[LP] Grandaddy – Last Place

Que fallait-il attendre du retour de Grandaddy, après de nombreuses années durant lesquelles nous avions été laissés orphelins, abandonnés à notre triste sort et impatients de retrouver le projet pour de nouvelles aventures ? Certainement pas ce que ce nouveau disque révèle, tant celui-ci est riche et émotionnellement parfait, sans jamais oublier de brasser mélodies et instrumentations dans une confection inédite et qui fait tout le sel de cette production attirante et immédiatement incontournable. Un cru 2017 qui est aussi doux à savourer immédiatement que destiné à parvenir à maturation dans les années à venir.

Notre dernière rencontre avec Jason Lytle remonte à la fabuleuse création du Color Bars Experience à Bourges, il y a deux ans, lors d’un concert poignant en hommage à Elliott Smith. Et, au-delà de l’intensité de ce moment à part et privilégié, il nous avait semblé déceler chez l’homme un besoin urgent de revenir à ses premières amours, de même qu’une vision forcément différente de sa propre force créative. Les mois ont passé et, enfin, « Last Place » atterrit devant nos yeux, objet venu d’ailleurs, mais sûrement pas le dernier endroit sur terre où l’on voudrait être. Le disque respire la bonté et la générosité, amenant Grandaddy à fouiller et triturer ses propres talents pour les explorer de fond en comble et les amener encore plus loin que ses compositions précédentes. Immédiatement addictif et passionnant, ce nouvel opus est fait pour durer, et nous obséder des heures et des jours durant.

Annoncé par un « Way We Won’t » qui nous ramène exactement là où Grandaddy s’était interrompu avec « Just Like The Fambly Cat », Jason Lytle et ses acolytes apportent pourtant un petit quelque chose d’inattendu, de difficilement identifiable au premier abord avant de devenir évident au fil des écoutes. Une sagesse qui transpire de chaque piste, que ce soit dans cet incomparable mariage entre électronique et organique sur « Evermore » ou à travers les élans rock urgents de « Chek Injin ». Mais, là où le groupe prend toute son ampleur, c’est bel et bien lorsqu’il décide de ralentir la cadence, de prendre le temps de poser son regard sur une contemplation aussi intérieure – sans jamais être nombriliste – que rêveuse. Ainsi, « The Boat Is In The Barn » rayonne, avant que des chansons aussi soyeuses et personnelles que le bouleversant « This Is The Part » ou l’électrisant « A Lost Machine » viennent apporter un équilibre nécessaire et vital à la cohérence d’un album dont la puissance côtoie un souci du détail admirable et continu. L’alternance entre lumière et ténèbres n’a jamais été aussi prononcée, assumée comme telle par un Grandaddy sûr de lui et de son habileté à transcender une œuvre déjà si précieuse.

« Last Place » valait largement l’attente ; et, même, il la rend indispensable, au vu de ces envolées mélodiques tantôt tourmentées, tantôt apaisées et bienfaitrices. Pendant que certains se reposent sur leurs lauriers en attendant une éventuelle remise en question, Jason Lytle, en secret, continue à travailler inlassablement et à sculpter de nouvelles figures, d’abord abstraites, puis rapidement concrètes et d’une beauté plastique et sonore touchant au merveilleux autant qu’au sublime. Un album exceptionnel – mais pouvait-il en être autrement ? -, qui nous rassure autant qu’il nous hante. Et pour longtemps.

« Last Place » de Grandaddy est disponible depuis le 3 mars 2017 chez 30th Century Records / Columbia.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.