimbées d’une brume éthylique. Impression de torpeur sexuelle, de préliminaires avant l’acte qui se concrétise sur le premier remix (ou plutôt la réinterprétation) de Melissa Laveaux et se libère de ses chaînes dans un Highways tourmenté et cavalant au milieu de prairies sous les bombes.
L’apothéose érotique se retrouve sur la relecture de BobX, enflammant des dancefloors usés jusqu’à la corde par trop de pas tout sauf chaloupés, martelés sur les planches et frottant des moquettes délavées alors que le jour se lève. Difficile de savoir où Helluvah va nous emmener après ces quatre hymnes surprenants et avant un nouvel album, « Long Distance Runners », prévu pour le début de l’année 2015. Un choix artistique étonnant pour un EP qui l’est tout autant ; Camille Warmé a directement passé la troisième vitesse, sans embrayer, et maîtrise pourtant un véhicule dansant et hypnotique hors de contrôle.
Tandis qu’on aurait pu craindre, en regardant la vidéo accompagnant ce premier extrait, une dérive inutile et très « French touch » (solution de facilité assez honteuse chez de nombreux créateurs de l’Hexagone), elle place au contraire, ici et là, des signes vitaux nous orientant vers ce que son prochain effort pourrait être. Ou non, afin de mieux nous tromper. Elle ouvre ainsi toutes les possibilités d’interprétation et de compréhension et active les neurones grâce aux gestes délicats mais sûrs d’une prestidigitatrice gardant ses secrets pour elle. Elle sème des indices au détour d’une mélodie, d’un son électronique ou d’un court riff de guitare, d’une ligne de basse. Et c’est ce qui fait tout le sel de ses envies et de ce qu’elle partage : elle montre demain tout en nous happant dans le brouillard quotidien et éphémère de mélopées suaves et douces-amères.
Il ne nous reste plus qu’à attendre encore quelques semaines. En regardant les aiguilles tourner, inlassablement, jusqu’au moment fatal, celui que l’on aimerait pouvoir anticiper. Patience.
« Short Distance Runners » d’Helluvah, disponible le 3 novembre 2014 chez Dead Bees Records.
Retrouvez Helluvah sur :
Site officiel – Facebook
