[LP] Filip Chrétien – Les traces

Poète noir d’une chanson française directe et émotionnelle, Filip Chrétien offre, avec « Les traces », un instant empli de genres musicaux propres à accompagner des paroles douces-amères qui sont autant de constats existentiels poignants.

Filip Chretien - Les Traces

Pour parvenir à trouver une place – ici largement méritée – dans le paysage musical français, il faut bien souvent avoir un nombre d’idées créatrices au-delà de la normale, qu’il s’agisse des paroles ou de la musique. Prendre des risques sans pour autant oublier de dire, sans fard, ces histoires humaines qui sont la sève vitale de contes de la vie ordinaire. Avec « Les traces », l’artiste rennais Filip Chrétien prend des chemins de traverse bénéfiques et nouveaux, ancrant son art dans une multitude de genres différents mais avec toujours une ligne directrice qui n’est pas prête de changer : raconter ces anecdotes d’amours compliquées que l’on souhaite, autant que possible, plus pures et calmes. De la douleur à la libération, l’album est une confession mélodique parfaite et sans accroc.

Sur des nappes acoustiques servant de fil rouge à l’ensemble de l’album, le compositeur s’amuse à varier les plaisirs, allant d’une harmonie à l’autre pour toujours maintenir une cohérence immuable et parfaitement bien dosée. D’un folk sobre emporté par des cordes aériennes (Les traces) à des errances plus pop (La couleur des fleurs), il enchaîne sans jamais se répéter, libérant des torrents guitaristiques sensibles et subtils. Et lorsque le piano nous berce pour mieux nous perdre (Comme je t’attends) avant de laisser place à des arrangements satinés et d’une beauté à couper le souffle (Qui est ce garçon), il délite les brins de laine de son propre langage pour mieux l’apprivoiser et l’étendre devant nos yeux (le minimalisme americana caressant de « À l’inverse »). Sans jamais oublier une seule seconde son propos, il offre à ses paroles des écrins inédits et rassurants, toujours prompts à lui permettre de parler, de murmurer, de chanter librement.

Dans ces contrées embrumées et solitaires, la reprise du célèbre « Diabolo menthe » d’Yves Simon est un constat sans appel de ce qui porte le musicien dans son œuvre totale : un besoin essentiel de parler de l’amour et de ses pertes de repère, de ses ambitions et des efforts que celui-ci suppose. Avec une voix fiévreuse, grave et affirmée, Filip Chrétien évoque et provoque, se confie sans jamais se cacher. La déraison fréquente ici l’adoration et la jouissance, dans un torrent de sentiments jamais complaisants mais toujours justes. Le défi de la chanson française, si décriée de nos jours, est ici remporté haut la main, tant ces blessures et ambitions parlent à chacun de nous, dans notre intime conviction qu’il subsiste, dans la grisaille, des phares prêts à nous laisser espérer ce que nous recherchons chaque jour ; une liaison charnelle et spirituelle ultime, où le couple prend sens. Et où le passé, et les traces qu’il laisse, augure d’un avenir certes chargé d’expériences, mais bientôt lumineux.

Filip Chretien
crédit : Jérôme Sevrette

En n’ayant pas choisi la facilité, Filip Chrétien est pourtant parvenu à délivrer un album profondément sensoriel et admirable ; la vision d’une sensibilité à fleur de peau dans laquelle chacun, grâce à lui, trouve le complice d’un futur baigné de nostalgie et de volonté d’avancer.

« Les Traces » de Filip Chrétien est disponible depuis le 23 octobre 2015.


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Raphaël Duprez

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