[LP] Federico Albanese – The Blue Hour

Dans les sphères sombres et lumineuses du classique, Federico Albanese déploie une merveilleuse capacité, celle de désarmer nos sens. « The Blue Hour » rassemble une myriade de musiques minimalistes, irradiantes de beauté, entre le jour et la nuit.  

Federico Albanese - The Blue Hour

À chaque luisance sonore d’un projet de cette envergure, on se sent – à une mesure imagée – les rois de l’univers. On a l’impression de pouvoir tout penser, tout écrire, tout analyser. Nos sens créent alors des pensées hirsutes, en pleine effervescence. On rêve plus fort que les autres, on ressent plus vite les choses. On se dit que l’auteur a tapé dans le mille. Et plus loin encore, à la lumière de l’objectivité, on se dit que l’auteur a réussi de tendre son art à l’universel. Car quand on hante un album à ce point, il est difficile d’admettre que l’œuvre ne puisse habiter tous les esprits. Federico Albanese déroule l’impensable, une merveilleuse chaîne laconique et émotivement puissante : « The Blue Hour » a la couleur de la mélancolie, se vit et se prédit. Nous devenons tous des devins, des visionnaires, des Nostradamus modernes, qui voient au-delà des apparences.

Les instruments que Federico déploie dans son second album sont bien considérés : piano et synthétiseurs rejoignent une flopée de cordes frottées, repiqués par le rythme délicat et infime des effets sonores, telle une bruine électronique qu’on perçoit à peine, mais qui mouille quand même. Ces plusieurs strates, qui se présentent les unes après les autres (comme dans l’édifiant « Migrants »), adoucissent l’acoustique, créent de la dominance, mais aussi de l’ambivalence comme nous l’exprime Federico : « Il est un moment particulier où les contraires sont proches, se touchent presque les uns les autres, comme quand il y a de la lumière, mais pas tout à fait les ténèbres. Un monde entre les deux, où les choses sont incertaines. » Ce microcosme temporel, que l’artiste appelle Gesamtklang (richesse harmonique), légitime évidemment l’incroyable précision et la fluidité onirique de ses compositions. C’est pour cette raison que les titres sont enregistrés de bout en bout et de façon analogique ; une façon de voir se concentrer chaleur et authenticité sonore. Cette mécanique structure l’album sans jamais compromettre son charme. Dans « Céline » par exemple, amante qu’il semble border de soie, nous entendons les beats sourds et légers rythmer l’ossature classique, et ce dans quasiment toutes les pistes, en particulier dans la belle éponyme « The Blue Hour », héroïne cinématique d’un monde crépusculaire.

L’artiste milanais basé à Berlin, qui tient certainement la sensibilité et le charme de son origine, redouble de poésie pour définir son dernier précieux : « Un endroit de récupération et de guérison, bercé par la sécurité de l’ombre chaude d’un vieil arbre sur une colline. » Il berce, c’est certain, et même plus encore, car sur cette échelle infinie où culmine l’expression de ses treize compositions, le vertige est assuré.

crédit : Beniamino Barrese
crédit : Beniamino Barrese

« The Blue Hour » de Federico Albanese est disponible depuis le 15 janvier 2016 chez Neue Meister.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante